Dans tous les pays de la planète, et plus particulièrement en Espagne, dès la parution du calendrier, on cherche les dates des deux « clasicos » qui mettent aux prises les deux mastodontes de la péninsule et du football européen. Quelle que soit leur forme ou leurs classements, la fièvre s'empare de tous les sportifs, avides d'exploits, de spectacle et de sensations fortes. Ce sera la même chose aujourd'hui au Camp Nou (16h15), qui sera plein à ras bord comme d'habitude. Cependant, si la charge émotionnelle est toujours garantie, les deux équipes ne jouissent pas en ce moment de la même santé que les années précédentes. Les experts expliquent ce changement pour plusieurs raisons. Premièrement, ils n'ont pas su régénérer comme par le passé par un recrutement ciblé. Il faut dire que les cadres commencent à subir le poids de l'âge et de la terrible pression qui pèse sur eux depuis de nombreuses saisons. Car il s'agit de plusieurs batailles. La sportive d'abord, les deux rivaux cherchant constamment à asseoir leur hégémonie sur les autres clubs, et ils y sont parvenus très souvent comme l'attestent leurs palmarès respectifs. Ensuite, il y a les enjeux économiques, provenant des sponsors et des chaînes de télévision, le « clasico » et leurs matches étant très demandés de par le monde. Il y a enfin le conflit politique que tout le monde connaît, la Catalogne allant jusqu'à exiger son indépendance. Sans Messi, ni Ronaldo Bien que ce clasico reste un événement très attendu en raison des riches effectifs des deux équipes, il n'en demeure pas moins que les absences des deux cracks (Messi et Ronaldo), qui ont joué un grand rôle dans la sur-médiatisation de l'événement durant ces neuf dernières années, vont laisser un vide que nul ne pourra combler. Des absences de taille qui vont pénaliser les deux équipes, tant elles sont devenues dépendantes, tant dans le jeu que dans l'efficacité devant les bois adverses. D'ailleurs, c'est la première fois que ce duo fait défaut pour des raisons diverses, le premier étant blessé, alors que le second a rejoint la Juventus l'été dernier. Or, on ne peut pas négliger la grande influence de ces joueurs sur le rendement de leurs équipes respectives, étant des éléments décisifs par leur extraordinaire efficacité. D'ailleurs, ce n'est pas par hasard s'ils sont les meilleurs buteurs de leurs clubs. Indécision et spectacle garantis Ceci dit, il n'est pas interdit de penser que les deux grands rivaux vont se transcender, étant donné le caractère spécial du clasico. D'ailleurs, dès la fin des rencontres de la Ligue des champions, les médias de tout bord sont à l'écoute des centres d'entraînements de deux formations. Quant aux chaînes des deux clubs, elles repassent les rencontres des saisons précédentes, et notamment celles qui furent sanctionnées par des victoires. Une façon comme une autre de remonter le moral des joueurs et des supporters pour qui la défaite constitue une humiliation de la part de cet « ennemi » et des médias qui caressent dans le sens du poil pour les raisons que tout le monde connaît. Au Real, le défenseur Marcelo, un moment incertain, sera présent aux côtés des Benzema, Isco, Bale et Ascencio. Du côté madrilène, on mise énormément sur le trio Casemiro-Kroos-Modric pour animer le jeu qui fait la force du Real, à charge pour Benzema, Isco et Ascencio d'être à la finition face à une défense barcelonaise peu rassurante à l'heure actuelle. S'il y a une satisfaction du côté du Barça, c'est la forme affichée par l'international brésilien Arthur, ovationné par le public à sa sortie lors du match face mercredi dernier à l'Inter Milan. Les observateurs estiment qu'il va combler bientôt le vide laissé par Xavi, qui n'est autre que le modèle du Brésilien. Une comparaison très flatteuse que ce joueur est tenu de confirmer. Compte tenu de toutes ces données ci-dessus énumérées, comment émettre un pronostic ? Entre ces deux grandes équipes, tout peut arriver. Comme d'habitude, les yeux des sportifs de la planète seront braqués cet après-midi vers le Camp Nou, une « forteresse » selon la presse Catalane, ce qui n'est pas l'avis de sa « collègue » madrilène. Des défenses friables En l'état actuel de la situation, les deux équipes ont un point commun : leurs défenses encaissent plus de buts. Au Réal, c'était déjà le même refrain de l'année passé où le compartiment a concédé plus de 40 buts, ce qui explique son énorme retard (17 points) sur son grand rival. Hors course en Liga, les Madrilènes se sont fort bien consolés avec une troisième Ligue des champions consécutive. Excepté le Français Varane, les autres défenseurs sont l'objet de violentes critiques. A droite, Carvajal a souvent des pépins physiques ainsi que son remplaçant Odriozola. A gauche, ce n'est plus le Marcelo flamboyant des saisons écoulées. Certes, il marque de temps à autre et ses buts sont précieux, mais les observateurs estiment qu'il est plus attaquant que réel défenseur. Quant à Ramos, si physiquement et dans les duels aériens il tient son rang, en revanche, il