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Prêtresse ou pécheresse ?
Publié dans Le Quotidien d'Oran le 21 - 11 - 2015

L'héritage empoisonné : Il faut bien se résigner à interroger le passé : la prêtresse nous a-t-elle maudits ? Kahina, seule femme à freiner la utation. Trahie par les siens, elle a fini par être décapitée au lieu-dit Bir El Kahina. Sa tête fut envoyée au calife Abd al-Malik en Syrie, autre pays conquis grâce à la trahison (1).
Son fils obtient le contrôle des Aurès, récompense ou «concorde nationale» ? Il n'y a pas eu de procès de sorcière à l'image d'un Occident, pas d'écriture pour trier l'histoire de la légende. Pas assez convaincus, les ex fidèles de la prêtresse mirent pas moins de 2 siècles à se soumettre et encore. «Déesse Sudiste Rutilante», haïe et adulée, elle en est sortie plus immortelle que son vainqueur. Qu'importe si elle n'est pas dans le livre officiel comme toutes les figures féminines y compris Oum Selma, l'épouse du Prophète qui osa interpeller Dieu au sujet de son statut. « On a recensé plus de 9000 femmes qui ont disparu de la mémoire collective des musulmans. Personne ne parle d'elles alors qu'elles étaient des mouhadithate ( transmeteuses de hadith ) des oulémas, des mafatis et même des imams… N'oublions pas que la première femme imam a été désigné par le Prophète( QSSL)… et que Sidna Omar a confié la sécurité de Médine à une femme…» Plus tard, l'imam El Chafié, historien et fondateur de l'une des 4 écoles juridiques de l'Islam écrivait : «Trois choses vous insultent si vous les honorez et si vous les insultez vous honorent : la femme, le serviteur et le nabatéen.» Aristote, saint Paul n'avaient que du mépris pour elle, tandis que le mathématicien Pythagore démontrait que le bon principe a créé l'ordre la lumière et l'homme tandis que le mauvais, le chaos, les ténèbres et la femme. Son état naturel, l'esclavage, précisaient à leur tour Rousseau Napoléon et Nietzsche.
Pour Freud, c'est simple, une malade mentale et Genet notait que «la sexualité est au cœur de nos problèmes.» Camus, l'enfant d'une femme déséquilibrée par un veuvage causé par la première Guerre mondiale, se contentait de se lamenter : «Les hommes meurent et ne sont pas heureux.» Tandis qu'une Virginia Woolf se demandait comment se débarrasser d'un corps de femme avant de se suicider comme la plupart de celles qui se sont trop posé de questions… Plus chanceuse que Saint Augustin, la reine des Aurès a eu au moins une statue. (2) Après elle, c'était fini des déesses, des reines, des prêtresses, il ne restait que des voyantes des guérisseuses des possédées pour consoler le genre maudit. Jusqu'au retour des Beni Hilal, années 90, qui les fit disparaitre pour les remplacer par les leurs, mais on ne commande pas à la magie à l'enchantement… Le boulot achevé, l'Indépendance acquise, les descendantes de la Guerrière n'étaient plus que des mères porteuses.
En 1954, profitant de la leçon «nos ancêtres les Gaulois», elles brisèrent les murs de la double oppression patriarcale et colonialisme. De 1962 à 2015, la femme algérienne reprend à son compte la phrase du poète : «Aux yeux des souvenirs, que le monde est petit !» Ou celle d'une Virginia Woolf : «une femme extraordinaire dépend d'un homme ordinaire.» De l'exemple de l'héroïne à suivre, elle est devenue un cas social, une condition dans un Code certifiant sa minorisation à défaut de la démontrer. Lavoisier disait : «nul ne commande à la nature s'il n'obéit pas à ses lois.» Et la loi de la nature fait que le garçon vient au monde avec seulement 50 % de l'ADN paternelle. Ces codeurs l'ont allégrement amputé de l'autre moitié. Ils ont déchu la femme et en réaction, le fils sacralise la mère à défaut d'une déesse. Malgré la chute du sexe faible, l'Algérie n'a réalisé aucun de ses rêves et a fini par enfanter le pire des cauchemars : la génération terroriste. A peine 4 ans après l'application du Code de la mort de la famille, la révolte d'octobre 88. Quelques années plus tard, le FIS menaçait de prendre la direction du pays et refaire le harem et les eunuques. Quand la parole s'était libérée momentanément, on répliquait aux voix féminines que l'urgence c'est la démocratie, l'économie, la sécurité après on s'occupera des problèmes du second sexe. Seule, la Kabylie avec le RCD a osé parler d'abrogation du Code de l'infamie. La femme, c'est la fille la mère l'épouse et dans le bonheur du père du fils de l'époux, elle trouvera bien son compte. Une logique défendable, mais comme on dit : quand ce n'est pas l'heure c'est plus l'heure. Le professeur de psychologie sociale Medhar (3) explique dans l'Echec des Systèmes algériens, que l'individu, sa vie durant, ne bénéficie que d'une unique protection, l'affection maternelle. Vaste programme quand la mère elle-même a besoin de protection. Les jeunes d'octobre 88 en colère contre le Pouvoir furent stoppés non par les larmes des mères la sagesse des pères, mais par le feu de l'armée. D'autres prirent la relève, plus expérimentés, armés jusqu'aux crocs et vampirisés par l'attente et la frustration. Du bourreau à la victime, tout individu se retrouve forcément tué ou tueur, «agent contrôlé ou contrôleur».
