Tous les 9 mai, c'est le jour de l'Europe. Pas spécialement fêté cette année dans une Union européenne, morose, inquiète et emprise de doutes. Le 9 mai ? On imagine une sorte de fête de l'Union européenne où bien sûr, de grands rassemblements où flottent fièrement le drapeau de l'Europe, douze étoiles sur fond bleu, avec dans les rues et les places des villes du vieux continent, des orchestres qui jouent gaiement l'air européen, « l'hymne à la joie », de Ludwig van Beethoven. Pas de rigueur cette année en tous cas ! L'hymne à la joie s'est depuis longtemps transformé en valse des déçus et polka des ronchons. Quand au drapeau orné d'un cercle de douze étoiles sur fond bleu d'azur qui est depuis le 1er janvier 1986, la bannière officiel de l'ensemble des institutions européennes, il agace un peu en France, vieux pays laïcard qui n'aime pas beaucoup les symboles religieux. Car les douze étoiles ne représentait pas le nombre des pays adhérents en 1986, ils étaient déjà quatorze, mais elles symbolisent les douze apôtres du christianisme. Et l'ensemble est une reprise du drapeau bleu de la Vierge Marie, la mère du Christ. Beaucoup de symboles chrétiens pour les laïcs français qui refusent toute allusion religieuse dans leur constitution ou dans les représentations symboliques de l'état français. Mais les autres Européens n'ont pas ces susceptibilités. Peut-être aujourd'hui espèrent-ils que la Vierge Marie aidera l'Europe à sortir de sa morosité L'Europe ? Géographiquement, la frontière entre le continent « Europe » et l'Asie est le mont Oural en Russie, la mer Caspienne et le détroit du Bosphore séparent le vieux Continent du Moyen-Orient, et la Méditerranée, de l'Afrique. L'Europe est un petit continent mais avec beaucoup de pays, 51 en tout, dont 47 ont adhéré au Conseil de l'Europe (une institution vénérable mais pas très active) et 28 à l'Union européenne. Et c'est sans compter les micro-états qui se trouvent sur la superficie de l'UE mais qui n'en font pas officiellement partie : Monaco, Andorre, le Liechtenstein, Saint marin, le Vatican ; Sur les 28 de l'UE, la France est le plus grand pays en surface, suivi de l'Espagne. Le plus petit est le très riche Luxembourg, (il est suivi hors de l'union européenne, par la Norvège). Le Grand-duché (eh oui, il y a un grand-duc à la tête de la petite contrée), est le pays européen au plus haut PIB par habitant (81 000 dollars par an et par habitant) et le plus pauvre est la Roumanie qui doit se contenter de 11 000 dollars par an. C'est aussi ce pays, avec la Bulgarie, où l'on meurt le plus tôt. A 78 ans pour les femmes tout de même, et à 71 ans pour les hommes. Et où est-ce que l'on vit le plus vieux ? En France ! 86 ans pour les femmes, 78 ans pour les hommes. Les entrants et les sortants Si l'Union européenne est un peu morose ces temps-ci, elle continue néanmoins à attirer de nouveaux candidats. Certes, la très riche Norvège (le pétrole !) ne souhaite pas rejoindre le club. Par deux fois, en 1972 et 1994, les Norvégiens ont répondu Niet au référendum qui les sollicitait. Et l'autre pays cossu de l'Europe, la Suisse a suspendu sa demande en 1992. La lointaine Islande a également retiré sa candidature en 2015. Restent à la porte de l'Europe, la Turquie qui a fait sa 1ère demande en 1964 (!), et cinq pays des Balkans le Monténégro, la Serbie, la macédoine et l'Albanie. Quand aux pays de l'Europe orientale (Géorgie, Ukraine, Biélorussie, Moldavie ), la situation est compliquée par la présence toute proche de la Russie qui de son côté a lancé en 2014 « l'Union économique eurasiatique ». Qu'est-ce qu'il faut pour être candidat ? L'UE est a priori ouverte à tout pays « européen » (la demande du Maroc en 1984 a été rejetée pour le motif mais la Turquie a un petit bout de son pays sur le vieux continent), ayant un gouvernement et des valeurs démocratiques, pratiquer le « libre-marché » (notion aux définitions plutôt vagues) et être d'accord pour appliquer les règlements de l'UE. Il ya ceux qui veulent entrer dans l'UE et