Livres Le Manifeste du peuple algérien. Les Amis du Manifeste et de la Liberté. Contribution au Mouvement national. Etude de Youcef Beghoul. Editions Dahleb, Alger 2007, 650 dinars, 343 pages. Une préoccupation : montrer essentiellement quelle a été la contribution du Manifeste et des Amis du Manifeste et de la Liberté (Aml), dans l'éveil de la conscience algérienne. Car, une évidenec s'impose aujourd'hui, comme hier: «Le Manifeste a été pendant plus de deux ans, avec les Aml, un puissant catalyseur et un facteur d'accélération considérable dans la prise de conscience du mouvement nationaliste algérien». D'où, sur le plan méthodologique, une approche à la fois historique et analytique : - Historique, sous l'angle des conditions objectives qui ont amené les élus à signer le document, et qui ont incité le rédacteur principal (Ferhat Abbas) à faire appel à l'adhésion des masses - Analytique, sous l'angle de l'action du Manifeste en vue de renforcer la prise de conscience nationale. Deux pivots centraux : d'une part, le Manifeste en tant qu'idéologie nouvelle (avec une question : le Manifeste a-t-il constitué un appoint ou une force réelle, c'est-à-dire a-t-il possédé un poids légitimant des forces multiples ?) et, d'autre part, la mise en pratique de cette idéologie, par la création des «Amis du Manifeste et de la Liberté» (avec cette autre question : a-t-il été, pour un temps, le catalyseur qui faisait défaut jusque-là, et quelle est la «charge» dont il faut le créditer ?)...Pas un parti politique, mais «un groupement d'hommes de toutes les tendances... mais ayant sur le problème colonial et sa solution, la même opinion» Trois grandes parties structurent l'étude : -«La libération nationale par la voie légale ou l'appel au pays légal»... avec une présentation du document «ou la fin de l'illusion assimilationniste» et «la France et le Manifeste» (Giraud, Peyrouton, De Gaulle, Catroux, les discours, les conférences, les ordonnances...) - «La libération nationale par la voie populaire ; l'appel au pays réel», avec «l'affirmation de l'idée d'une République algérienne « et, surtout, «l'apparition du peuple sur la scène politique» - Et une troisième partie consacrée à des témoignages : Des signataires du Manifeste (sur un total de 52) comme Ferhat Abbas (recueilli le 29 décembre 1972 et qui fournit des détails historiques et des précisions d'importance), Ahmed Boumendjel, Chérif Benelhadj Said, El Hadi Mostefai, Kaddour Sator, Abdennour Tamzali... des Amis du Manifeste comme Mohamed Bensalem, Mohamed Ziad... des militants des autres mouvements comme Mohamed Abdoun, Slimane Bentobbal, Benyoucef Benkhedda, Ahmed Bouda, Saâd Dahlab, Hocine Lahouel, Abdelmalek Temam, Hani Daki, Mohamed Mestoul, Abdelkader Moulfi, Chérif Djemad, M'hamed Yousfi Enfin, des annexes plus que riches (le texte intégral du Manifeste, en date du 10 février 1943, et les noms et fonctions de tous les signataires, l'accusé de réception du général Catroux en date du 7 avril 1943, le texte additif au manifeste daté du 26 juin 1943, transmis le 26 juin 1943, le courrier adressé par Ferhat Abbas au Général Catroux le 15 septembre suivi d'un autre courrier (dénonçant «l'incompréhension et le sectarisme du gouvernement général) en date du 18 septembre adressé au général De Gaulle, les statuts des Amis du Manifeste et de la Liberté, la protestation émise lors de la Conférence d'information des AML (Alger, 2, 3 et 4 mars 1945) et la résolution du 2 avril 1945 (qui demandait explicitement le respect de la personnalité algérienne, «demeurée vivace à la suite de 115 ans d'une politique faussement assimilatrice...», et sa «reconnaissance conformément aux recommandations de la Charte de l'Atlantique et de la Conférence de Brazzaville», la libération des internés politiques, la diffusion du Manifeste... Ah, oui, il y a, aussi, le «Communiqué» du Comité français de la libération nationale en date du 16 octobre 1943 qui fournissait la liste des douze (12) «délégués financiers musulmans» ayant, en quelque sorte, «renié» («une abdication, considérée