Le sacrifice du sexe faible : Déjà au XII e siècle, le philosophe Ibn Roshd avait attribué la stagnation des pays musulmans à la subordination, notait l'anthropologue et historien Mahfoud Bennoune. Après avoir obtenu un doctorat d'Etat aux USA et enseigné dans plusieurs universités américaines, il revint au pays en 1977. Dans la préface de son livre Les Algériennes, Victimes de la Société Néopatriarcale, il écrit : « A la mémoire de ma sœur Zohra, victime des traditions berbéro-arabo-islamiques et à ma fille Karima, militante des droits de l'homme.» Combien d'Algériennes ont eu la possibilité de le lire, combien de fois l'Unique ou ses clones ont invité cet ancien moudjahid pas comme les autres à l'occasion d'un 8 mars ? Seul Boudiaf avait accueilli ce rare spécimen dans le Conseil Consultatif National avant d'être assassiné. L'anthropologue et historien souligne que dès le début, le régime de Boumediene a voulu «sur-islamiser» pour le code de la famille les intégristes religieux et «sur-socialiser» les socialistes dans l'économie et le social. «Face à la diversité des aspirations et des revendications, «le pouvoir ne pouvait… conserver son monopole religieux et politique qu'en produisant un discours ambivalent, suffisamment ambigu pour créer une sorte d'équilibre entre les groupes sociaux en lutte pour des projets de société différents, dont il ne serait que l'arbitre. »(4) Le 20 septembre 1970, 8 ans à peine après l'Indépendance, à la veille de la promulgation de la Charte de la Révolution agraire, de la Charte de la gestion socialiste de l'entreprise (G.S.E. ) et l'instauration de la médecine gratuite, le ministre des Affaires religieuses et de l'Enseignement originel «tira la sonnette d'alarme» pour «alerter l'opinion publique algérienne contre les mœurs licencieuses et impies introduites par l'Occident auquel il faut à tout prix opposer l'Islam.» De septembre à décembre, Mouloud Kassem mobilisa tous les medias lourds pour lancer son inquisition. «… contre les tentations de ces…soirées organisées sur les hauteurs d'Alger, dans ces hôtels, comme le «Saint Georges», «où le sens morale s'émousse dans les vagues de l'alcool, des lumières tamisées et du Tabac blond» ainsi fut clôturée la campagne par l'inoxydable journal El Moudjahid. Il ne restait aux prêcheurs intégristes, qui rêvaient d'un califat, que de se saisir avec frénésie de la débauche sexuelle et morale en toute sécurité puisque le sexe faible en était la cible. En 1971, le 5eme Séminaire de la pensée islamique organisé par le même ministère, s'ouvrit à Oran avec le thème : «L'Islam et le problème de la famille et de l'éducation des générations montantes dans le monde d'aujourd'hui. » Les participants se mirent d'accord pour «dispenser obligatoirement pour la femme l'enseignement… dans le domaine de l'éducation de la jeunesse… assurer sa participation à la vie culturelle de la mosquée…Réaffirmer la nécessité d'unifier les lois concernant la famille dans tous les pays islamiques en vue de codifier nos législations en la matière conformément aux principes de l'Islam.» 8 ans avant la Révolution verte de Khomeiny, décidément l'Algérie, toujours en avance. On sait comment ont fini toutes les révolutions de Boumediene et comment la génération des années 90 a bénéficié de la bonne éducation originelle du Ministre des affaires religieuses. Certes Boumediene n'a pas déséquilibré une société en bonne santé, elle était déjà malade.
