Le 2 avril 2016, le dénommé B. Abdelkader avertit la police de l'hospitalisation de son ami, C. Amar, victime d'une agression survenue, une semaine plus tôt. Quand des policiers se rendent à l'EHU du 1er Novembre 1954 où se trouve Amar, ils apprennent que le malade a été admis dans un état grave (vessie et intestins sérieusement endommagés, et bassin fracturé) et que deux interventions chirurgicales avaient été nécessaires pour le remettre sur pied. Questionné sur les circonstances de l'agression, Amar affirme que le 27 mars, il avait été, intentionnellement, percuté par le dénommé H. Mourad, gérant d'une entreprise, qui a foncé sur lui au volant de sa voiture et l'a écrasé, contre le mur d'une usine de tapis, à Hassiane Ettoual. Il raconte avoir voulu intervenir pour empêcher une altercation entre son ami Abdelkader et H. Mourad, mais que la situation avait brusquement dégénéré et qu'il avait été pris pour cible par son présumé agresseur qui l'a coursé avant de l'écraser contre le mur. Quand il est interrogé par les enquêteurs, Mourad affirme que l'hospitalisation d'Amar est le résultat d'un accident et non d'une agression intentionnelle. Il indiquera qu'il avait rencontré un de ses employés, B. Abdelkader, à Hassian Ettoual pour avoir une explication à propos d'un vol de matériel d'une valeur de 400.000 DA, commis dans son entreprise. Alors qu'il discutait avec lui, deux individus qui attendaient dans le fourgon de Abdelkader sont descendus (munis d'un couteau et de pierres) avec l'intention manifeste de l'agresser. Il dit qu'il a eu peur, qu'il est vite monté dans sa voiture, une Fiat Doblo, et a démarré pour échapper à l'agression. Abdelkader s'est mis au volant de son véhicule et a pris en chasse Mourad qui, dans sa peur panique, s'est malencontreusement engagé dans une impasse. Il raconte avoir fait demi-tour et s'être retrouvé face aux poursuivants qui tentaient de lui barrer la route: «C'est en voulant les éviter que j'ai accidentellement percuté C. Amar. Je n'ai jamais eu l'intention de l'écraser », jure-t-il en ajoutant s'être, immédiatement, rendu à la brigade de gendarmerie de Sidi Maarouf pour signaler l'incident. Dans leurs dépositions, les témoins (soit les poursuivants présumés) soutiennent une autre version, radicalement différente de celle proposée par Mourad : le trois attendaient dans la voiture de Abdelkader quand ils ont entendu Mourad gifler leur ami. Ils sont descendus pour porter secours à leur ami et ont été surpris par un individu (qui s'avèrera être le beau-frère de Mourad) jaillir de la Fiat Doblo, un cric à la main. Tous s'empareront de pierres pour se défendre, y compris C. Amar qui dit avoir été, particulièrement, insulté par le porteur du cric : «Il a insulté ma mère, alors je lui ai dit qu'il me le paierait un jour», reconnaît-il. C'est à ce moment-là que Mourad aurait grimpé dans son véhicule, non pas pour fuir, mais pour le prendre en chasse. Selon les témoins, Mourad avait coursé Amar, l'avait rejoint sur le trottoir et écrasé contre le mur de l'usine. Une preuve, accablante pour l'accusé, sera produite, paradoxalement à sa demande : un enregistrement de 2 minutes pris par une caméra de vidéosurveillance de l'usine de fabrication de tapis, qui montre une Fiat Doblo fonçant sur C. Amar et le percutant violemment. H. Mourad, 30 ans, sera inculpé de tentative de meurtre avec préméditation. Lors du procès, tenu mercredi 26 avril 2017, au tribunal criminel d'Oran, H. Mourad maintiendra la thèse d'un accident survenu à un moment de panique induite par la menace d'individus belliqueux : « Abdelkader me poursuivait avec son fourgon et les autres tentaient de me barrer la route. Je ne savais pas où aller. J'ai percuté Amar par accident », jurera-t-il en tentant d'endosser l'habit de victime qui aurait pu être lynchée par ses poursuivants. Il tentera, également, d'attirer l'attention de la cour sur les circonstances qui ont été à l'origine de toute l'affaire : le vol commis par B. Abdelkader pour lequel il avait porté plainte devant les instances policières. Quand la présidente lui montrera des captures d'écrans de la vidéosurveillance, il rétorquera que les deux minutes ne suffisent pas pour rendre la réalité de la situation. Bien campé sur ses jambes, le plaignant, C. Amar, reviendra sur le drame qui l'a frappé et réitérera sa conviction que l'accusé l'a percuté volontairement : « Ma vie a totalement changé depuis ce jour », dira-t-il, en refusant de s'étaler sur la question malgré l'insistance de la présidente. Par ailleurs, il refusera de réclamer des dommages et intérêts, droit que lui garantit la loi en cas de condamnation de l'accusé. En l'absence des témoins, la présidente donnera lecture de leurs dépositions qui, de manière générale, sont accablantes pour l'accusé puisqu'elles soulignent sa «détermination à écraser C. Amar». Dans son intervention, le représentant du ministère public basera son réquisitoire sur quatre preuves majeures pour réclamer une peine de dix ans de réclusion : les dépositions des témoins, l'enregistrement vidéo, les aveux de l'accusé (même s'il rejette l'intention criminelle) et les graves blessures occasionnées au plaignant. Pour le substitut du procureur général, il ne fait aucun doute que H. Mourad est coupable des faits qui lui sont reprochés. Déterminée à prouver l'innocence de son client, l'avocate de la défense commence par jeter la suspicion sur la crédibilité des témoins qui, dit-elle, sont ceux-là même qui avaient tenté de s'en prendre à Mourad: «S'ils ne sont pas présents aujourd'hui, c'est par peur de se contredire», affirme-t-elle. Elle évoquera ensuite la «disparition» de la plainte pour vol, déposée par son client contre B. Abdelkader, qui aurait pu, selon elle, éclairer d'un jour nouveau cette sombre affaire. Quant à l'enregistrement vidéo, elle soulignera qu'elle a été introduite dans le dossier grâce à l'accusé: «S'il avait une intention criminelle, il n'aurait pas demandé à ce que la vidéo soit produite. Comme il n'aurait pas maintenu les mêmes déclarations, depuis le déclenchement de l'affaire», assènera-t-elle, en réitérant sa conviction que le drame est un accident et que Mourad n'était animé d'aucune volonté meurtrière. Elle réclamera l'acquittement. Au retour des délibérations, la cour déclarera H. Mourad coupable des faits qui lui sont reprochés et le condamnera à cinq années de prison ferme.