comme une victoire» par le Cfln présidé par de Gaulle) le texte du 10 février 1943... en «exprimant au chef de la colonie (Catroux) le dévouement et l'affection respectueuse des populations musulmanes» (p 317-318) L'Auteur : Né en novembre 1933. Licence de Droit public, D.e.s de Sciences politiques, Sg de rédaction- rédacteur en chef du quotidien «Le Peuple» (avant de devenir «El Moudjahid»), haut fonctionnaire (dont directeur de cabinet du Chef de gouvernement, 1994-1996). Extraits : «En vérité, la revendication assimilationniste ne constituait qu'une stratégie, et tous ceux qui ont tenté l'expérience jusqu'au bout se sont rendu compte qu'ils n'étaient pas acceptés et qu'ils demeuraient toujours à la périphérie» (p 21), «Le Manifeste est réellement un document historique qui, loin d'être un appel à la rancœur, est, au contraire, un bilan sincère et objectif du siècle passé. Il est également une condamnation motivée et définitive d'une impossible assimilation. Il est, enfin, une affirmation d'un principe nouveau de politique générale qui réclame pour l'Algérie une démocratie véritable et pour le peuple algérien une vie nationale authentique» (p 28), «Le Manifeste a marqué, en effet, «un tournant dans la prise de conscience algérienne au stade de la petite et grande bourgeoisie et d'une certaine élite intellectuelle» (Témoignage de Me Sator, p 85), «En dépit de son expression non radicalisante, le Manifeste constituait pour les Français un document dangereux par ses potentialités, par ses silences et par ses non-dits» (p 86), «Le document va se transformer en véritable plate-forme de combat. Les quelques membres qui ont trahi vont être oubliés face à la multitude d'amis et de soutiens que s'attirera très rapidement le Manifeste» (p 87) Avis : Un travail de recherche effectué en 1974 dans le cadre d'un D.E.S de Sciences Po' (Alger). D'où la rigueur, la précision et le sérieux du travail présenté. Une contribution plus qu'appréciable à la compréhension et à l'écriture de l'histoire d'un pan important du Mouvement national. Citations : «L'intérêt du Manifeste n'est pas dans sa prétendue hardiesse, mais dans le fait que pour la première fois, on ose réclamer l'émergence d'une Nation» (p 35), «L'histoire coloniale française n'a été que trop souvent celle des occasions perdues» (p 82),» La politique utilise le plus souvent des chemins tortueux ; elle est faite surtout de calculs et de manœuvres qui faussent les données et compliquent les situations» (p 90), «Le plus souvent, les protagonistes leaders, animés par un motif de prestige, ont une propension naturelle à l'égotisme. Il importe donc de soumettre les témoignages à l'épreuve de l'analyse critique puisqu'au niveau de l'individu, les agressions sont multiples, ne serait-ce que sous l'effet des préoccupations actuelles» (p 179) Confessions d'un écrivain pas tenté. Roman (Essai ?) de Samira Merbah. Casbah Edition, Alger 2018. 750 dinars, 122 pages. L'auteure n'est pas cachottière pour un sou. Pour elle, faisant dire à son personnage qu'«écrire ce fatras de lignes n'est d'abord qu'un vulgaire prétexte ; c'est à la fois un exutoire mais aussi ma peine maximale, c'est selon». Le contenant : quelqu'un qui vit seul. Sa mère, directrice d'un journal, le délaisse. Sa femme est partie voir ailleurs une herbe plus verte. Il est «journaliste» (dans le canard de sa maman qui l'a affecté au «courrier du cœur» où il ne tarde pas à faire des «siennes», donc renvoyé). Sa voisine du dessous est une vielle dame «bien sous tous rapports» mais assez pointilleuse (une «vieille mégère») sur les bruits venant du dessus. Mais, c'est devenu, au fil du temps, sa «confidente»... sa seconde mère. Il est attiré par la boulangère du quartier, mais il n'ose avouer ses sentiments. Le contenu : une vie toute banale, quoi ! Manger, dormir, ruminer ses échecs, mentir (il raconte à qui veut l'entendre qu'il va bientôt mourir d'un cancer)... et se raconter : Il est très beau, il est égocentrique, il est malheureux, il est bienheureux, il est désarmé, il est