La preuve, il a dû envahir Alger avec ses chars pour devenir son Guide. Mais, de tous les présidents, c'était le seul qui avait assez de pouvoir entre les mains. Doué pour manipuler la populace afin de l'amener en douce à accepter un changement bénéfique même impopulaire comme l'avait fait Bourguiba devançant même la France concernant les droits de la femme. Il a maintenu un état de guerre permanent, s'auréolant d'une mystérieuse gloire jusqu'à s'identifier au messie aux yeux du profane. Il est mort avec ses secrets. Son successeur Chadli, a veillé avant de disparaitre à laisser des Mémoires qui veulent tout dire et rien dire. Du Big Brother au Meilleur des Mondes sans aucune transition, l'Algérie ne pouvait rien éviter du doublon sismique. Pour sa «stabilité», elle hérita au moins d'un «ennemi intérieur» : la femme.
Les chiffres ont un sexe : Quand on a ouvert la boîte de Pandore avec la division : masculin et féminin, tout y est passé. Comme si la différence biologique ne suffisait pas, on a récolté : le vainqueur et le vaincu, le fort et le faible, le prince et l'esclave, le patron et le travailleur, le Blanc et le Noir, le sain et le handicapé etc. Le psychologue Daco s'est demandé de quelle égalité la femme parle quand mille hommes représentent déjà mille inégalités. Aujourd'hui, comme aux moments cruciaux, en plein blocage, soit on appelle à l'aide la femme soit on la sacrifie un peu plus pour calmer la colère du ciel. Cette fois-ci, le viril FMI a tout essayé pour sortir le monde de la crise jusqu'à mettre une femme à sa tête et eurêka : «les femmes peuvent sauver le monde.» (5) Ses experts, dans une note de 30 pages, ont démontré que si le travail féminin était encouragé, il constituerait un formidable tremplin pour la croissance. «Les femmes peuvent soutenir la moitié du ciel», disait Mao. Si elles sont la moitié de l'humanité, leur représentation n'est que de 40 % de l'Economie mondiale (officielle).
En Asie de l'Est, leur taux de participation est de 63 % contre à peine 21 % pour le Moyen-Orient et l'Afrique du Nord. Le FMI a calculé que le Japon pourrait gagner 0,5 % de croissance économique si les Japonaises acceptaient de travailler comme les femmes du G7. Aux USA, elles feraient gagner 5 % au PIB si elles s'activaient autant que les hommes. Une embellie de 12 % pour les Emirats arabes et 34 % pour l'Egypte. En 2009 déjà, la presse titrait : «Les femmes détiennent la clé de la reprise de l'économie mondiale». «L'avenir de l'économie est dans les mains des femmes» affirmaient en chœur « Goldman Sachs, la banque la plus virile de Wall Street et le Boston Consulting Group (BCG), le groupe le plus chic d'Amérique.»(6) Une enquête du BCG (7) auprès de 12000 femmes dans 22 pays a conclu que : «Les femmes vont être le moteur le plus puissant de la reprise mondiale… leurs revenus passeront de 13000 à 18000 dollars en 5 ans …plus important que la progression des PIB de la Chine et de l'Inde réunis.» Les experts expliquent que les femmes contrôlent 20000 milliards de dollars des dépenses de consommation dans le monde (28000 milliards en 2014). Partout, les décisions des ménages c'est elles (73 % en USA, 71 % en France, 50 % en Chine). Elles épargnent plus, consomment moins de carburants, moins d'alcool… Les analystes de Goldman Sachs concluent : «la croissance économique et la tendance à l'égalité en faveur des femmes constituent un véritable cercle vertueux où l'un et l'autre se renforçant mutuellement.» On s'en doute, ces chiffres ne concernent pas l'Algérie où la tendance à l'inégalité semble renforcer le cercle vicieux. Etant donné que les études parlent d'économie mondiale et que l'Algérie fait partie du monde, on ne peut s'empêcher de rêver. On sait que quand l'économie va, tout va.
