La salle des conférences de la Maison de la culture Omar Oussedik a abrité, samedi dernier, les travaux de la 2e rencontre nationale sur la personnalité de Ferhat Abbas, le 1er président du gouvernement provisoire de la République algérienne (GPRA). Organisée par la wilaya de Jijel, cette deuxième rencontre a réuni des universitaires comme le Dr Abdelghani Maaza, Dr Lahcène Bechani et le Pr Sadek Bekhouche, sans oublier la présence de l'invité d'honneur le Dr Lamine Khene, qui a tenu à faire le déplacement en dépit de son âge (85 ans). Les conférenciers sont revenus sur le parcours de l'homme qui a développé des idées assimilationnistes pour acquérir les droits, mais sans prôner la naturalisation, avant d'adhérer à la lutte armée dans le cadre du FLN. Le 1er président du GPRA traîne 31 années après sa mort des mots prononcés ou écrits dans des contextes et des périodes bien différents du confort intellectuel d'aujourd'hui. Surtout ses écrits sur la Nation algérienne qui, avait-il noté en 1936 : «je ne l'ai pas découverte» ou encore «Je suis la France». Quand Benjamin Stora et Zakia Daoued remettent dans leur ouvrage sur Ferhat Abbes ces épisodes dans «l'esprit du temps», l'autre ficelle est nouée à la période assimilationniste qui continue d'évacuer très facilement le basculement du partisan de la non-violence, comme si bien rappelé le Dr Lamine Khene, et de l'action politique dans le camp des adeptes de la lutte armée dans le cadre du Front de libération nationale. Mais les historiens présents se sont avérés être des avocats éclairés de cet homme. Le Dr Lahcène Bechani dira clairement que Ferhat Abbas n'a jamais nié l'existence du peuple, de l'Islam et de la l'arabité, estimant que le politicien, l'idéologue ou le journaliste n'ont pas le recul nécessaire pour appréhender les concepts comme le fait l'historien. Les historiens ont refusé les amalgames et les accusations gratuites formulés par certains sans prendre le contexte historique et surtout le contexte des phrases puisées du reste du texte. Le Dr Azzedine Maaza que nous avons rencontré en marge de la célébration qualifiera l'homme de pragmatique, qui est né dans un environnement conservateur et pauvre attaché à la langue et à la religion. Ces influences ont marqué la personnalité de Ferhat Abbas. «L'autre influence est sa découverte de la culture occidentale et particulièrement française», ajoutera notre interlocuteur. Le Dr Maâza relèvera que la démarche de Ferhat Abbas sur le changement social devait arriver par le changement des esprits. Il voulait en même temps maintenir un lien fort avec ses racines et permettre l'accès pour tous à l'éducation et de manière obligatoire. «Son projet visait à travers l'abrogation des lois d'exception, la notion de 1er et 2e collège, accéder à une égalité avec les Français, d'arriver à une indépendance sans la violence qu'il abhorrait, mais beaucoup plus l'injustice», ajoutera-t-il. Pour notre interlocuteur, Ferhat Abbas n'a pas écrit les textes qui font polémique à l'adresse des Algériens, mais pour les colons, particulièrement aux deux ténors de la colonisation Louis Bertrand et le député-maire de Constantine puis maire de Djidjelli (Jijel) Emile Morinaud. «Ferhat Abbas qui n'a cessé de lutter contre l'idéologie coloniale portait un projet de société, un projet d'Etat», conclura-t-il. Ferhat Mekki Abbas est né le 24 août 1899 à Bouafroune dans l'actuelle commune de Chahna (wilaya de Jijel). Après des études en pharmacie, il s'établit à Sétif en 1933. Il a créé en mars 1944 l'association des amis du manifeste et de la liberté (AML), publié en février 1943, mais qui sera dissoute au lendemain des évènements de mai 1945 au cours desquels il sera, par ailleurs, arrêté pour être libéré en 1946. Il fonde alors l'Union démocratique du manifeste algérien (UDMA) et est élu en juin député de Sétif du deuxième collège. La surdité coloniale le mènera dès mai 1955 vers le FLN qui a lancé en 1954 l'action armée. Choisi pour présider le 1er GPRA créé le 19 septembre 1958 il sera remplacé par Benkhedda en août 1961. Président de la première Assemblée nationale constituante, il marquera en août 1963 sa désapprobation du projet de la constitution présenté par le gouvernement et quitte ses fonctions à la mi-septembre non sans prévenir de la dérive en écrivant «nous ne sommes pas encore au stade d'un régime policier. Mais, si nous ne prenons pas garde, nous y arriverons à brève échéance».