Les autorités de transition burkinabaises que dirigent le président Michel Kafando et le Premier ministre Isaac Zida ont été confrontées ces derniers jours à une crise politique provoquée par des officiers commandant le puissant régiment de la sécurité présidentielle. Comme revendications, ces officiers ont exigé que le gouvernement de transition renonce à prononcer la dissolution de leur régiment et la démission du Premier ministre qui en a fait la proposition. Le « clash » entre les deux camps a été temporairement évité par un compromis bancal qui a consisté à geler la décision de dissolution du RSP. Isaac Zida a pu ainsi se maintenir à son poste mais en perdant pratiquement le contrôle du RSP dont il est le commandant adjoint puisqu'il a consenti au remplacement des officiers de cette unité qui sont ses partisans. Cette péripétie démontre que les militaires burkinabais et principalement leur fer de lance la garde présidentielle n'ont pas renoncé à dicter leur loi dans le pays. Elle prouve de même que les partisans du président déchu n'ont pas désarmé et ne manqueront pas de tenter de faire avorter la transition. Les officiers qui ont conduit un début de révolte militaire contre les autorités de transition ont soutenu jusqu'au bout Blaise Compaoré et il n'est nullement exclu qu'ils sont restés en contact étroit avec lui et en reçoivent les « conseils » qui leur dictent l'attitude à adopter à l'égard des autorités de la transition. La société civile burkinabaise, artisan essentiel de la chute de Compaoré et de son régime, a pleinement conscience que les partisans du président déchu sont encore en position de force du moment qu'ils détiennent encore le contrôle de l'armée et sont aux commandes de la plus puissante unité de celle-ci, le régiment de la sécurité présidentielle. Elle sait par conséquent que l'accord bancal intervenu entre les autorités de la transition et les officiers instigateurs des remous survenus à Ouagadougou il y a quatre jours n'a rien réglé et que la transition est de ce fait toujours menacée. Son inquiétude elle l'a manifestée en organisant un meeting de protestation contre les menées des militaires nostalgiques de l'ère Compaoré au cours duquel il a été réclamé la dissolution du RSP et la neutralisation des officiers cultivant cette nostalgie. Il ressort en tout cas de cette péripétie burkinabaise que le Premier ministre Isaac Zida qui a émergé en tant que l'homme fort du pays à la chute de Blaise Compaoré se retrouve dans une position amoindrie car, d'une part, il est démontré qu'il ne contrôle pas l'armée comme il a semblé le faire au cours des évènements ayant entraîné la chute de l'ex-président et d'autre part qu'il est sous la méfiance de la société civile que sa participation à la direction du gouvernement de transition n'a guère enthousiasmée. Pour désarmer les préventions de celle-ci à son égard, Zida doit impérativement choisir sous quelle casquette il a opté d'être en qualité de Premier ministre. Celle du colonel qu'il est resté et donc enclin à faire passer les intérêts de sa corporation avant ceux du pays et de sa population, ou celle de l'homme politique qu'il est désormais et s'était engagé à faire aboutir les principes et les revendications ayant été ceux de la révolution burkinabaise d'octobre dernier. Des pressions internationales ne seront pas de trop pour le convaincre de faire le bon choix qui est d'en terminer avec ce qui reste du régime de Compaoré et de mener la transition à l'aboutissement : la liberté et la démocratie pour le Burkina Faso.