ceux qui veulent en sortir ! C'est ce qui arriverait aux Britanniques si une majorité d'entre eux votait pour un «Brexit», British Exit, lors du référendum du 23 juin 2016. Les textes prévoient d'ailleurs la situation de sortie volontaire et non d'exclusion, par l'article 50 du traité sur l'UE. Le dispositif prévoit notamment en cas de divorce, une négociation de deux ans entre le sortant et le reste des états-membres. Comme dans toute séparation, il faudra discuter du partage : les ressortissants du pays partant auront-ils besoin de visas pour se rendre en Europe ? Comment les marchandises circuleront ?... Tout le monde attend avec inquiétude le choix des Britanniques dans un peu plus d'un mois. Les sondages se suivent et n'arrivent pas à départager les partisans de la sortie et ceux qui veulent rester dans l'UE. Ces derniers jours, les partisans du brexit avaient néanmoins reconquis trois points d'avance. Et pourtant. En cas de sortie les conséquences sur l'économie anglaise sont sérieuses : selon l'OCDE, le PIB britannique serait 3 % plus faible d'ici 2020 en cas de sortie de l'UE, soit 2900 euros de moins pour chaque ménage. Une chute de 6% d'ici 2030, menace le Trésor britannique. Autres conséquences brandies par les partisans du maintien, les produits anglais seraient taxés en Europe, les financiers de la City menacent de s'exiler à Paris ou à Francfort, il faudra un visa aux nombreux retraités anglais qui ont choisi la France et l'Espagne comme résidence et les Ecossais refuseront de quitter l'UE «Il y aurait moins de commerce, moins d'investissement et moins d'affaires. S'il quitte l'UE, le Royaume-Uni serait appauvri pour toujours. Les familles britanniques seraient plus pauvres de façon permanente aussi», insiste George Osborne, le chancelier de l'échiquier britannique qui conclut, « quitter l'UE équivaudrait à s'automutiler ». Et pourtant. Même Barak Obama, le grand allié, en visite à Londres, a lui aussi plaidé pour le maintien dans l'UE : « En tant que votre ami, laissez-moi vous dire que l'Union européenne rend la Grande-Bretagne encore plus grande ». Ca n'a pas suffi à renverser la tendance. Le oui et le non font toujours quai jeu égal. Suspens jusqu'au bout ! S'il se réalisait, le Brexit aurait des « conséquences imprévisibles sur le vivre-ensemble des Européens » craint jean-Claude Junker, le président de la Commission européenne. Et peut-être même donner des idées à d'autres Dans une enquête de fin 2015, 48% des sondés dans huit pays de l'Union européenne estiment que d'autres pays européens pourraient suivre l'exemple du Royaume-Uni, s'il la quittait. 45% des sondés de la Belgique, de la France, de l'Allemagne, de la Hongrie, de l'Italie, de la Pologne, de l'Espagne et de la Suède se sont prononcés pour l'organisation d'un référendum semblable à celui du Royaume-Uni. 48% des Italiens sont prêts à voter pour la sortie de leur pays de l'UE. Beaucoup de désaccords sur beaucoup de sujets Contrairement au retrait de l'UE, une sortie de la zone euro n'est pas spécifiquement prévue par les traités. Les Grecs l'ont bien senti l'été dernier quand au plus fort de la crise de la dette, les Allemands les ont menacés de simplement les mettre à la porte ! L'Europe a longtemps été une promesse de démocratie et de prospérité. Coté richesse, ça stagne dur depuis plusieurs années, côté démocratie, les pays les plus puissants et surtout l'Allemagne imposent leurs règles. Berlin a ainsi longtemps œuvré pour imposer une application stricte et unanime de son unique credo en matière de politique économique de l'UE : halte aux déficits budgétaires ! Du coup, l'Europe est le continent qui a le plus petit taux de croissance de la planète et celui qui sort le plus difficilement de la crise financière de 2008/2009. Plus généralement, « l'Europe est une promesse qui n'a pas été tenue», a déploré récemment Martin Schulz, le président en exercice du parlement européen. Selon lui, l'Europe, qui était supposée conduire à davantage « d'emplois, de services, de croissance », n'avait finalement servi qu'à imposer une austérité destinée à « sauver des banques ». Côté démocratie, les instances européennes fonctionnent dans les faits, sans le contrôle démocratique des peuples européens. Les Français qui en 2005 avaient voté « non » au référendum sur la constitution européenne, ont dû s'assoir sur leur scrutin. Pour les Grecs, cela a encore été plus clair : « ou c'est la stricte discipline, où c'est dehors ! ». De nombreuses voix s'élèvent aujourd'hui pour constater que de nombreux fondements du fonctionnement de l'Union et de la zone Euro ne marchent plus. Il faudrait les réformer, les adapter aux circonstances nouvelles. Réformer ? Pas facile : la remise en cause des traités nécessite ipso facto, l'unanimité de tous les signataires Du coup, chaque état défend son bout de gras avec plus ou moins de succès selon son rapport de force. L'Europe sociale ? Elle se réduit aux demandes réitérées de la commission pour plus de flexibilité sur le marché du travail, c'est-à-dire moins de protection pour les salariés, comme c'est le cas avec la discussion très véhémente en France sur la loi Travail, défendue par Myriam El Khomri et Manuel Valls qui a du hier recourir à un dispositif d'exception, le célèbre « 49-3 », pour imposer sa loi à sa propre majorité ! Pas de politique étrangère commune Sur le continent qui reste le plus florissant de la planète, l'Union européenne n'a pas d'armée commune, pas de politique de défense (seules la France et la Grande-Bretagne ont des budgets conséquents en la matière et sont capables d'interventions militaire à l'extérieur) et pas de politique extérieure commune au-delà du rappel de vagues grands principes sur la paix et la démocratie. Et pourtant son environnement immédiat est sacrément secoué. Les relations avec la Russie ne sont pas au beau fixe, notamment après les sanctions prises contre l'état russe après la crise ukrainienne. Les Etats-Unis tentent d'imposer un traité commercial transatlantique surtout à leur avantage. A part promouvoir à tout-va les échanges commerciaux et les partenariats fructueux, tout en rappelant l'avantage de la démocratie, l'UE n'a pas réellement de diplomatie avec les grands pays émergents, les relations bilatérales, de capitale à capitale restant la norme. C'est évidemment avec le Moyen-Orient, voisin tout proche, que les risques s'amplifient dangereusement. L'Union européenne n'a jamais réussi à peser d'une quelconque manière sur une sortie positive du vieux conflit israélo-palestinien. L'Europe s'est divisée sur le conflit irakien, certains pays comme la Grande-Bretagne ou l'Espagne soutenant le conflit inepte de Georges Bus, d'autres comme la France ou l'Allemagne prenant leurs distances. Ce qui n' pas empêché Paris de suivre l'allié américain dans la guerre en Lybie et d'épouser les thèses de Washington sur la Syrie, avec les conséquences que l'on connait de tous ces conflits : la montée ne puissance du djihadisme, son exportation en Europe même et l'afflux de centaines de milliers de réfugiés qui fuient ces conflits. Les Européens se sont avérés totalement incapables d'accueillir ces réfugiés, la crise donnant à voir des égoïsmes nationaux désastreux (à part l'Allemagne) et des compromissions européennes à tous les niveaux. Cela a amplifié encore la montée des partis xénophobes et d'extrême droite partout dans l'UE. Du coup, les Européens ont choisi de renvoyer ses réfugiés en payant la Turquie pour qu'elle s'en occupe ! Nicolas Tenzer, président d'un think tank , le Cerap, a récemment présenté 3 scénarios sur l'avenir proche de l'UE. Le noir n'est pas moins qu'un « retour vers les temps sombres de l'histoire » et l'incapacité des européens à jouer en commun dans un monde difficile. Le scénario « bleu », tiendrait selon son auteur, du « miracle » : renouveau de confiance, poids international accru, prospérité et nouvel élargissement à l'est de l'UE. Plus probable, le scénario gris ou celui de la « médiocrité durable ». La même chose qu'aujourd'hui, en pire.