est de plus en plus lent, ce qui le pousse à commettre des fautes, une deuxième nature chez lui. Du côté du Barça, il y a également des insuffisances criardes que l'excellent gardien Ter Stegen parvient de temps à autre à masquer. Piqué n'est plus le grand défenseur comme le démontrent ses récentes bourdes. A Barcelone, on affirme qu'il est actuellement plus businessman que footballeur concentré sur son métier. Les médias espagnols ont calculé que Piqué a effectué plus de 47.000 kilomètres par avion durant la trêve pour ses activités liées au tennis mondial, ce qui est beaucoup pour un footballeur trentenaire en raison des décalages horaires. La grave blessure de son compère français Umtiti a par ailleurs ouvert des brèches que son remplaçant Lenglet n'arrive pas à combler, du moins pour le moment. A droite, Valverde commet la même bêtise que son prédécesseur Luis Henrique, en s'acharnant à confier le poste à Roberto Sergio, qui est plus utile au milieu, ignorant le Portugais Semedo, pourtant irréprochable lorsqu'il est titularisé. Par ailleurs, certains observateurs estiment que le recrutement de Dembélé est un flop par rapport au coût de son arrivée, 150 millions d'euros. Concernant la défense du Barça, elle a cédé à onze reprises en neuf matches, alors qu'elle n'en a encaissé que trois la saison écoulée à ce même stade, ce qui démontre clairement la différence et explique les difficultés des Catalans à s'imposer comme c'était le cas la saison écoulée. Nivellement des valeurs Alors que l'Atlético Madrid conserve plus ou moins son rang, d'autres équipes ont montré le bout de leur nez. On pense à l'excellente formation du FC Séville qui a occupé le fauteuil de leader avant de le céder la semaine dernière au Camp Nou. Ce qui est le plus étonnant, c'est le comportement des clubs comme Alaves, l'Espagnyol Barcelone, et même Valladolid qui figurent dans le groupe de tête, devançant le Real Madrid, qui n'est que septième ! On estime qu'il y a en ce moment un nivellement des valeurs dont le déclenchement a eu comme détonateur la baisse de régime du Real et du Barça, qui se sont inclinés face à des adversaires en principe à leur portée. Un coup d'œil au classement est très édifiant. A la veille de cette dixième journée, on trouve 10 clubs dans une fourchette de huit points seulement. Or, les médias espagnols précisent que les clubs d'Alaves et l'Espagnol Barcelone ont des budgets seize fois inférieurs à celui du Barça ! Un autre paramètre est à prendre en considération. C'est le fait que le Real et le Barça ne sont plus craints comme c'était le cas par le passé. Certes, la situation pourrait évoluer mais, pour l'instant, les deux grands ont des ratés dans le moteur. Les experts ont fait la liaison de ce changement avec la création d'une DNCG qui a contribué à réduire en grande partie les dettes des clubs, ce qui leur a permis d'étoffer leurs effectifs de façon conséquente. Cette manne financière a eu comme conséquence de rééquilibrer le rapport de force entre les équipes nanties et celles qui l'étaient moins. Sur le terrain, les équipes adverses font beaucoup moins de complexes face au Real et au Barça. Autre remarque à relever cette saison, au rayon des buteurs, pendant de nombreuses saisons, le duo Messi-Ronaldo a fait le vide pendant de nombreuses années, ne laissant que miettes aux autres goléadors. Or, le premier buteur figurant en haut de la liste n'est autre que Stuani, qui évolue au Girona, club pointant au 16e rang ! Il est suivi par le tandem Messi-André Silva (Séville), Suarez (Barcelone) et Benzema (Real) se trouvant au septième rang avec quatre buts seulement. Au Barça, la plupart des buts ont été inscrits par Messi (7), Suarez (4), Continho, Dembélé (3) et Rakilic (2). Au Real, Benzema (4), Bale (3) et Ramos (2) sont les plus efficaces. C'est peu pour des équipes aux effectifs impressionnants et expérimentés, ce qui explique leurs situations actuelles. Lopetegui-Valverde, malheur au vaincu L'autre point commun concerne les entraîneurs, qui sont loin de faire l'unanimité auprès des dirigeants et des socios. La position de Lopetegui est plus inconfortable que celle de son confrère Valverde après la mauvaise série de son équipe. Son avenir dépendra peut-être du résultat de ce clasico, tandis que Valverde ne suscite guère l'enthousiasme par sa conception de jeu et ses choix, il est vrai très discutables. A titre d'exemple, l'ex-Bordelais Malcom, dont les qualités sont indéniables, est confiné sur le banc. C'est illogique et injuste pour cet élément doué et désireux de s'imposer. Décidément, il est ardu de succéder à Zinedine Zidane et à Luis Enrique, qui avaient des conceptions et des idées bien précises sur la manière de gagner des matches et des titres. En outre, ils avaient la maîtrise du vestiaire, ce qui n'est pas le cas de Valverde et Lopetegui, lesquels risquent gros en cas de défaite. Décidément, pour toutes les raisons que nous venons de passer en revue, ce clasico entre les deux géants du football européen est plus qu'un match de football.