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Elire nos walis
Publié dans Le Quotidien d'Oran le 20 - 10 - 2016

Socialisme algérien, voilà un terme que nous avons oublié. Il serait probablement plus juste de dire, dont nous nous sommes débarrassés. Il était de l'usage de militants nationalistes qui voulaient se défendre d'intellectuels et de militants de deux autres bords. Les uns voulaient leur imposer un modèle de socialisme, les autres un modèle de libéralisme.
Bref, il aurait été la production d'élites postcoloniales prises entre les doctrines libérale et communiste et il aurait exprimé le rejet du modèle libéral de la propriété privée et l'adaptation à la situation algérienne du modèle de propriété publique. Avec la chute de l'empire soviétique, la « fin de l'histoire », la propriété privée triomphait de la propriété publique. Et du socialisme algérien définit par opposition à deux modèles étrangers, on ne parlait plus. On abandonnait la partie du socialisme algérien tout en restant coincé quelque part entre ses deux référents extérieurs.
Le problème dans tout cela, c'est que par la faute d'avoir oublié la société, nous n'avons pas pu revenir d'une erreur doctrinale, d'un emprunt erroné. On a cru avec les socialo-communistes que le libéralisme était derrière nous, parce qu'il devait conduire au socialisme et non pas l'inverse. Aussi l'étatisme algérien au lieu de conduire au développement de l'économie de marché en a multiplié les obstacles. Plus fondamentalement on ne se demandait pas pourquoi la société avait été plutôt bien disposée à l'égard du socialisme, de l'Etat et de la « dictature » ; pourquoi une société pouvait échanger au sortir d'une guerre, certains droits contre d'autres. On ne pensait pas qu'une société puisse avoir ses dispositions particulières, que la société algérienne puisse avoir besoin de son propre modèle qu'elle devrait inventer et que l'on puisse parler de modèle algérien comme on parle aujourd'hui de modèle scandinave. Le socialisme est un rapport à l'équité et il y a chez les Algériens un rapport à la différenciation sociale qui n'a pas été un rapport de classe. Le socialisme algérien a quelque chose à voir avec une certaine anthropologie, certaines dispositions de la société quant à la société de classes.
Si l'on admet avec le professeur et ancien ministre des Finances, Abdellatif Benachenhou, que le problème de l'Algérie réside dans ses rapports aux ressources - leur mauvaise mobilisation, allocation et utilisation - et qu'il faille réformer en profondeur, on peut dire que nous ne savons pas répondre correctement aux questions fondamentales de l'économie : que produire, comment produire et pour qui produire ? Nos comportements économiques n'obéissent à aucune syntaxe. Quels biens, quelles ressources multiplier et valoriser ? Comment les produire, avec quels facteurs et quelle répartition des revenus ? La croissance doit-elle être pauvre ou riche en emplois, en revenus décents ? Et enfin pour qui produire, telle et telle production ? Pour l'autoconsommation, le marché mondial ou des marchés domestiques ?
Au diable la grammaire pouvons-nous entendre dire. Nous en comprenons la cause : la grammaire n'a jamais été que la grammaire des autres ! Aussi ne jetons pas la pierre à nos aînés, cela ne saurait suffire, il faut inventer notre grammaire, celle qui donnerait sens à nos actes, les mettrait en cohérence les uns avec les autres et avec nos visées.
Nous avons donc un problème avec les ressources que nous ne savons plus distinguer. Nous avons dévalorisé sinon détruit nos ressources durables au profit de nos ressources non renouvelables, nos ressources propres au profit des ressources étrangères. Nous avons de ce fait détruit nos ressources privées, de mauvaises ressources chassant les bonnes. Nous n'avons pas su distinguer nos ressources privées de nos ressources publiques et collectives. Nous avons de ce fait détruit nos ressources collectives. Dans toutes ces ressources que nous avons bien brouillées, une logique a dominé leur production, leur distribution et leur consommation, il s'agit de celle de la consommation prédatrice, non celle de la production, de la conservation et de l'innovation. Il nous faut inventer notre grammaire, notre modèle de développement qui puisse compter sur nos ressources, nos avantages comparatifs, les multiplier et les valoriser. Notre mépris est trop flagrant à l'égard de nos ressources, notre aveuglement n'a d'égal que notre soif de consommation.
Selon le professeur et ministre Abdellatif Benachenhou, une réforme en profondeur de la mobilisation, de l'allocation et de l'usage des ressources est nécessaire. Pour ce qui concerne la mobilisation des ressources, elle exige un nouveau rapport de l'Etat à la société, un nouveau contrat social. Pour que la fiscalité ordinaire puisse prendre le relais de la fiscalité pétrolière, elle doit être réformée en profondeur, ce qui signifie au départ, selon notre auteur, une baisse de la pression fiscale et un élargissement de sa base. Une politique qui ne mobiliserait pas de nouvelles ressources, se contenterait d'aller chercher l'argent là où il se trouve en accroissant la pression fiscale, qui ferait une mauvaise allocation des subsistantes en plafonnant les dépenses publiques, conduirait à une nouvelle destruction de ressources, à un rétrécissement de l'activité économique et de la base fiscale. En termes sociaux et politiques, une telle réforme de la fiscalité ordinaire exigerait une large implication de la société dans la construction de l'économie et de ses marchés. Une telle implication par laquelle serait inversé le rapport entre la fiscalité pétrolière et la fiscalité ordinaire et donc entre l'Etat et la société, ne peut être sans conséquences politiques. Les comptes publics ne pourront plus relever de la discrétion des autorités politiques, s'ils doivent être alimentés par les comptes privés. La pertinence du principe « no tax without representation » des révolutions anglo-saxonnes jusqu'ici théorique deviendrait réelle.