Malheureusement le contraire est vrai aussi. La crise syrienne a éclaté après 4 années consécutives de sécheresse qui a poussé des milliers de paysans à venir grossir des villes déjà déstabilisées par 3 années d'une crise économique mondiale dans une région bâtie sur un «volcan». Bouazizi s'est immolé dans une Tunisie fragilisée par la concurrence chinoise notamment dans le domaine du textile et un tourisme en berne depuis 2008. Dans une société où Bourguiba n'a fait que la moitié du boulot puisque paraît-il, c'est l'infamante gifle d'une policière qui a tout déclenché. Des années plus tôt, en Algérie, les jeunes d'octobre 88 ne demandaient qu'à voir la fin du tunnel de leur mal-vie. Plus tard avec l'envolée du prix du pétrole, l'Etat a su acheter la paix aux plus turbulents. On se demande si au lieu de donner des crédits aux jeunes, on les avait donnés à leur mère. Si le travail de la femme peut sauver les 22 plus puissants pays, la femme algérienne peine davantage, mais dans l'invisibilité et le déni de ses droits les plus élémentaires. Des fourmis qui remplissent le grenier dont les clés leur sont interdites. Elles ont rarement accès au capital, loin de l'information, tout leur échappe. Elles sont rarement propriétaires de la terre qu'elles cultivent, de la maison qu'elle entretient, du commerce qu'elles font marcher jusqu'à la moitié de la part de l'héritage qui est généralement spolié par un frère, un oncle ou un mari.
Le Code de la famille est venu confirmer un esclavage qui refuse de dire son nom. En se penchant sur les causes de l'effondrement de la civilisation grecque, les historiens se sont interrogés sur le rôle qu'ont joué les esclaves dans cette catastrophe(8). Ils ont constaté qu'ils ne formaient pas une classe sociale capable de parler d'une seule langue, défendant des intérêts communs pour constituer la moindre menace notamment en politique. Leur conclusion c'est que ces esclaves «dispersés» ont joué, par une sorte d'involution, un rôle négatif. Ils ont provoqué la chute de l'Empire par léthargie : ils auraient «cessé de bien travailler». Concernant, la chute des empires coloniaux et soviétiques, Jean-Pierre Vernant dit exactement la même chose. Le fonds s'effondre en catimini, «révolution silencieuse» que les femmes font inconsciemment sans appartenir à aucune classe susceptible de les représenter. En Algérie, elles ont perdu leur sourire, leur capacité de veiller sur leur progéniture, de la tempérer. Elles sont atteintes de dépression, de boulimie, de maladies chroniques de plus en plus jeunes... La loi naturelle qui fait que la femelle doit vivre plus longtemps que le mâle pour le bien des petits ne s'applique plus. L'effondrement s'est déjà conjugué au féminin depuis plus d'une génération. C'est pour cela que le discours a changé, il n'y a plus de débat à l'Assemblée sur le sport féminin, la mixité à l'école, les agressions contre les militantes contre des étudiantes non voilées, la misogynie du discours a viré à la pitié, à un état de fait . Quand on veut améliorer son sort, on la pousse à plus de patience, à pardonner n'est-ce pas le prix à payer pour mériter le Paradis : la soumission à l'homme ? La soumission empêche de se construire disent les psys, et l'homme a sans doute besoin de déconstruire la femme pour se construire ? Résultat : enfanter au-dessus de la normalité des jeunes détraqués par l'errance, la manipulation, le tiraillement entre la haine de la femme et l'adoration de la Mama. De temps en temps, sous la pression internationale, on parle de parité, on triture un Code de la Famille et tout le monde se félicite d'avaler la couleuvre du général qui a peur du barbu. Un Code qui semble être le dernier souci de la femme lambda dont les timides avancées lui paraissent plus effrayantes que rassurantes.
Algérienne, une femme comme les autres : Pour en arriver là, Il faudrait qu'elle occupe l'espace d'une façon plus intelligente. Qu'elle puisse survivre elle et ses enfants dans la dignité sans parasiter la société. Car si le Code l'a rendue inutile, éjectable à chaque instant, bizarrement il ne lui a pas enlevé les enfants au risque de voir ces derniers subir son peu flatteur sort.
