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L'exil de la langue : l'écriture dans la souffrance (1ère partie)
Publié dans Le Quotidien d'Oran le 24 - 09 - 2018

«J'ai écrit des poèmes, j'ai raconté des histoires, j'ai falsifié le vent de la langue du voisin lointain. La langue française fut un lieu d'exil, une maison sans terrasse» Leïla Sebbar
Partagés entre la tradition du terroir et la culture française, les écrivains maghrébins d'expression française, dans leur ensemble, les Algériens en particulier, ont été, depuis longtemps, placés par l'histoire en position de rupture avec leurs racines. Une rupture aussi problématique que douloureuse ayant engendré un exil forcé dans la langue d'autrui. Exil où ces derniers sont condamnés à servir d'abord d'avant-garde ou d'étendard pour les mouvements de décolonisation, puis d'éclaireurs pour la société libérée dans sa voie vers la construction de son identité.
I- L'écriture dans la langue française : entre quête des origines et déracinement
En effet, l'écriture dans la langue du colonisateur s'est toujours présentée pour ces écrivains-là, à la fois comme un pis-aller, un arrêt devant l'abîme, et enfin, un intense travail dans l'interrogation de soi d'un autre angle que le leur. « Est-il possible, écrit le Marocain Driss Chraïbi (1926-2007), dans son roman ‘'La Mère du printemps'' (1982) qu'on quitte un jour sa terre natale, qu'on la renie en lui tournant le dos, et puis... et puis que l'on y revienne, comme si rien ne s'était passé en ton absence, comme si elle n'avait pas eu besoin de toi ?» (1). La terre natale dont parlait ici l'auteur de ‘'Le passé simple'' est la demeure de la langue maternelle : refuge de mots enfantins, île rêvée du pays perdu, jardin onirique qui fait se croiser et valser les rayons de soleil, l'odeur parentale et le souffle des printemps, autour desquels défilent nombre de souvenirs nostalgiques.
Somme toute, la vie dans les bras attendrissants de cette mère proche-lointaine, symbolisée par la terre, qui engrosse l'imaginaire de contes et de berceuses savoureuses. Si Chraïbi partait de cette idée de la terre-mère irremplaçable, c'est qu'il y a, derrière cette métaphore, d'une part, la sœur, la cousine, la tante et toutes les autres figures féminines qui se suivent, se superposent et se figent dans l'inconscient individuel ou collectif « maghrébin », comme autant de remparts de la tradition, éternelles gardiennes des murs du foyer.
D'autre part, la terre n'est rien d'autre, dans cette conception-là, qu'un être vivant en besoin permanent de femmes et d'hommes qui la travaillent et la reconnaissent à sa juste valeur. Mais comment est-ce possible de perpétuer sa mémoire au travers de la langue de l'autre, de surcroît colonisateur, ou ex-colonisateur? N'est-ce pas un déni de soi? Une dépossession de son être et un second meurtre de son identité? Dilemme! C'est le romancier Malek Haddad (1927-1978) qui aurait le mieux exprimé ce malaise et ses contradictions, lesquelles forcent, à l'en croire, l'intellectuel maghrébin «francophone» au moment de se mettre à la table de l'écriture, à la fuite, la soumission et la résignation devant le pouvoir séducteur de la langue de Molière.
«La langue française, écrit-il, dans son essai «Les zéros tournent en rond» (1961), est mon exil». Plus loin, il poursuit: «L'école coloniale colonise l'âme (…), c'est insidieux, c'est profond (…) Chez nous, c'est vrai, chaque fois qu'on a fait un bachelier, on a fait un Français.».(2)
Quant à Mouloud Mammeri (1917-1989), il avait fait brûler par le principal protagoniste de son roman «Le sommeil du juste» (1955), toutes les lumières occidentales, par colère et révolte : « Le contrat social, Discours sur l'inégalité, les Châtiments. Jaurès, Auguste Comte. Ha ! Mesdames et messieurs quelle blague! Quelle vaste blague! Quelle fumisterie!», « Je pisse sur les idées », (3) ironise Arezki, le jeune intellectuel montagnard qui, même en conflit avec la société traditionnelle et influencé par la culture française, transmise par son professeur de philosophie « anarchiste » M. Poiré, se voyait dans l'impossibilité d'accepter celle-ci parce que sa famille était sévèrement touchée par le mépris et l'arbitraire de la colonisation.
