«Ma kan walou» (il n'y a rien). Cette petite phrase lancée avec agacement par le chef de la diplomatie algérienne Abdelkader Messahel, qui répondait en «daridja» aux interrogations des hommes d'affaires sur les supposés investissements marocains en Afrique et leur véritable origine, a irrité à Rabat. Et provoqué une tempête «dans un verre d'eau», à un moment où l'agenda international et continental est justement focalisé sur le Maroc et ses objectifs coloniaux au Sahara occidental. Le moment choisi pour cette autre crise, l'Algérie étant cependant habituée à ces écarts diplomatiques récurrents, coïncide d'abord avec la première tournée dans la région de l'envoyé personnel du SG de l'ONU pour le Sahara occidental. Ensuite, le Maroc est au centre des pressions insupportables contre la Côte d'Ivoire, un bastion avancé de la Françafrique, pour ne pas inviter la RASD au prochain sommet à Abidjan entre l'Union africaine et l'Union européenne. L'agenda politique et diplomatique africain est donc épais et donne en réalité quelques tourments à la diplomatie marocaine, juste après que la 4ème commission de l'ONU sur la décolonisation ait réaffirmé le principe d'autodétermination au Sahara occidental comme solution juste et démocratique au conflit entre le Maroc, puissance occupante, et le Front Polisario, représentant légitime du peuple sahraoui. Mais, le courroux de Rabat n'est pas feint, il cristallise toute la rancœur du Makhzen envers un pays, son voisin d'ailleurs, qui ne fait qu'appliquer les principes de sa révolution, à savoir soutenir partout dans le monde les causes justes, en particulier les processus de décolonisation menés par l'ONU. Si le Sahara occidental était au Timor-Leste, l'Algérie aurait soutenu quand même les Sahraouis, sans hésiter. Ce n'est pas une question de «voisinage», ni «d'intérêts», comme le fait croire le Palais royal à ses «sujets» depuis l'occupation de ce territoire. Maintenant, il serait pour le moins ahurissant que les Marocains ruent dans les brancards à chaque fois qu'ils sont accusés d'inonder le monde de leur «hasch», alors qu'il est établi que ce pays est le premier producteur mondial de cannabis. Et que les saisies en Europe, principale destination de la drogue marocaine, sont énormes et que les services de renseignements de ces pays tentent d'occulter. Dès lors, parler de blanchiment de l'argent de la drogue dans des investissements-écrans dans des banques africaines est-il à ce point «insultant» ? Le ministre des Affaires étrangères algérien, répétons-le, a montré son exaspération devant l'idée qui prévaut dans plusieurs pays africains, y compris parmi les chefs d'entreprise algériens, selon laquelle le Maroc a énormément investi en Afrique. C'est en fait là où la bataille de la décolonisation du Sahara occidental est la plus féroce, le Maroc ayant tracé depuis quelques années une politique étrangère agressive sur le continent, avec la présence de banques marocaines, pour un seul objectif : faire retirer les soutiens africains au Front Polisario. Sinon, comment expliquer la source de cette manne financière qui arrose l'Afrique francophone via les filiales de banques marocaines, alors que le stock de la dette extérieure du Maroc était de plus de 319,6 milliards de DH, soit près de 34 milliards de dollars, au 3ème trimestre 2016 ? Dans son rapport de février dernier, le FMI, commentant «l'expansion des banques marocaines en Afrique subsaharienne», a estimé que cela «ouvre de nouvelles voies de transmission des risques». Moralité, «il ne faut pas prendre pour argent comptant tout ce qui vient des banquiers marocains».