Plus de 70 % des pauvres dans le monde sont des femmes et les enfants leur sont automatiquement attribués ainsi que le travail dit social qui rime avec. (Suite) On trouve les femmes au chevet des vieux des malades, à l'assistance sociale, à l'écoute des pauvres des chômeurs et «là où l'agressivité des clients doit être pacifiée sans être réprimée, dans les guichets des services publics, des caisses des hypermarchés… Partout où s'expriment la voix des faibles, des personnes vulnérables et d'une manière générale, le doute , l'angoisse, l'impatience : des femmes… à force de considérer comme naturel ce qui ne l'est pas, on arrive à des situations dramatiques où les femmes se surmènent… Malgré tous leurs efforts, leur travail finit souvent par être bâclé, raté inefficace», constate le docteur en psychologie du travail, Pascale Molinier. Pour les femmes algériennes actives fatiguées, on leur ajoute les chaînes du codage… Pour les «inactives» dans le besoin, il y a l'autonomisation grâce au réseautage qui est en train de prendre de l'ampleur ailleurs, mais pas en Algérie. Les rapports de l'ONU, l'UNESCO, l'OMS… ne tarissent pas d'éloges. Selon un rapport en 2012 de la BM sur le développement dans le monde, l'autonomisation des femmes est un atout pour l'économie du pays. Mettre la technique qui marche, l'information positive au service de ces «handicapées» dispersées isolées ignorantes du savoir-faire de leurs aïeules qui du temps des colonies, pouvaient au moins bénéficier de l'expérience de leurs voisines aux cultures diverses. Depuis plusieurs décennies, les medias n'éduquent plus, ils se contentent de faire la pub pour consommer voter et distraire afin de tuer le temps.
Les ONG humanitaires intérieures et extérieures qui peuvent faire sortir les femmes de leur invisibilité économique sont absentes en Algérie. Les Algériennes dans la misère, si elles sont chanceuses, deviennent des assistées. Des abonnées, une fois l'an, au couffin et la soupe du ramadan. Malchanceuses, elles finissent entre les griffes de proxénètes ou dans les rues mal famées pour mendier, même les réfugiées syriennes n'y ont pas échappé. L'Algérie pullule de partis fantômes dans l'attente du festival des élections, d'associations à la gloire du sérail et de ses associés, mais qui se soucie du restant. Que dire de celles qui sont censées représenter officiellement les Algériennes. L'image désastreuse de ces députées en visite en France. Chaperonnées par leurs collègues du FLN-RND elles-mêmes téléguidées par une représentante de l'ambassade d'Algérie à Paris, le tout supervisé par un homme de la Régence. Comble de l'infortune, aucune n'avait de carte de visite pour permettre au journaliste de différer ses questions et faire son boulot. Pas moins de 4 tuteurs pour des «élues» de la Nation sans parler de celui du Code. Franchement, même sans escorte, ces représentantes du système n'avaient rien à dire et rien à faire qu'assister à la parade. Sûrement pressées de visiter la ville des Lumières et ses magasins de luxe. Heureusement, l'Académie française a immortalisé l'ex indigène, Assia Djebar, démontrant ainsi qu'on peut être une Algérienne et nominée au prix Nobel. «…nous n'avons pas su garder vivantes les alliances…» affirme Wassyla Tamzali. Traduction : tissu social néant. Au Pérou, dans la capitale Lima avec plus de 7,6 millions d'habitants, forte exode rurale causée par la spoliation des terres, des ex paysannes dont les maris, victimes du chômage de la désertion ou les deux à la fois, se sont unies pour le meilleur. Afin de faire vivre leur famille, elles ont créé des commodores populaires (cantines populaires) dont le succès se chiffre à des dizaines de millions de membres. En Inde, des femmes se regroupent pour épargner, obtenir un crédit ou s'investir dans des mutuelles de santé (self-help groups).
