Ou le président syrien a perdu la tête ou on veut nous jouer le remake de Saddam Hussein. En effet, il ne faut pas être grand clerc pour deviner que l'attaque chimique de mardi contre la localité de Khan Cheikhoun, imputée à tort ou à raison aux forces gouvernementales, n'allait pas rester sans riposte. La simple logique est de chercher à qui profite le crime mais force est de croire que le coupable était tout désigné à l'avance et livré à la vindicte internationale par l'entremise de la propagande occidentale. Les photos choquantes des unes des pays de l'Otan d'enfants agonisants ont vite fait le tour du monde comme preuve irréfutable de l'implication du régime d'Al-Assad dans le massacre. Comme représailles, 59 missiles de croisière Tomahawk tirés par deux navires américains en Méditerranée sur la base aérienne d'Al-Chaayrate, près de la ville de Homs, dans le centre de la Syrie. Pourtant, moins d'une semaine plutôt, Washington reconnaissait ne plus faire du départ de Bachar Al-Assad une priorité dans le règlement du conflit syrien. Alors que sous l'administration Obama, cette question était l'un des fils conducteurs de la politique américaine en Syrie, les Etats-Unis ont explicitement annoncé que l'urgence est de chercher une nouvelle stratégie pour mettre un terme à la guerre civile qui déchire le pays. Et pour cela, les Américains ont affirmé vouloir travailler de concert avec la Turquie et la Russie pour trouver une solution politique de long terme en Syrie, plutôt que de se focaliser sur le sort du président syrien qui «sera décidé par le peuple syrien», avait notamment expliqué le secrétaire d'Etat, Rex Tillerson. Comprendre par là que Trump s'est rangé du côté du point de vue russe pour le règlement du conflit, en somme une victoire diplomatique d'Al-Assad, ou presque. Alors comment expliquer que ce même président décide, au lever du sommeil, d'envoyer ses avions gazer la petite localité de Khan Cheikhoun alors qu'il sait pertinemment que son pays est sous la loupe des puissances militaires étrangères et qu'il risque de compromettre son alliance avec Moscou ? Bachar est-il devenu fou à ce point pour offrir un alibi pour des frappes américaines et pousser le chef de la diplomatie américaine à plaider pour son départ ? Il est clair que le plus grand gagnant dans cette histoire est l'opposition syrienne, alimentée par les rois du désert, qui avait clairement affiché son opposition à la nouvelle stratégie américaine concernant le conflit. Un membre du Haut comité des négociations (HCN) qui rassemble des groupes clés de l'opposition a même encouragé les Américains à d'autres frappes. Après Saddam, Kadhafi, voilà le tour à Al-Assad de mourir pour le nouvel ordre mondial.