Dans une déclaration à vif, Ahmed Ouyahia a clairement fait savoir que l'immigration clandestine en Algérie est « source de crimes, de drogue et d'autres fléaux ». Quelques jours auparavant, c'est le Premier ministre qui à partir de la tribune de l'APN a déclaré « nous ne sommes pas des racistes, nous sommes des Africains, des Maghrébins et des Méditerranéens. L'Afrique et le monde arabe sont le prolongement naturel de l'Algérie et l'espace dans lequel elle évolue et se développe ». Deux hommes politiques algériens. Deux visions opposées quant à la politique migratoire à mettre en œuvre : l'un veut régulariser la situation des migrants au plan séjour et travail, le second met en garde contre une telle démarche qu'il qualifie de «populiste». En clair, notent les observateurs, le message d'Ahmed Ouyahia et peut-être de certains cercles proches des centres de décision, est que le gouvernement de Abdelmadjid Tebboune ferait une grave erreur s'il venait à régulariser une présence illégale et coûteuse des migrants subsahariens. Humanité ou fermeté sur les migrants, en l'état le discours officiel est contrasté et pour le moins il suscite l'inquiétude des associations qui redoutent un durcissement à venir concernant le séjour des migrants, ou ceux parmi leurs adversaires qui y voient un risque d' « un appel d'air » si le gouvernement décide de les « régulariser ». Dans le même temps, le ministre de l'Intérieur et des Collectivités locales a été chargé de reprendre les choses en main, en l'occurrence recenser les migrants clandestins et d'établir un fichier. Les derniers chiffres disponibles faisaient état de quelque 25 000 migrants subsahariens en situation irrégulière ; même si on relève que des migrants de 8 nationalités différentes résident de manière clandestine en Algérie, la migration subsaharienne est essentiellement malienne et nigérienne, car les ressortissants de ces deux pays n'ont aucune peine à circuler, librement, dans le grand Sahara. Commerçants par le passé, ils s'adonnaient à l'économie frontalière du troc. C'était aussi des saisonniers qui venaient travailler ponctuellement dans les oasis du Sud. On appelait ce genre de déplacement « migration alternante ». Dans les années noires, à un moment où l'Algérie était durement frappée par le terrorisme, d'autres mouvements suspects de passeurs d'armes et de contrebandiers, en tous genres, ont commencé à prendre forme ce qui a pour effet de perturber le système du troc frontalier. Les refugiés, se laisse-t-on dire, ne sont pas n'importe quels migrants ; ce ne sont pas des migrants économiques mais des femmes et des hommes qui fuient leur pays pour leur liberté ou parce qu'ils sont en guerre. Cela est valable, peut-être, pour les ressortissants maliens dont le pays est secoué par des troubles qui trouvent refuge en Algérie et sont, forcément, bien accueillis. Pour les autres, notamment les Nigériens, il en va autrement, car là aussi il faut apporter la précision : un migrant climatique, est-ce économique ou politique ? Le message va-t-il se décanter ? La tâche est difficile, il n'existe aucune statistique sur le marché de migrants irréguliers en Algérie. Même le Haut Comité aux réfugiés (HCR) n'est pas parvenu à dénombrer ceux qui, parmi eux, ont fui des conflits locaux, au Sierra Léone, au Libéria, en République démocratique du Congo, au Nigéria, en Côte d'Ivoire et surtout au Mali. Condamnés aussi à la clandestinité au plan du séjour, interdits d'emploi du fait de la réglementation algérienne, les migrants vivent d'expédients. En marge de la société allant jusqu'à menacer ses fondements. Pour Ouyahia, les migrants sont porteurs de fléaux comme les crimes et le trafic de drogue ! Pour les européens, il pourrait être un partenaire idéal pour « gérer » le dossier des migrants dans la mesure où leurs experts prévoient la poursuite des flux migratoires vers l'Europe en raison des conflits en Afrique et aussi au Moyen-Orient. Selon quelques analyses, le patron du RND, un œil sur 2019, se signale aux architectes de la politique internationale en se présentant comme l'« homme d'Etat » incontournable qu'il faut, d'ores et déjà, soutenir. La majorité silencieuse qui ne veut pas vivre dans l'anarchie, comme il l'a lui-même souligné, a parfaitement compris son message. Ses propos viennent, d'ailleurs, d'être confortés par le ministre des Affaires étrangères Abdelkader Messahel qui estime que l'immigration clandestine africaine constitue une « menace pour la sécurité nationale » ; il a ajouté que « le gouvernement était en phase de prendre des mesures urgentes pour faire face aux flux importants de migrants clandestins, derrière lesquels se cachent des réseaux organisés ». En effet, les services de sécurité, même si cela n'a pas été médiatisé, ont eu à traiter de nombreuses affaires liées à la drogue, la fausse monnaie, la prostitution et même de crimes impliquant les migrants. Des bidonvilles, des « no man's land » ont été érigés dans toutes les villes d'Algérie du Nord et du Sud ; elles abritent ces populations ce qui exacerbe les populations locales qui y voient un danger pour leur sécurité, celle de leur famille et de leurs biens. De nombreux affrontements ont eu lieu ces dernières années dans de nombreux points du territoire. Le Premier ministre avait jugé que nous devons continuer d'accueillir les migrants, car c'est notre tradition : ce sont les invités de l'Algérie, a-t-il affirmé. Le ministre d'Etat, Ahmed Ouyahia, est tout contre cette politique parce que : ces