Toujours en Inde, des femmes, sensibles à la préservation de l'environnement, se sont regroupées avec succès pour défendre de leur corps des arbres centenaires menacés. On pense à la déception des femmes d'In Amenas qui malgré leur forte mobilisation n'ont rien pu faire. Au Maroc, des paysannes sont dans des coopératives pour la fabrication de l'huile d'argan, travaux agricoles, cuisine... Au Brésil, plus ambitieuses, elles sont dans des Mutirao (chantiers communautaires) pour la construction des maisons dans les favelas, de citernes pour récupérer l'eau de pluie. Au Burkina Faso, elles sont dans les coopératives pour produire du beurre de karité. En France, elles ont ouvert des restaurants dans les quartiers défavorisés en récupérant des aliments non distribués. Au Pérou, une femme, qui ne supportait pas d'étudier dans une capitale sale, a résolu le problème des déchets en créant en 1986 l'ONG Ciudad Saludable (ville saine). Avant elle, les responsables de Lima n'étaient capables de gérer que 50 % des poubelles. Aurait-elle pu le faire à Alger, là où les étudiantes craignent plus d'être agressées, kidnappées que de tomber malades par manque d'hygiène. Un point commun entre l'Algérie, le Pérou et le Burkina Faso, ils ont tous finalement voté une loi contre la violence envers les femmes. Au Pérou, le harcèlement sexuel dans la rue est passible de 12 ans. Au Burkina Faso, depuis le 6 septembre 2015, le mari violent risque 5 ans plus une amende de 1 million de Francs. L'Algérie a fait mieux, sensible à la souffrance du sexe faible et la préservation de la stabilité des foyers, championne de la réconciliation, elle y a ajouté le «pardon» de la victime. «Le pardon, dit la juriste Leila Aslaoui confisque la parole et ôte à la loi sa raison d'être.» Sans pardon, il n'y a pas de rentabilité. L'Etat aurait une «mendiante» avec enfants et une place en prison en plus. Que faire contre la violence de la loi, s'interroge la magistrate ? 80 % des victimes n'ont pas de travail, dit le rapport sur la violence du Ministère algérien de la Santé déjà en 2005. On sait que rares sont celles qui portent plainte... Emmanuel Todd a prévu l'effondrement de l'URSS en remarquant une légère hausse de la mortalité infantile. Que dire de celle de la mère ? Le rapport ministériel de 2005 note que si les suicides sont plus nombreux chez les hommes, les tentatives de suicide chez les femmes l'emportent largement. La femme n'est plus dans la revendication, mais dans l'incapacité voire l'indifférence de son sort. Les rares voix qui s'expriment en son nom le font à travers le canal officiel le temps du folklore d'un 8 mars ou à la va-vite clandestinement, pour la forme, pour l'opinion qui compte : internationale.
Des études américaines ont révélé que plus de 90 % des dealers, des criminels, des suicidaires… n'ont pas connu leur père c'est-à-dire une enfance baignant dans la misère maternelle. Au Canada, en cas de divorce, la pauvreté atteint 40 % de femmes contre seulement 10 % d'hommes… Les chiffres le démontrent c'est toujours les pays nordiques qui occupent les premières places là où les femmes ont la permission de partager le mieux les responsabilités avec les hommes. Robert Lucas, prix Nobel d'économie comparée l'a bien souligné en comparant les Philippines à la Corée du Sud que les sociétés les plus égalitaires sont aussi celles qui sont les plus éduquées et en meilleure santé. Des ethnologues font remonter la race berbère aux Nordiques, d'autres disent que c'est les Nordiques qui viennent du Sud, mais ce qui est certain c'est que l'Europe reste la première destination de l'émigration algérienne. Une Algérienne qui se débrouille pour obtenir la nationalité française (occidentale), ce sésame la décode automatiquement et lui offre illico plus de prestige qu'à son frangin. «Les dirigeants algériens quand ils sont à Paris, rentrent chez eux», parole d'un sociologue algérien. Pour retrouver filles et épouses loin de la charia du Code dont ils revendiquent fièrement les acquis et le paradis qui en découle.
Avant la guerre de Libération, il y a eu un timide rapprochement entre les femmes françaises et indigènes pour discuter de la condition de ces dernières. Les Français n'ont pas suivi l'exemple des Américains qui ont imposé en 45 au Japon leur Code civil concernant le genre. Si les Japonaises ont fini par rester célibataires à 50 % comme les Algériennes, le Japon leur doit sa richesse c'est-à-dire son miracle, d'après les économistes. Manque de chance, elles boudent aussi la natalité. Leur refus du mariage est dû à la pression : le choix entre la carrière et la maternité. Le traumatisme lié au tsunami et au nucléaire a renforcé leur manque de confiance vis-à-vis de leurs dirigeants. L'Allemagne aussi à un problème avec la femme qui gèle la reproduction de l'espèce par manque de crèches. En Algérie, la natalité déborde malgré l'impossibilité de faire un enfant hors mariage et seul un candidat sur deux est disponible pour l'union sacrée. D'après l'étude d'un démographe algérien (9), une partie de ce célibat au féminin ne s'explique que par un rejet du mariage surtout chez les plus instruites. Les Algériennes n'ont donc pas échappé à la mondialisation de la « révolution silencieuse » à leur manière. Il est urgent que le fonds invisible ne lâche pas, provoquant l'effondrement à l'image de la civilisation grecque qu'on disait bien protégée par ses philosophes et son Olympe.
