Entre le nouveau gouvernement et ses partenaires sociaux, quelque chose semble avoir été faussée. Hier mardi, trois jours après une invitation pour le moins étonnante adressée au président du FCE, Ali Haddad, de quitter la salle de cérémonies avant l'arrivée du Premier ministre à l'Ecole supérieure de la sécurité sociale à Ben Aknoun, la réplique des partenaires sociaux est sans équivoque. Dans un communiqué où transpire une sourde colère de 'lèse-majesté'', le FCE, l'UGTA et d'autres organisations patronales ont qualifié le 'geste'' du chef de gouvernement d'avoir 'entaché par un acte difficilement admissible'' le dialogue social, sinon porté 'un coup de canif au pacte national de croissance économique et sociale''. Signataires de ce pacte avec le gouvernement, la centrale syndicale UGTA et les organisations patronales (FCE, CNPA, CIPA, CAP, UNI, CGP-BTPH, AGEA) ont dénoncé le 'traitement réservé'' à Ali Haddad par le Premier ministre, Abdelmadjid Tebboune, samedi à l'Ecole supérieure de la sécurité sociale. Réunies hier mardi à l'hôtel Aurassi pour répondre au geste du Premier ministre contre Ali Haddad, ces organisations ont exprimé dans un communiqué commun leur 'vive préoccupation après le traitement réservé au président du FCE, M. Ali Haddad, le samedi 15 juillet 2017 à l'Institut supérieur de la sécurité sociale''. Le geste de Tebboune, qui a ordonné à ce que Haddad n'assiste pas à la cérémonie de remise de diplômes qu'il devait présider, a 'indéniablement porté préjudice au Pacte économique et social'', ajoute le communiqué. Bien plus, les partenaires sociaux du gouvernement Tebboune expliquent que 'la sagesse et la sérénité nous commandent de ne pas y voir, pour l'instant, un coup de canif au consensus douloureusement construit et qui porte, par le geste de Monsieur le Premier ministre, indéniablement préjudice à l'esprit et la lettre du Pacte national économique et social de croissance, moment fondamental de la consécration de la culture du dialogue social entre le gouvernement et ses partenaires sociaux''. Pour eux, 'ce dialogue, fruit de la confiance entre tous les partenaires (...) vient d'être entaché par un acte difficilement admissible''. Pour autant, le communiqué de l'UGTA et des organisations patronales rappelle leur 'engagement sans faille à agir pour traduire dans la réalité nos engagements contenus dans le Pacte, et exprimons par la même notre attachement indéfectible et notre fidélité totale à la seule personne du président de la République, Monsieur Abdelaziz Bouteflika''. Est-ce à dire que les hostilités sont dès lors engagées entre le gouvernement et les organisations patronales et des travailleurs ? Le contenu du communiqué le laisse croire, par la dureté des termes utilisés. Car il est maintenant notoire que la bataille, entre Tebboune et le président du FCE Ali Haddad ne fait que commencer. Comment cela finira-t-il ? Personne ne peut le savoir. Mais, ce qui est sûr, c'est que samedi dernier à l'Ecole supérieure de la sécurité sociale de Ben Aknoun, Ali Haddad avait été prié par le service du protocole du Premier ministère, via le ministère du Travail, de quitter la salle avant l'arrivée de Tebboune. Mais, lorsque Ali Haddad, en colère, est rejoint par Abdelmadjid Sidi Saïd, et que les deux personnes quittent précipitamment ensemble les lieux, beaucoup se sont interrogés sur les raisons du départ du chef de la centrale syndicale. La réponse est donc venue hier avec ce communiqué commun, qui sonne comme un cri de ralliement de toutes les organisations de travailleurs et du patronat contre le chef de gouvernement. Et, étonnamment, à un moment où le Premier ministre a appelé, le jour même, à la mise en place d'un large dialogue national sur les moyens de dépasser sans trop de casse sociale l'actuelle crise économique. Tebboune, en voulant recadrer Ali Haddad, avec notamment des mises en demeure officielles pour l'achèvement de nombreux projets, dont la réalisation de la nouvelle ligne ferroviaire à voie unique, reliant Relizane, Tiaret et Tissemsilt sur 185 km, dont les travaux ont été lancés en janvier 2011, a-t-il engagé sans trop y réfléchir, une offensive périlleuse contre un opérateur qu'on dit 'intouchable'' ? Même après le scandale du 1er Forum africain des investissements en novembre dernier, lorsque l'ex-Premier ministre, Abdelmalek Sellal, avait quitté la salle, Ali Haddad a su ensuite 'retomber sur ses pieds'' et a pu se 'réconcilier'' avec Sellal. La résistance aux décisions, souvent hâtives du Premier ministre, comme celle d'interdire l'importation de matières premières pour la production de boissons et jus, qui va provoquer des fermetures d'usines et des licenciements massifs, a commencé. Sinon, Tebboune s'est-il mis en tête de s'attaquer à des tabous, et de démanteler des empires-vampires pour revenir à l'orthodoxie financière et économique ?