Le bureau d'Amnesty International à Alger a appelé hier solennellement le gouvernement algérien à abolir définitivement la peine de mort. «Il existe actuellement 500 personnes condamnées à la peine capitale en Algérie», a indiqué Hassina Oussedik, la directrice du bureau d'Amnesty International en Algérie, qui rappelle toutefois que notre pays a souscrit depuis 1993 à un moratoire interdisant l'application de cet ultime châtiment. Selon Mme Oussedik, l'Algérie a raté l'occasion d'abolir définitivement cette peine lors de la dernière révision constitutionnelle en 2016 sous le prétexte que l'opinion publique n'était pas encore favorable. En ce sens et dans le but de sensibiliser les Algériens à adhérer à cette idée d'abolition, le bureau d'Amnesty à Alger, à la veille de la célébration de la Journée mondiale contre la peine de mort, a invité un panel d'avocats et de juristes pour donner leurs avis ou leurs témoignages sur cette condamnation abolie dans 104 pays. Maitre Miloud Brahimi, qui relève ce qu'il qualifie « d'incohérences » contenues dans le code pénal, a fait savoir que ce châtiment inutile ne règle pas dans le fond le problème. Les autorités algériennes doivent souscrire à la démarche mondiale qui consiste à bannir définitivement la peine capitale en procédant à la révision de la loi. «L'Algérie doit être le premier pays arabe et maghrébin à abolir la peine de mort », a déclaré Miloud Brahimi qui critiquera sévèrement les gens qui, au nom de la religion, appellent à l'application de la loi du talion (El Kissasse) à chaque fois qu'un crime survient dans notre pays. «Pourquoi ces gens n'ont pas demandé la réactivation de la peine de mort quand des milliers d'Algériens se faisaient massacrer lors de la décennie rouge», s'est élevé l'avocat en exhortant d'arrêter la manipulation de la religion. Miloud Brahimi a révélé hier que l'Algérie aurait pu être l'un des tout premiers pays à abolir la peine de mort dans le monde. En effet, selon lui, un projet de loi a été présenté en 1964 à l'APN par Ali Haroun (Moudjahid et ancien membre du Haut comité d'Etat) mais a été retiré sur intervention de l'ancien président de la République Ahmed Ben Bella. Avocat, ancien procureur général au sud-ouest du pays, Maitre Benhenni partage la même conception. La mauvaise interprétation de la religion et du Coran ont conduit certaines personnes dans la société, y compris au sein des magistrats, à refuser tout « compromis » pour ce qui est de la peine de mort alors que, selon lui, la prison à vie est le pire des châtiments pour un détenu. Il expliquera qu'il n'existe aucune fierté ou soulagement en exécutant un condamné à mort. Le plus poignant dans les interventions d'hier autour de la question de la peine de mort c'est peut-être le témoignage de Maitre Benissaad, avocat et actuel président de la ligue algérienne de défense des droits de l'homme (LADDH). Ce dernier, pour avoir assisté à quatre exécutions de condamnés à mort dans la prison de Tazoult (Batna) dans les années 1980, décrit des scènes insoutenables ou même le peloton d'exécution trouve des difficultés à exécuter les ordres devant le condamné à mort. Certains condamnés à mort ont vécu un véritable supplice avant de rendre l'âme, a raconté maitre Benissad qui appelle à son tour à l'abolition de la peine capitale. En fait, les intervenants ont longuement évoqué les droits de tous ces condamnés à mort qui vivent dans ce qu'on appelle communément les « couloirs de la mort », mais ne se sont pas trop attardé sur les droits de toutes les victimes, notamment les enfants, violés, tués et décapités qui avaient défrayé la chronique ces dernières années dans notre pays. En réalité, le législateur et les autorités sont devant une situation kafkaïenne. Comment en effet concilier entre un bourreau et les parents d'une victime ? L'opinion publique est-elle prête à accepter l'abolition de la peine capitale même si toutes les exécutions sont gelées depuis 1993 ? Amnesty International semble en tous les cas y croire. A cet effet, une vidéo sur « l'inefficacité de la peine de mort » sera diffusée à partir d'aujourd'hui sur les réseaux sociaux par le bureau d'Amnesty International dans la perspective de sensibiliser les Algériens à adhérer à cette «démarche humaniste».