La tension sécuritaire ne baisse pas à Bruxelles, malgré la diminution du niveau d'alerte générale. Des factions et patrouilles militaires sont visibles aux points stratégiques de la capitale belge et auprès des immeubles des nombreuses institutions internationales qu'abrite la capitale de l'Union européenne. Jusqu'aux commissariats de police «gardés» par des militaires, notamment, la nuit. Régulièrement, sinon quotidiennement, les médias belges, surtout les chaînes de télé, reviennent sur la poursuite des enquêtes menées par divers services de sécurité, dans les milieux « islamistes radicaux» et associations qui leur sont proches. Des arrestations, il y eut des dizaines depuis ce terrible carnage terroriste qui endeuilla Paris, le 23 novembre dernier. Résultat : quelques 6 personnes mises en examen pour faits liés au terrorisme et on parle de 4 personnes mises sous mandat d'arrêt pour les mêmes faits. Le principal accusé, présumé «chef d'équipe» des tueurs de Paris, Abdeslam Salah court toujours. On ne sait plus s'il est en Belgique, en Europe, en Syrie, au Maroc Autrement dit le bilan des services de sécurité, tous corps confondus, est maigre et c'est ce que constatent un nombre de politiques et responsables belges, invités aux débats sur les plateaux de télés. Au-delà du résultat obtenu, notamment l'échec à des attentats présumés imminents, dans la capitale belge, c'est toute la gestion de cette «crise» ou du risque terroriste qui commence à peser dans l'opinion publique. Suspicion, inquiétude, nervosité empestent l'air ringard, insouciant et joyeux qui caractérise depuis toujours la ville de Bruxelles. Et les effets de cette atmosphère tendue se ressentent, sur la vie sociale et économique de Bruxelles et du pays : activité commerciale en berne, surtout dans l'hôtellerie et la restauration, chiffres d'affaires en baisse, dans les autres commerces et activités culturelles (cinéma, théâtre) en chute libre. Au vu des résultats obtenus par les services de sécurité, les citoyens s'interrogent s'il fallait déployer tant de moyens humains et financiers et surtout, d'avoir mis en branle une vraie campagne médiatique intense, créant une psychose au sein de la population, notamment, celle fragilisée (personnes seules et âgées, etc.) et stigmatisant les quartiers populaires de certaines communes bruxelloises à forte densité immigrée (Molenbeek, Anderlecht, Schaerbeek ) D'ailleurs Bruxelles a vécu une étrange nuit de Saint Sylvestre : la ville a annulé son traditionnel feu d'artifices et bouclé les accès au centre-ville, alors qu'à 500 m plus loin, 5.000 jeunes de toutes origines faisaient la fête au pied d'un podium de chanteurs à Molenbeek, commune d'habitations des présumés terroristes de Paris, plus précisément, à la rue Delonoy, rue où habitait le «cerveau» Abdeslam Salah, en cavale. Une sorte de défi, non seulement à la peur que souhaitent semer les terroristes dans le pays, mais aussi aux interdits et excès du plan de sécurité déclenché par les autorités. Une façon, aussi, de montrer Molenbeek sous son aspect festif où se côtoient arabes, belges de souche, musulmans, chrétiens, juifs, africains plus d'une centaine de nationalités différentes. Dans les autres communes et quartiers de Bruxelles les pétards, feux d'artifices privés n'ont pas cessé jusqu'au petit matin, de cette nouvelle année. En somme, les Bruxellois répondaient aux «peurs» des autorités d'éventuels attentats terroristes par la fête et la convivialité. Est-ce à dire que les Bruxellois ont fait preuve d'insouciance ou de désinvolture périlleuse ? En vérité, passé le choc de Paris, du 23 novembre, la réaction des citoyens a été plus sensée pour éviter le piège tendu par les terroristes : la peur, la méfiance intercommunautaire, la stigmatisation des musulmans, la division et l'affrontement au sein de la population. Les services de sécurité, police locale, renseignement, sûreté de l'Etat, police fédérale font leur travail dans la discrétion, le long de l'année et s'adaptent à toute situation d'urgence. En revanche, les politiques ont et continuent de faire dans la surenchère politicienne, médias à la rescousse, sans aucune plus-value sécuritaire, si ce n'est qu'ils en rajoutent au climat social, déjà pas simple avec un chômage endémique et une croissance économique des plus faibles de ces dernières années. La gestion du risque terroriste ne doit pas se transformer en gestion de la peur comme un service après-vente des actes perpétrés par les terroristes.