surprenant, il est découragé, il est impatient, il est charmé, il est incertain, il est amoureux, il est impressionnable, il est médisant, il est rêveur, il est troubadour, il est têtu, il est laconique, il est maladroit, il est susceptible, il est sceptique, il est de mauvaise foi, il est lâche, il est éclairé, il est endeuillé, il est rancunier, il est humain, il est perfectible... et il a de l'espoir. Cela tombe très bien puisque sa maman a promis de l'aider et sa nouvelle voisine, au-dessous, dans l'appartement de sa vieille amie décédée, n'est autre... que la boulangère. Elle était venue au-dessus pour... protester contre le volume trop élevé de la radio. Morale de l'histoire : «C'est bon d'avoir la vie devant soi. C'est bon de savoir que l'espoir fait vivre». On ne le savait pas ! L'Auteure : Née à Alger en 1978. Vit en Belgique à partir de 1995. Etudes supérieures dans l'ingéniorat industriel. Installée au Québec en 2007. Extraits : «Imaginez un court moment toutes les œuvres littéraires qui vous ont le plus marqué... Tendez l'oreille et écoutez la sonate qu'elles vous réservent, chacune séparément, puis toutes en chœur... Appréciez comme elles vocalisent. L'espace sera inondé de leurs sons. Il se peut que ce soit une grande cacophonie, mais il se peut aussi que ce soit une hymne (ndlr : poème religieux dans la liturgie chrétienne... solennelle» (p 69), «Avant de faire un jugement défavorable et définitif sur un individu, ayez au moins la délicatesse de lui accorder l'occasion de se présenter à vous sous son plus beau jour» (p 100) Avis : Un «roman» qui n'en est pas un. Relevant bien plus de l'essai «camouflé» à travers un personnage central masculin qui confie ses peines et se confesse pour cacher (que de mensonges !) son «mal de vivre». Une personnalité à multiples facettes... que l'on rencontre souvent içi et là. A lire... par curiosité... les pieds dans l'eau ou la tête en l'air. Citations : «Il n'y a pas un écrivain qui ressemble à un autre» (p 22), «L'écrivain est un ébéniste des mots et un décorateur de talent. Le lecteur est son juge, tantôt sévère, voire impitoyable, tantôt indulgent ou charmé, littéralement» (p 50). PS : Divine révélation du ministère du Commerce, rapportée par la presse du mercredi 4 juillet : Dans le cadre de la mise en place d'une Snte (encore un autre sigle, celui-ci signifiant Stratégie nationale d'exportation), il y a un «business plan» sur les 5 années à venir visant à atteindre au moins... tenez-vous bien, 15 milliards de dollars d'exportations hors hydrocarbures, à l'horizon 2023 (c'est-à-dire dans moins de 5 ans ... la porte à côté). Lorsqu'on sait qu'actuellement, et depuis plus d'une décennie, ces sacrées exportations n'arrivent pas à dépasser le seuil de 2 milliards, il y a de quoi instiller le doute quant au succès espéré... Il aurait pu dire 5 ou même 6 ou 7... la couleuvre aurait été vite avalée. Divine solution ! Un expert, président d'une association d'exportateurs, et très longtemps chargé de la promotion commerciale du pays, nous propose carrément, pour transformer, dit-il, «les terreaux» - «en dégageant sur les 3,5 millions d'ha restés en jachère, au moins, un million d'ha pour l'exportation» - en «terres exportatrices» (comme si l'agriculture est la seule ou la plus importante des issues, oubliant donc le tourisme, oubliant les industries mécaniques, oubliant...), de faciliter l'apport des... Ide. Pourquoi pas ? Tant qu'on y est... pourquoi ne pas aller au plus simple... Trouver ou inventer des solutions pour «importer les dollars». Non, pas les dollars détournés, ce serait trop difficile. On sait, selon un dernier rapport 2018 de la Banque mondiale que la diaspora algérienne n'envoie annuellement au pays natal que... 2,1 milliards de dollars Us (chiffre de 2017)... alors que les Nigérians envoient 22, les Egyptiens 20 et les Marocains 7,5. Facile, non ? Sauf... sauf si nos concitoyens (d'ici et d'ailleurs) sont bien plus formés à l'importation de marchandises et à l'exportation de devises. Ce qui rend difficile toute autre solution.