Amar Saadani a joué le jeu jusqu'au bout en se prétant à la mise en scène ayant eu pour but de faire passer son éviction du poste de secrétaire général du FLN pour une démission dont il aurait seul l'initiative en raison de problèmes de santé. Si le comité central a qui Saadani annonça sa « démission » a fait semblant de croire en la raison pour laquelle il aurait arrêté sa décision et a approuvé le changement qui lui a été proposé pour combler le vide de son départ, nul en dehors de cet aréopage organique n'a été dupe de la fiction d'un Saadani quittant de son plein gré sa fonction. Quasi unanimement, les Algériens ont accueilli avec satisfaction le dégommage du sulfureux personnage dont la médiocrité a été un insupportable affront à leur intelligence et à leur aspiration à une vie politique nationale excluant que des acteurs de son genre y jouent un rôle prépondérant. Ils sont néanmoins sans illusion sur le changement qui vient de s'opérer à la tête de l'ex-parti unique et n'y voient nullement l'augure que la décision qui l'a produit émane de la volonté d'assainir la scène politique. Ceux qui ont été nombreux dans le FLN ou en dehors à combattre Saadani et militer pour sa destitution se rejouissent à l'évidence de son débarquement. Mais ils auraient tort de croire que ce sont leurs initiatives et pressions qui en ont été à l'origine. Pour le clan au pouvoir, Saadani n'a nullement démérité. Etant son porte-flingue et préposé aux basses besognes, il a accompli toutes les missions qui lui ont été confiées. L'on imagine mal ce clan l'offrir en pâture à ceux qu'il a pour son compte dénigrés et avilis avec une férocité inouie et contribué ainsi à démystifier leur réputation de puissance et d'influence. Saadani a probablement payé pour s'être pris au piège de se croire être devenu à son tour un faiseur de roi. L'éviction de Saadani est une affaire interne à ce clan qui après avoir fait bloc contre les oppositions lui ayant contesté sa primauté dans la conduite de la politique du pays et être parvenu à les neutraliser, est lui-même désormais secoué et divisé par des rivalités internes. Le désormais ex-secrétaire général du FLN doit sa disgrâce à ce qu'il se soit positionné apparemment du mauvais côté dans cette nouvelle lutte de pouvoir. Il n'a pas fait l'objet d'un limogeage humiliant dans sa forme comme il est de tradition dans les mœurs du pouvoir. Ce qui est l'indice que si le camp auquel il s'est rallié n'est pas parvenu à créer un rapport de force qui en fait le centre de décision au sommet de l'Etat, il reste assez puissant pour éviter à sa clientèle le sort communément réservé en ces milieux aux perdants. Ne l'oublions pas, Saadani n'est certes plus secrétaire général du FLN, mais il reste membre du BP de ce parti, un poste duquel il peut attendre et voir venir pour être en capacité de rebondir quand les circonstances pourraient devenir propices pour la faction du clan à laquelle il appartient. Son éviction renforce la certitude que le FLN n'est plus qu'un appareil dont le contrôle est indispensable à ceux ou celui qui prétendent au maintien ou à la prise de pouvoir et que par conséquent ce qui s'y passe n'est pas de l'initiative de ses cadres et militants.