Quelles sont les similitudes entre le choc pétrolier de 1986 et celui d'aujourd'hui en termes de conséquences ? Quelles sont les solutions à adopter sur le plan budgétaire ? Ce sont les principales questions abordées dans le document rendu public cette semaine par les économistes Raouf Boucekkine et Nour Meddahi, respectivement professeur à l'université d'Aix-Marseille et professeur d'université à Toulouse (France). Un document de 22 pages scindé en quatre parties dans lequel les experts dressent une analyse détaillée de certaines décisions à la suite du premier contre-choc et leurs conséquences. Et ce avant d'aborder la problématique de la politique budgétaire à mener en temps de crise et de passer au financement de l'économie. Nous donnons des recommandations pour les deux dernières parties. Le document est assez long (22 pages) plus 15 figures avant de terminer par les recommandations. Pour les signataires du document intitulé : «Pour faire face au contre-choc pétrolier : Quelle politique budgétaire ? Comment financer l'économie ?», un déficit budgétaire extrême est la conséquence la plus grave de l'effondrement du prix du pétrole. Comment ? «En prenant en compte la fiscalité pétrolière totale — et non pas celle calculée sur la base de 37 dollars le baril comme le fait la loi de finances (LF) — dans le calcul des recettes de l'année 2015, nous aurons un déficit budgétaire de 2212 milliards de dinars», expliquent les deux experts. Soit l'équivalent de 12,12% du PIB. Un taux considéré comme «le second plus grand déficit du pays depuis le recouvrement de l'indépendance après celui de 1993 (13,74%) et devant ceux des années 1992 (10,08%), 1988 (7,54%), et bien loin de celui de 1986 (4,09%)». Ce qui fait dire aux deux experts que la situation actuelle rappelle celle du premier choc pétrolier de 1986 à travers certains indicateurs. Les rédacteurs de l'analyse en question ont en effet rappelé que la baisse des dépenses publiques de l'année 1986 est du même niveau que celle annoncée dans le projet de la LF 2016 alors que la croissance du PIB était de 0,4% en 1986, -0,7% en 1987 et -1% en 1988. En d'autres termes, l'économie nationale était en récession pendant deux années avec un taux de chômage passé de 9,5% en 1985 à 11,4% en 1986 avant d'exploser à 21% en 1987 et une inflation de 10,5% en 1985 et 12,3% en 1986 puis de à 7,5% en 1987. «L'heure de l'austérité a sonné» Des paramètres qui justifient pour MM. Bocekkine et Meddahi l'urgence d'une réduction du déficit budgétaire donc la nécessité de mettre en œuvre un plan d'austérité. «Oui, l'heure de l'austérité a sonné. C'est le principal message du projet de la LF 2016 : baisse de 9% pour les dépenses totales ; baisse de 3,3% pour les dépenses de fonctionnement et de 16% pour les dépenses d'équipement», ne manquent-ils pas de rappeler. Mais de quelle manière traduire ce plan sur le terrain ? En réponse à cette question, les deux économistes suggèrent une politique budgétaire basée sur une douzaine d'axes. Il s'agit essentiellement d'adopter une trajectoire budgétaire étalée dans le temps, pour dépasser la vision du «court termisme» et répartir dans le temps les efforts d'ajustement, de maintenir pendant plusieurs années le montant nominal actuel des dépenses de fonctionnement afin de les faire baisser en termes réels. Appliquer la règle des 51/49% selon les secteurs et la taille de l'investissement «Des coupes drastiques dans l'investissement public auront un coût social significatif, notamment en termes de chômage, et précipiteraient le pays dans la stagflation, combinées avec les mesures d'ajustement de la balance de paiement nécessaires prises par ailleurs», avertissent les deux économistes qui recommandent dans le même sillage de ne pas bloquer l'importation de l'approvisionnement industriel et des machines et biens d'équipement. Et ce, pour ne pas entraver l'investissement privé. «Augmenter l'investissement privé pour compenser la baisse des dépenses publiques devrait être une priorité», expliquent-ils encore avant de poursuivre : «Nous recommandons que le gouvernement accepte, pendant la période d'ajustement actuelle, tous les projets déposés justifiés économiquement et qui sont conformes à la loi.» Au sujet de la règle des 51/49%, elle devrait, selon la même source, être modifiée selon les secteurs et la taille de l'investissement (PME). Dans ce cadre ; ils proposent de permettre une possession étrangère supérieure à 49% mais de limiter les transferts de bénéfices à 49%, et de moduler les avantages que reçoivent ces sociétés en fonction de la part étrangère. Eviter l'endettement externe Le ciblage des subventions, l'implication de la Banque mondiale dans les partenariats public privés (PPP) à travers l'évaluation, le financement et la réalisation des infrastructures pour lutter contre la corruption et la surfacturation, l'implication des banques privées dans le financement de projets d'infrastructure et bien d'autres propositions liées à la diversification de l'économie figurent également parmi les points abordés dans la partie consacrée à la politique budgétaire. Concernant le financement de l'économie, les recommandations ne manquent pas aussi. Idem pour les mises en garde. «L'endettement externe ne doit pas être envisagé pendant plusieurs années, car il se ferait à un taux élevé alors que nous prêtons nos réserves de change à de faibles taux», est-il indiqué dans ledit document. «Le pays est encore traumatisé par la dette extérieure des années 1980. Nous pensons qu'il est nécessaire de dépasser ces traumatismes et d'envisager l'endettement extérieur comme un instrument parmi d'autres. Mais comme dans tous les domaines, il convient de ne le faire qu'à bon escient. La situation actuelle fait que le pays n'a aucun intérêt à le faire», poursuivent les experts. Pour l'endettement interne, il est recommandé de créer des bons du Trésor protégés de l'inflation dite TIPS (Treasury Inflation Protected Securities) pour que l'acheteur des bons ne porte pas le risque d'inflation.