Une telle réforme de la fiscalité (réduction des taux d'imposition, élargissement de la base fiscale) serait une manière de rendre l'économie et ses ressources à la société, en mettant en œuvre un modèle de développement qui ne soit pas synonyme d'une différenciation de classes et d'une concentration des revenus et des patrimoines. Un élargissement de la base fiscale exige une certaine répartition et valorisation sociales des ressources. Et une telle répartition ne peut exister qu'au travers celle de la propriété, et une telle valorisation qu'au travers de la défense d'une telle répartition. Il faut défaire l'héritage colonial[1] de sorte à donner aux individus et aux collectivités les moyens de pourvoir à leurs besoins particuliers et généraux.
L'élargissement de la base fiscale, selon le professeur Benachenhou, « passe d'abord par une lutte contre les activités informelles et la corruption, par la suppression totale du système actuel d'exonérations fiscales au bénéfice des opérateurs économiques et la réintégration progressive de l'agriculture et des patrimoines, des entreprises et des ménages, dans la fiscalité »[2]. Autrement dit, elle passe par une révision du rapport au pouvoir et de la distribution de la propriété. Une certaine distribution des ressources doit précéder leur valorisation, autrement on serait conduit à prolonger le processus actuel de différenciation sociale en termes d'appropriation privée.
Le socialisme de la société algérienne a été perverti par l'héritage colonial, l'Etat jacobin et la structure coloniale de la propriété. Le socialisme de la société algérienne aurait donné une réponse à la faiblesse du développement des forces productives, à la faible différenciation de la société algérienne et à la faible dotation des individus en capacités d'agir et de choisir leur vie. Aujourd'hui c'est sur la base d'un certain socialisme que la différenciation sociale et l'évolution du pouvoir d'achat peuvent être acceptés. On pourra parler plus tard, avec le développement de l'économie de marché, de social-démocratie.
Pour établir une bonne structure de la propriété dont la valorisation pourrait conduire à une différenciation acceptable et pertinente, il faut désacraliser la propriété, l'appropriation des facteurs. Elle doit exprimer des modes d'individualisation de comptes équilibrés plutôt qu'une liberté absolue de disposer des choses. Des comptes équilibrés à différentes échelles et un équilibre des comptes qui puissent valoriser les ressources de l'ensemble de la société. Une entreprise qui aura réussi à internaliser et équilibrer les coûts et les bénéfices de son activité pourra être privatisée. Une entreprise dont le bénéfice collectif sera certain mais qui ne pourra recouvrir les coûts de son activité sera collective ou publique. Elle sera publique ou collective selon que ses bénéfices seront limités à une collectivité particulière ou étendue à l'ensemble de la collectivité nationale. La rationalisation des moyens sera l'œuvre de la compétition.
La propriété privée et publique doit procéder de la première propriété, la propriété collective. Le principe de différenciation de la propriété doit être le principe de subsidiarité. Pour certaines tâches une forme de propriété sera nécessaire par les moyens qu'elle doit mobiliser et les fins qu'elle doit servir. Il nous faut distinguer clairement entre ce que nous pouvons et devons faire individuellement ou collectivement. Ce que nous pouvons et devons faire du point de vue de la reddition des comptes. Un compte équilibré signifie une activité renouvelable. La rationalisation signifie une compétition autour d'objectifs définis.
Construire par le bas les marchés et la fiscalité avec l'héritage institutionnel actuel paraît bien compliqué. Une mesure pourrait être le premier pas dans la bonne direction : l'élection des walis. Passer d'une société que l'on pourrait dire de « préleveurs » à une société de contributeurs, dont les coûts n'excéderaient pas les revenus, autrement dit dans laquelle la société dans son ensemble trouverait un réel avantage, nécessite des leaders dans lesquels la société pourrait s'identifier, qu'elle pourrait imiter. Ce n'est donc pas de walis contremaîtres dont nous avons besoin aujourd'hui, mais de leaders en mesure de susciter d'autres leaders et d'entraîner la société dans un mouvement productif. Ainsi le wali élu pourrait-il dans une première étape symboliser ce socialisme algérien dont je voudrai que l'on se réclame aujourd'hui.
*Enseignant chercheur, Faculté des Sciences économiques, Université Ferhat Abbas Sétif, député du Front des Forces Socialistes, Béjaïa.
[1] Joseph Comby 2013, Sortir du système foncier colonial, sur le site de l'auteur www.comby-foncier.com.
[2] Abdellatif Benachenhou, L'Algérie, sortir de la crise, Alger 2015, p.197


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