Cette réaction traduit, à vrai dire, non seulement l'atrocité de la misère ayant blessé les Indigènes dans leur chair, démentant les duperies des discours fraternels, égalitaristes et universalistes développés par les colons, mais aussi les remous de cette voix minorée d'un peuple «indigénisé», déculturé, bafoué, bâillonné et surtout exilé de lui-même, incapable qu'il fut de se réapproprier son patrimoine ancestral, sa culture, sa langue, son identité propre. Et c'est là que l'écriture et le journalisme sont intervenus pour servir de courroie de transmission des revendications de la base populaire et de baromètre du terrain miné de l'époque.
Il serait, sans doute, possible de faire le parallèle ici, toutes proportions gardées bien entendu, avec les articles au ton incisif d'Albert Camus dans «Alger républicain» et son rapport accablant «Misère de la Kabylie», publié en 1939 (4). Sa dénonciation des conditions difficiles dans lesquelles vivait la population de la Kabylie jure avec les enquêtes de ses prédécesseurs, favorables à l'exploitation coloniale. Visionnaire, le futur philosophe a pu ouvrir grand les yeux, sur les dégâts de celle-ci, à certains milieux hostiles de la Métropole. La littérature n'est-elle pas, après tout, ce qui nous ramène à l'humaine condition dans ses points de force, ses fragilités et ses susceptibilités? Elle fut plutôt, dans le cas de Camus, comme une révélation de son écartèlement affectif entre deux univers opposés (La France métropolitaine et l'Algérie «française»).
Ecrire, comme le dit bien un jour Bernard Pingaud est «une arme défensive. Pourquoi écrit-on ? Pour se justifier ou se distraire, pour «saluer la beauté» «promener un miroir le long d'une route» [...] toutes les raisons sont vraies mais plus profondément, on écrit pour se défendre.» (5) Telle est aussi, peut-être, la véritable destinée de Jean Amrouche (1906-1962). Si l'on définit ce poète, on peut dire qu'il est «parti de nulle part à la reconquête de soi, ses racines.» Son écriture est un cri profond qui exprime l'arrachement originel à soi, aux siens. C'est «l'Anza», ce cri des morts qui ressuscite dans les cimetières la voix de cette Algérie dépossédée de son identité et de sa mémoire, qui sort des profondeurs de la terre pour emprunter le chemin de l'universel. L'attachement entêté du paysan kabyle qu'il fut au territoire de ses ancêtres est, au demeurant, une évidence chez toute la famille des Amrouche. La violence de l'exil, c'est avant tout la perte d'un espace (physique ou spirituel soit-il) et un bouleversement de la temporalité (la notion du temps évolue à géométrie variable), se manifestant par l'intrusion quasi obsessionnelle du passé dans le processus créatif : le passé de la Numidie, du Jugurtha et de l'épopée des «Aguellids» (rois berbères) ayant tenu tête à la Rome conquérante, de cette terre de l'insoumission permanente qu'est l'Algérie. Amrouche était déchiré de l'intérieur entre des réalités qu'il n'avait pas «forcément» choisies (exil spirituel dans la communauté musulmane puisqu'il fut catholique, exil territorial puisqu'il était parti longtemps en Tunisie avec sa famille, exil linguistique puisqu'il ne s'exprime dans ses écrits que par la langue française) et sur lesquelles il n'a pas de prise.