gens-là sont rentrés en Algérie de manière illégale la loi algérienne n'autorise pas les recours à la main-d'œuvre étrangère. Nous avons des travailleurs chinois qui exercent dans le cadre des contrats conclus avec des entreprises chinoises. Mails ils ont des contrats renouvelables. on ne dit pas aux autorités de jeter les migrants à la mer ou au-delà des déserts ; le séjour en Algérie doit obéir à des règles. On ne laissera pas le peuple algérien souffrir de l'anarchie. Notre pays est, de plus en plus, assailli par des grappes d'africains, nigériens et maliens majoritairement, qui ont élu domicile dans les rues ; à croire que le mouvement migratoire, même s'il a connu des reflux en 2014 à l'occasion de l'opération de retour enclenchée conjointement par l'Algérie et le Niger, et aussi le Mali avec lesquels nous avons un traité de reconduction des ressortissants, reste malgré tout stable, voire en croissance continue car il s'installe dans la durée. Par de la politique des passeurs et des mafias. Et aussi du fait de la poursuite des troubles en Libye. Le gouvernement continue de tolérer cette migration clandestine, entrecoupée d'opérations ponctuelles, d'arrestations et de reconduites aux frontières, signe manifeste qu'il n'est pas disposé à la régulariser. Les pouvoirs publics sont pour « un règlement global » de l'émigration clandestine à travers, notamment, le développement des économies subsahariennes et le renforcement de la stabilité interne des pays concernés. Avec les événements du Sahel, notre pays a renforcé la sécurité à ses frontières, tout en affirmant ne pas vouloir jouer le rôle de « gendarme » de l'Europe, comme l'a fait Kadhafi par le passé. Pourra-t-il, pour autant, juguler les vagues de plus en plus nombreuses des migrants, notamment pendant cette saison estivale propice aux mouvements migratoires, sans compter la ténacité hors du commun de ces personnes qui, autant de fois refoulées, réussissent souvent, avec femmes et enfants, à forcer les points faibles du dispositif censé contrôler leur flux ? Autre question, l'Algérie a-t-elle vocation à accueillir toute la misère de l'Afrique ? Auquel cas, il faudrait interroger les Algériens dont la patience n'a d'égale que la générosité dont ils font montre à l'égard des migrants clandestins livrés, faut-il le dire, à eux-mêmes ! Certes, il y a la nécessité de comprendre ici qu'on a à faire à des êtres qui méritent cet humanisme évident qui fonde l'existence même de notre civilisation ; ces gens-là, pour la plupart, fuient la guerre et l'oppression ; ils recherchent un meilleur avenir économique et tentent simplement d'améliorer leurs conditions, en prenant le risque de laisser leurs vies dans le désert du Sahara. Cela devrait rappeler qu'il est dans la caractéristique même de chacun d'entre nous de toujours chercher à améliorer son sort. Difficile de reprocher à ces individus, à ces familles, à ces groupes, ce que nous serons les premiers à tenter, ce que nos harraga tentent, d'ailleurs, chaque jour, si nous avions à subir la même situation ! Il faut aussi rappeler et avec force que la situation de ces migrants est créée au départ par la déstabilisation et l'effondrement politique et économique de leurs pays aux mains de potentats qui refusent l'alternance et s'accrochent au pouvoir, quitte à tout brûler. Avec la bénédiction des grandes puissances qui profitent de leurs richesses naturelles. De ce qui précède, il faut dire que les cohortes des migrants iront croissant au regard de la crise économique globale qui n'en finit pas de durer et aussi des énormes disparités entre le Nord et le Sud de la planète, de la xénophobie ambiante, du changement climatique, de l'émergence de nouvelles guerres, et aussi du caractère insoluble des vieux conflits qui menacent d'exacerber ce problème de déplacement déjà massif. La mauvaise gouvernance et la corruption sévissant notamment en Afrique et dans le monde arabe sont à ajouter à ce constat. A exiger plus de fermeté au niveau des frontières et demander, à minima, l'expulsion de tous ces Africains en situation irrégulière, il va se trouver, bien évidemment, quelques «humanistes» pour dire qu'il ne faut surtout pas le faire, alors que la grande majorité d'entre ces Subsahariens n'a ni diplôme ni formation encore moins un métier la rendant éligible au séjour régulier dans notre pays. A la question fort épineuse que l'Etat et nos gouvernants se posent de savoir que faire de ces migrants clandestins qui s'amassent par paquets et s'essaiment dans tout le territoire national, il a été répondu officiellement par Abdelkader Messahel que le gouvernement allait prendre des mesures urgentes pour y faire face. Il pourrait, toutefois, faire l'effort de «régulariser» tous ceux parmi les migrants qui, qualifiés, expriment le souhait de rester en Algérie pour y travailler, par exemple dans le secteur de l'agriculture et du BTPH qui connaissent d'énormes déficits en matière de main-d'œuvre. C'est tout le sens de la proposition du Premier ministre, Abdelmadjid Tebboune, à charge pour son gouvernement de réformer notre réglementation au plan du séjour et de l'emploi des étrangers. Quant à ceux qui n'ont pas vocation à rester, ils doivent être reconduits aux frontières, et en cela Ahmed Ouyahia a parfaitement raison, dès lors où ces gens-là constituent une «menace pour la sécurité nationale». L'opinion nationale, quant à elle, reste partagée concernant les migrants : les accueillir, oui bien sûr, les aider, oui évidemment, subir, non !