Si le monde arabe ne possède aucune stratégie, il a par contre une constante : un problème nommé femme. Le Prophète l'avait prévu avant de mourir : la fille d'Eve sera la seule fitna. Les conquêtes n'ont fait que lui donner de l'ampleur. Arabiser la femme berbère, pharaonique, mésopotamienne, perse… qui jouissait d'un statut loin d'être inferieur, n'a jamais été facile. Cette Ouma hybride s'est trouvée condamnée à une nervosité pathologique et meurtrière. Chasser le naturel, il revient haché par le trou de la serrure. Par exemple en Iran, malgré l'application de la charia, la polygamie est pratiquement inexistante, 60 % des filles accèdent à l'université et se marient de plus en plus tard malgré l'abaissement de l'âge du mariage. En Algérie, 60 % des étudiants sont des filles, pour quelle utilité alors que leur sécurité dans les lieux du savoir n'est même pas garantie? En Turquie, pour le viol et le meurtre d'une seule jeune fille, des milliers de femmes sont descendues dans la rue en menaçant le régime. On a vu cette réaction en Inde, jamais en Algérie sauf dans l'exception kabyle et encore. La Kabylie, minée par les terroristes, mise à l'index, laminée par les émeutes, les grèves à répétition…elle arrive à fournir les conditions idéales chaque année aux mères pour que leurs enfants décrochent la première place à l'école au niveau national. Le wahhabisme peine à percer sa carapace. C'est là où on y trouve le plus grand nombre de femmes dévoilées et «dévoyées» occupant l'espace extérieur. L'homme peut compter sur elle, il suffit de voir les couleurs chatoyantes des manifestations.
Sans oublier le poids économique de la région grâce aux doigts de fée de la gent féminine. Ici, la famille fonctionne mieux qu'ailleurs, le lien social résiste, une mixité moins hypocrite. Ce qui a sans doute manqué aux femmes mozabites, la visibilité des femmes kabyles…Seul bémol, les islamistes se cachent maintenant derrière le pouvoir pour briser toute revendication féminine. Ils ont beaucoup perdu de leur assurance de jadis et le djihad en Orient a déplacé les pétrodollars. A moins qu'ils s'allient ouvertement avec les généraux et assument un autre génocide. Connaissant, la vieille tactique, ils commenceront par les 10 % de femmes qui résistent à la pression du voile. Traduction, s'attaquer au noyau dur du pays, c'est loin d'être acquis quand l'ethnologue et ministre de la Culture français, André Malraux se montre plus admiratif qu'Ibn Khaldoun (10) : «Ah ! Les Kabyles ! Quelle valeur ! Quelle bravoure ! En Algérie, nous vous devons tous nos échecs et toutes nos difficultés.» Au début, à la Place Tahrir, il y avait autant de femmes que d'hommes aucun viol aucune agression rien. L'Egypte était humaine et souriait aux cameras. Après la chute de Moubarak, la foule avait changé s'était muée en monstre. Deux Egypte : l'une, spontanée, avec des femmes et des hommes et l'autre, plus préparée, avec des hommes contre des femmes. Souvent, c'est la mère qui transmet la misogynie à son fils si elle n'en est pas la cause. La psychologie parle de l'intériorisation d'une infériorité imposée. Que peut faire la demeurée si seul son fils peut lui assurer une quelconque valeur ? Quant à la fille, elle trouve généralement chez son géniteur, sa meilleure protection. Est- ce à cause de cette «trahison» que ce dernier perd sa place officielle de tuteur incontesté ?
