Qui se souvient encore de la bataille d'El Dorf parmi les générations actuelles ? une épopée à propos de laquelle Larbi Ben M'Hidi disait en s'adressant aux colonisateurs lors de son procès : «On vous a inculqué une leçon à El Djorf ! ». Soixante-deux ans plus tard, le moment historique reste vivace dans la mémoire de nombreux moudjahidine de la région Aurès-Nememcha. La bataille d'Oum K'Makme, puis celle du Nord-Constantinois en août 1955, menée par le stratège militaire, Youcef Zighoud. Vint donc, durant une semaine (22-29 septembre 1955), l'épopée de quelque 400 djoundi de l'ALN, devant une armada française ameutée de toutes les régions pour venir à bout de la résistance héroïque des combattants de la liberté. Conduite de main de maitre par le chahid Bachir Chihani, secondé par ses lieutenants. Le moudjahid Ouardi Gattel, encore en vie, décrit l'affrontement dans un témoignage accordé à la revue El Djeich en 1985. La bataille se déroula dans Oued El Djorf, à une centaine de kilomètres au sud-ouest de Tébessa, là où l'armée coloniale avait concentré des milliers de soldats, engins blindés et avions. Des armements disproportionnés, sauf que les djounoud déterminés tinrent tête à l'ennemi et lui administrèrent une leçon de bravoure qui fera le tour du monde. Même les officiers français reconnurent la justesse de la stratégie adoptée par les chefs militaires de la révolution. Encerclés par des unités appuyées par l'aviation, les moudjahidine préférèrent le harcèlement les forces coloniales par de petits groupes de combattants. L'administration coloniale avait eu vent d'une réunion regroupant plusieurs chefs de la révolution à El Djorf qui était en plus un entrepôt d'armes. Le regroupement des chefs politiques et militaires avait comme objet de faire le point sur la révolution. Le bombardement systématique de la citadelle naturelle d'El Djorf à l'aide de l'artillerie lourde et des chars positionnés autour, permettront finalement aux forces coloniales de prendre la position. L'un des prisonniers sera même exécuté et décapité et sa tête accrochée à un blindé en trophée. Un geste barbare en représailles devant l'héroïsme des hommes de la liberté retranchés dans l'oued. Le chahid Bachir Chihani, l'un des héros de la bataille et digne successeur d'un autre chahid tombé au champ d'honneur, Mustapha Benboulaid, ainsi que six de ses compagnons, ont refusé de se rendre. En dépit de l'usage de gaz interdit pour les faire sortir de leur bunker naturel, nos valeureux soldats avaient quitté les retranchements par un tunnel. Quel enseignement peut-on tirer de cette mémorable bataille ? Sûrement pas seulement une date à commémorer, un tournant décisif, après moins d'un an du déclenchement de la révolution de libération nationale du 1er novembre 1954. Ce qui avait prouvé à la nation colonisatrice que les actes de bravoure n'étaient nullement des actions terroristes, comme le propageaient ses services de renseignement, mais un engagement écrit en sang et en feu pour l'indépendance de l'Algérie. L'image de la lutte du peuple algérien prenait une autre dimension chez l'ennemi et l'ami. De nos jours, il faudra remémorer cette date, en lui rendant toute sa valeur historique, auprès de nos jeunes.