Le secrétaire d'Etat américain John Kerry a assuré dimanche au Caire que l'accord sur le nucléaire iranien allait rendre le Moyen-Orient plus sûr, à l'issue d'un "dialogue stratégique" avec l'allié égyptien qui marque la première étape d'une tournée régionale. M. Kerry rencontrera d'ailleurs lundi à Doha ses homologues des six monarchies sunnites du Golfe pour tenter d'apaiser leurs craintes suscitées par l'accord sur le nucléaire conclu en juillet entre Téhéran et les grandes puissances. "Il n'y a absolument pas de doute, si l'accord de Vienne est entièrement appliqué, l'Egypte et tous les pays de cette région seront plus en sécurité(...) comme ils ne l'ont jamais été", a affirmé M. Kerry après avoir co-présidé avec son homologue égyptien Sameh Choukri le "dialogue stratégique", dont la dernière édition remonte à 2009. Les monarchies du Golfe se méfient des ambitions régionales de l'Iran chiite. L'Arabie saoudite, rivale de l'Iran, a toutefois exprimé officiellement son soutien à l'accord. "Les Etats-Unis et l'Egypte reconnaissent que l'Iran est engagé dans des activités déstabilisatrices dans la région, et c'est pour cela qu'il est si important de s'assurer que le programme nucléaire iranien demeure entièrement pacifique", a ajouté M. Kerry. Le chef de la diplomatie américaine, qui doit rencontrer le président Abdel Fattah al-Sissi, a souligné la nécessité pour l'Egypte de trouver un "équilibre" entre la lutte contre une insurrection jihadiste sans précédent et le respect des droits de l'Homme. En Egypte, les Américains sont confrontés à un dilemme: veiller à leurs impératifs sécuritaires tout en dénonçant les atteintes aux libertés. Ils continuent notamment de dénoncer la terrible répression menée par le régime du président Sissi contre les partisans de son prédécesseur, l'islamiste Mohamed Morsi qu'il a destitué en 2013. Mais les deux pays se sont plus ou moins rabibochés ces derniers mois grâce à la reprise en mars de l'assistance militaire américaine de 1,3 milliard de dollars par an. "Les Etats-Unis et l'Egypte sont en train de retrouver une base plus solide pour leur relation", a d'ailleurs souligné M. Kerry. "Il y a eu des tentions ici et là sur certaines questions. Les Etats-Unis ont exprimé leurs inquiétudes concernant certains défis en matière de protection des droits de l'Homme", a-t-il ajouté. Dimanche, un tribunal a reporté au 29 août son verdict dans le procès de trois journalistes de la chaîne qatarie Al-Jazeera, dont la première condamnation à des peines de prison allant jusqu'à 10 ans avait provoqué un tollé international et suscité des condamnations de Washington. L'Australien Peter Greste, le Canadien Mohamed Fahmy et l'Egyptien Baher Mohamed sont accusés d'avoir "diffusé de fausses informations" pour soutenir le mouvement interdit des Frères musulmans de M. Morsi. «TRES GRAVE MENACE» Dans le cadre de la levée du gel de son aide militaire, Washington a annoncé jeudi la livraison au Caire de huit avions de combat F-16, sur les 12 promis en mars. "Nous avons augmenté de manière significative la coopération militaire, comme on peut le constater avec la livraison des F16 et d'autres équipements et biens qui sont essentiels pour la lutte contre le terrorisme", a affirmé M. Kerry. Le Caire et Washington s'alarment de l'insurrection jihadiste dans le nord de la péninsule égyptienne du Sinaï, un bastion du groupe Ansar Beït al-Maqdess qui s'est rebaptisé "Province du Sinaï" pour marquer son allégeance au "califat" autoproclamé par le groupe Etat islamique (EI) sur des pans de l'Irak et de la Syrie. Les attentats visant les forces de sécurité se sont multipliés depuis l'éviction de M. Morsi. Des centaines de policiers et de soldats ont été tués dans ces attaques, selon les forces de sécurité qui disent avoir éliminé plus de 1.000 jihadistes au Sinaï. "Nous sommes profondément inquiets de ce qui se passe dans le Sinaï", a commenté un diplomate américain. "Les Egyptiens sont confrontés à une très grave menace d'organisations affiliées à l'EI et nous devons les aider". A Doha, M. Kerry tiendra aussi une rencontre tripartite avec ses homologues russe et saoudien, Sergueï Lavrov et Adel al-Jubeir, pour discuter également des conflits en Syrie et au Yémen, selon la diplomatie américaine. Ce voyage prévu jusqu'au 8 août ne comprend pas d'étape en Israël, l'allié indéfectible des Etats-Unis mais aussi le plus farouche opposant au compromis avec Téhéran.