L'espoir est-il permis ? : La terreur aveugle dans les bus les marchés le massacre de villageois ont complément bousiller l' «âge d'or». Cette fracture peut être un atout de nos jours. Il y a des filles kidnappées aux portes des lycées et des universités par des repris de justice, des repentis reconvertis à la traite des femmes. Il y a aussi des filles voilées ou dévoilées qui entretiennent avec des camarades, des collègues masculins des liens fraternels qui rendraient jalouses leur mère ou leur grand-mère qui ont vécu à une époque plus propice à ce genre de rapprochement. La société a évolué dans l' «anarchie» humaine comme partout ailleurs malgré le dogme du religieux et du politique. Parfois en bien parfois en mal. Des stratégies de la division, les Noirs ne se sont jamais relevés de cette victimisation qui bloque de facto toute évolution interne entrainant le racisme «arc-en-ciel» grâce au discours des politicards qui réinvente les races en feignant de les enterrer. Idem pour les émigrés qui font la victoire de la Gauche pour se retrouver dans le social et l'assistanat à vie. Quant au temple de la Tradition, veillé exclusivement par les femmes, n'importe quel historien curieux et courageux peut facilement démanteler l'arnaque. En Chine, la dynastie des Song trouvait les femmes trop ressemblantes aux hommes, elle a bandé leurs pieds. Celle des Ming, obsédée par la peur de la trahison, a inventé le suicide vertueux des veuves. En Algérie, parce que le Dey avait destitué son Bey avant de l'étrangler, les Constantinoises se drapèrent d'un voile noir pour l'éternité. Demain quand le souvenir du haïk blanc (des Fatimides) s'estompera de la mémoire collective, cette derrière, amnésique du rôle du FIS, enregistrera le hijab (des wahhabites) comme faisant partie de la tradition locale et ancestrale... La chute du prix du pétrole peut secouer le « mammouth». La pauvreté obligera la femme à s'investir donc à améliorer sa situation et remonter sa cote de valeur. Le retour à la maison et la femme voleuse d'emplois n'est plus dans le discours des «puristes». On a plus besoin d'elle dans un taudis que dans un palais. Ibn Khaldoun l'avait dit : l'esclavage a causé la chute de la femme arabe. Ce dernier est un luxe que seuls les riches peuvent se permettre.
Conclusion : Il est urgent de réparer le mal du ministre des Affaires religieuses et de l'Enseignement originel de Boumediene dans les années 70. Il faudrait «tirer la sonnette d'alarme» et «alerter l'opinion publique algérienne» en multipliant les interventions dans les medias lourds interviews et tables rondes de politiciens d'experts de docteurs dans toutes les disciplines et d'imams toute catégorie pour détricoter la toile venimeuse. Réparer une injustice envers la femme en ayant le courage de l'innocenter des crimes qu'elle n'a pas commis. Le séisme ce n'est pas elle, ni les inondations, ni la chute du prix de pétrole, ni la corruption ni la signature de contrats bidon, ni le réchauffement de la planète, le chômage des hommes, la mort des abeilles, les usines fermées, l'importation de plus de 90 % de la nourriture de vêtements de médicaments… Dans toutes les sphères du pouvoir, elle ne figure sur aucune liste sauf celle de bonne à tout faire même auréolée d'un diplôme universitaire ou d'un piston. Ce que les mots ont détruit, les mots peuvent réparer et les traces s'en iront à force d'obstination. Il faudrait qu'elle récupère son honneur perdu afin de rejoindre la communauté internationale. Pour que la femme soit l'avenir de l'homme, qu'elle soit la solution comme l'affirment les analystes des grandes puissances. Il est urgent en ces moments troubles et incertains, que l'Algérie se renforce en reconnaissant que la moitie de sa population appartienne à l'espèce humaine. A moins qu'on démontre que l'Algérienne n'en soit pas digne, alors comme dit le proverbe, il vaut mieux être seul que mal accompagné. Et là, on pense à un certain été 1992, éclairant le trou noir de l'Algérie, une étoile filante et solitaire : Hassiba Boulmerka.
Note :
(1) Wikipedia
(2) Cheikh Bentounès (El Watan 21/ 10/2014)
(3) L'Echec des Systèmes Politiques en Algérie (Slimane Medhar)
(4) Borromans Le Ministère de l'Enseignement Originel et des Affaires Religieuses en Algérie numéro VII, 1992, p. 141 (Mahfoud Bennoune, les Algériennes)
(5) Le Figaro économique ( 24/09/2013)
(6) Le Figaro economique( 21/09/2009)
(7) Michael Silvestein(partner du BCG)
(8) L'Enigme de la femme Active ( Pascale Molinier, docteur rn psychologie))
(9) L'Emergence de femmes au Maghreb , une révolution inachevée( Kamel Kateb)
(10) Heureux les Martyrs qui n'ont rien vu ( Mohand-Aarav Bessaoud)


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