Issu d'une famille kabyle christianisée par la vague des «Sœurs Blanches», il fut avec son recueil poétique «Cendres» (1934), publié quatre ans après la célébration du centenaire de la conquête de l'Algérie, l'un des pionniers de la littérature maghrébine d'expression française : «Mais, sa place / Celle de votre enfant, malgré vous, malgré lui/ Prisonnier de ces os rendus au schiste sec/ Mais, ma place/ Celle de votre fils aux membres ligotés/ Où, où est-elle?», s'est indigné celui qui a témoigné de l'étrangeté de son sentiment d'appartenance, écartelé entre tradition ancestrale et modernité occidentale, sa communauté d'origine et la culture française, chantant de toutes ses veines la splendeur du pays perdu(6). On touche par-là à un destin exceptionnel, pareil à celui du Tchèque Franz Kafka (1883-1924) : étranger à tout, d'abord à la culture allemande par son judaïsme, étranger à Prague, à la Bohème (mouvement artistique très célèbre du XIXe), tant par le choix qu'il fit d'écrire en allemand (la langue des maîtres et des bureaucrates impériaux), que par son judaïsme encore (nationalisme tchèque qui charrie un antisémitisme avéré), mais en même temps hostile au judaïsme occidental, celui des assimilés (ceux qui n'ont plus de traditions à léguer à la postérité) et oriental (celui des Yiddish des communautés juives de Galicie). Si le génie de Kafka, c'est d'avoir fait de ses manques, c'est-à-dire de ses exils symboliques irrémédiables, le ressort de son esthétique, Amrouche y a puisé l'âme, l'inspiration et «le matériau notionnel», utiles à son écriture.
II- La révolte et l'exil
Toujours est-il opportun de signaler, par ailleurs, que c'est après la répression des émeutes de Sétif et de Kherrata, en mai 1945, qu'une nouvelle conscience littéraire s'est réveillée, en Algérie. Ce que l'on appelle «le courant ethnologique», représenté par Mohammed Dib avec ses livres «La Grande Maison» (1952) et surtout «L'incendie», ce roman prophétique publié juste avant l'insurrection de 1954, Mouloud Mammeri avec «La colline oubliée» (1952), lequel complète indirectement la fresque littéraire «Le fils du pauvre» (1950) de Mouloud Feraoun. Baignée dans la culture traditionnelle, cette génération démontre par son écriture l'immixtion subite de la modernité dans un monde rural rythmé par les rites de l'oralité. Elle dresse un témoignage au vitriol contre les effets du colonialisme, centrant le regard sur la figure tutélaire de la mère, à la fois gardienne du temple de l'oralité et figure de résistance à l'occupant, faisant appel à la reine «Kahina», ou à la résistante «Fathma N'soumer». De même, le caractère patriarcal et viril de l'Algérien fut comme sublimé, dans diverses références au thème des révoltes de Jugurtha.
Cette génération considérée comme «indigéniste» dans l'esprit occidental qui faisait de «l'exotisme oriental» une norme en tout ce qui a trait aux réalités socioculturelles du Maghreb, était plutôt vue comme l'interlocutrice privilégiée des lecteurs européens.
*Auteur et chroniqueur.
A suivre
Notes:
1- Driss Chraïbi, «La Mère du printemps». Edition Seuil, Paris. 1982.
2- Voir Youssef Girard, ‘The International Solidarity Movement', 10 novembre 2010 : http://www.ism-france.org/analyses/-Les-zeros-tournent-en-rond-8207—article-14584.
3- Mouloud Mammeri, ‘Le sommeil du juste', Plon, Paris, 1955, p144-147.
4- Camus Albert, ‘Chroniques algériennes, 19391958', Actuelles III, éditions Gallimard, Collection Folio essais, Paris, 1958.
5- Bernard Pingaud, écrire aujourd'hui, Plumitif, juillet 2014 : http://blog-de-lyne.blogspot.com/2014/07/.
6- Patrick Renaudot, ‘Ce lieu d'exil la langue française', Magazine littéraire N°221, juillet-août, Saint-Père, 1985, p 36-40.


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