Le gouvernement a pris un certain nombre de mesures pour faire face aux effets du contre-choc pétrolier. La loi de finance de 2016 indique une réduction de 14% des dépenses publiques, notamment des dépenses d'investissement. C'est une des réductions les plus importantes qu'a connues l'économie nationale même par comparaison au programme d'ajustement 1994, soulignent les professeurs N. Meddahi (de l'Université de Toulouse) et R. Boucekkine (de l'Université d'Aix-Marseille) dans un document publié en ligne1 . Le document retient que la situation est «alarmante» et la baisse du prix des hydrocarbures a des effets «dramatiques» sur l'économie nationale. Le document souligne que les mesures prises par le gouvernement vont dans le bon sens mais ils estiment qu'il faut réorienter l'effort d'austérité vers plus d'efficacité pour ne pas taxer la croissance. Les deux auteurs s'appuient sur une analyse comparative entre la situation présente et la situation au moment du contre-choc de 1986 en Algérie à travers un certain nombre d'indicateurs dont l'équilibre budgétaire, la situation de la dette, l'épargne publique, le taux de change du dinar et le déficit commercial. L'analyse permet de souligner que les situations ne sont pas comparables, l'Algérie n'est pas au bord de la faillite immédiate. Ils se référent par ailleurs au cas de l'économie grecque qui est allée à l'austérité dans une situation d'effondrement total et sous la pression extérieure pour constater que l'Algérie n'est pas dans ce cas. Ils arrivent à la conclusion que si des mesures d'austérité doivent être prises, le gouvernement a une marge de manœuvre suffisante pour retenir de «bonnes» politiques. Les bonnes politiques que les deux économistes proposent pour une sortie graduelle, précisent-ils, de la crise sont de nature budgétaire et monétaire. Les politiques budgétaires concernent l'investissement, les subventions, la fiscalité ordinaire, le recours à la privatisation comme source de recettes budgétaires et les économies d'énergie. Les politiques monétaires incluent l'endettement, la politique monétaire et les pratiques de gestion du risque des banques. Si les propositions de politiques qui concernent l'investissement entrent dans la situation historique du pays2 , les deux auteurs proposent des politiques macroéconomiques classiques que l'on retrouve dans tous les cas d'économie en crise -la Grèce mais tout aussi bien l'Espagne ou demain l'Italie. Les propositions s'arrêtent aux politiques publiques. Aucune recommandation n'est faite concernant les agents économiques autres que l'Etat (communauté des affaires, syndicats, associations de consommateurs) De ce fait, la mise en œuvre des politiques proposées, pertinentes par ailleurs, aura peu d'effet sur le redressement de la situation parce que ces propositions s'attaquent aux symptômes et font l'hypothèse que des politiques budgétaires et monétaires et de taux de change relanceraient l'économie. C'est là l'erreur d'approche des IFI, notamment du FMI. De telles politiques utilisées avec plus ou moins de succès dans les pays développés sont des politiques qui présupposent l'existence d'une économie productive, diversifiée et compétitive qu'il s'agit de réactiver. Ce qui n'était pas le cas de la Grèce qui s'est vue obligée par l'Europe d'aller à des réformes de structure drastiques et ce n'est pas le cas de l'Algérie dont la capacité productive est très faible et insuffisamment diversifiée. La crise qui menace l'Algérie n'est pas une baisse de l'activité économique que des politiques macroéconomiques peuvent faire redémarrer mais une crise liée à la structuration et au mode de fonctionnement de l'économie. La solution et donc la relance de l'économie résident dans la transformation de l'économie nationale. Une fois le cadre de fonctionnement de l'économie mis à niveau, les politiques préconisées par les deux économistes, pertinentes et nécessaires, peuvent avoir un effet plus ou moins effectif. Le problème est que la restructuration de l'économie demande du temps alors que la situation actuelle demande des actions urgentes. Un programme prioritaire peut être retenu et réalisé dans un terme de 2 à trois ans. Depuis 2000, le gouvernement a entrepris un énorme travail de réforme et de relance de l'économie ; ces politiques se sont ralenties et certaines ont été suspendues ou modifiées. Il s'agit tout simplement de les reprendre et d'assurer leur mise en œuvre rapide. L'Algérie a une fenêtre de trois ans. C'est suffisant et cela donnera alors aux politiques macroéconomiques préconisées un cadre d'application effectif. La 1ère mesure prioritaire est la réforme du système bancaire qui sous-tend l'ensemble du système. Il est nécessaire que soient introduites des mesures qui permettent la concurrence entre les banques -pour que les mesures proposées puissent s'appliquer. Cela peut se faire par la reprise et la menée à terme de la privatisation du CPA (largement entreprise) mais en tenant compte de l'évolution des marchés internationaux après la crise de 2007, l'ouverture du capital de la BNA à travers la Bourse pour une augmentation du capital et un élargissement de l'Assemblée générale des banques publiques et donc le recul sur ce plan du ministère des Finances (actuellement actionnaire unique, et enfin, l'accord d'agréments en attente à un plus grand nombre de banques étrangères (en appliquant des règles d'acceptation de grande rigueur). Le 2ème plan d'intervention tout aussi prioritaire est l'investissement. Il s'agit tout simplement de revenir à l'ordonnance 06-08 qui institue la liberté d'investir à travers un système quasi-déclaratif et libère l'entrée des IDE en faisant jouer le dispositif extrêmement efficace de la Convention qui préserve solidement l'intérêt national et assure la croissance économique. Les mesures prises en 2008 et 2009 dont certaines ont été incorporées dans la loi doivent être écartées ou réaménagées en tenant compte des développements de l'économie nationale et de l'évolution des marchés internationaux mais toujours dans le sens de plus de flexibilité. Le 3ème plan d'action immédiat est la correction du dispositif de mise à niveau des entreprises privées vers plus de facilité et de flexibilité, un choix plus ciblé de la population d'entreprises concernées et, ainsi, l'accélération des opérations. Le 4ème plan d'action tout aussi immédiat est le retour à l'ordonnance 06-11 du 20 août 2006 pour l'attribution du foncier économique ou à défaut, en gardant le cadre institutionnel actuel, de renforcer le suivi des opérations des CALPIREF par l'ANIREF et de donner la priorité première aux projets d'investissement qui permettraient une substitution assez rapide des importations. L'ensemble de ces mesures doit être lancé en même temps et d'une manière coordonnée. En même temps aussi que des mesures d'assainissement immédiat de l'environnement d'affaires. C'est là une responsabilité directe de l'appareil d'Etat mais c'est, de ce fait malheureusement, la partie la plus difficile! 1- «Pour faire face au contre choc pétrolier: Quelle politique budgétaire? Comment financer l'économie» Document en ligne http://gremaq.univtise1.fr/perso/meddahi/quel budget quel financement Final.pdf 2- Les deux auteurs tenant implicitement que les dépenses d'équipement public sont le moteur de la croissance, la politique de sortie de crise ne doit pas faire gripper «le moteur de l'investissement» et donc ne doit pas se traduire par une baisse brutale des dépenses d'équipement. D'autres sources d'investissement hors budget doivent être trouvées. Ils recommandent notamment d'augmenter la présence des Investissements Directs Etrangers (IDE) et recommandent ainsi d'écarter la règle 51/49% (avec une limitation des transferts à 49%).