Le Premier ministre a tenté de calquer les messages du président de la République mais il relèvera que «l'exécution du Programme de développement est toujours trop lente», que «le Fonds de régulation des recettes a été totalement épuisé au début de 2017», et que «le gouvernement bloque toute nouvelle inscription de projet jusqu'en 2021.» Il dénonce par ailleurs, «la guerre des gangs dans les quartiers et villes.» A défaut de l'inaugurer, Ahmed Ouyahia a clôturé, jeudi dernier, au Palais des Nations, à Club des pins', la réunion gouvernement-walis et ce, en prononçant un discours par lequel il a instruit les autorités locales en tant qu' «incarnation directe de l'Etat», pour «conduire les programmes de développement sur le terrain, faire face aux doléances des citoyens, et canaliser et maîtriser les situations de crises découlant de catastrophes naturelles ou provoquées par les perturbations sociales.» Il leur fera part de ses remarques et «de quelques orientations» à travers quatre axes précis. Le 1er, «la situation financière du pays dont vous devez être parfaitement imprégnés pour qu'elle se reflète dans vos demandes et dans vos réalisations,» leur a-t-il dit. Il traduit son alarmisme à ce sujet en rappelant que «le prix du baril de pétrole a connu une grave chute de 70%, en 2014, passant de plus de 100 à près de 30 dollars, le budget de l'Etat a pu tenir jusqu'en 2016, grâce à une épargne publique proche de 6.000 milliards de DA, accumulée dans le Fonds de régulation des recettes créé par le président de la République.» Il souligne alors que «ce fonds a été totalement épuisé, au début de l'année 2017.» Ouyahia a, toujours, à portée de la main les arguments pour étayer sa sinistrose, au sujet de la situation du pays. Il faut reconnaître qu'il ne peut en manquer en tant qu'acteur clé depuis de longues années, d'une gouvernance qu'il sait qu'elle a souvent failli à ses obligations de résultats. «A partir de 2017, le Trésor s'endette, continuellement, auprès de la Banque d'Algérie pour financer le déficit budgétaire proche de 2.000 milliards de DA par an,» a-t-il dit. A ce jour, a-t-il précisé, «le Trésor a emprunté près de 4.000 milliards de DA, ce qui représente une dette publique de 36% du PIB.» «Les contrats des chantiers publics ne baissent pas» Le Premier ministre nuance ses craintes en lançant que «cela n'est pas une catastrophe comme le prétendent certains et cela n'a pas produit une explosion de l'inflation comme d'autres l'annonçaient, l'inflation est à moins de 5%.» Ses nuances, il les veut, certainement, pour faire oublier son discours d'il y a une année, devant les députés où il avait affirmé que «le couteau est arrivé à l'os,», une expression très algérienne qui traduit l'effondrement total du pays. Pour cette fois, il prévient que «le financement du Trésor auprès de la Banque d'Algérie cessera en 2022 conformément, à la loi. D'ici-là, nous devrons avoir progressé dans les réformes qui nous permettront de rétablir l'équilibre du budget de l'Etat.» Evitons, a-t-il recommandé de «tomber dans l'illusion d'une remontée des prix du pétrole, ils viennent de perdre de nouveau 30%, ces dernières semaines, chutant de 86 à 60 dollars.» Encore une fois, Ouyahia demande à «rationnaliser nos dépenses grâce à des réformes qui sont en cours de préparation et qui seront mises en place, à un rythme supportable, pour la société et sans casser la dynamique du développement.» Il souligne à cet effet, que «certaines de ces réformes, dépendent du seul comportement des Administrations publiques centrales et locales, et elles devront, donc, mobiliser notre attention.» Ses instructions : «nous devons pousser les entreprises qui contractent les commandes publiques de réalisations à revoir à la baisse leurs offres.» Il relève que les prix du ciment et du rond à béton ont baissé, mais a-t-il affirmé «les contrats des chantiers publics ne baissent pas.» Il estime que «cela doit changer car il s'agit de l'argent public, et si l'Etat a des difficultés financières, les entreprises en souffrent directement.» Il fait savoir, à ce sujet, que «nous l'avons constaté avec l'accumulation, ces dernières années, de près de 1.000 milliards de DA de créances impayées, détenues par les entreprises, dont certaines ont même été poussées à la faillite.» Il demande aux ministères et aux walis d'adapter leurs demandes de projets à réaliser «non seulement à la situation financière du Trésor mais aussi à la réalité du portefeuille national des projets déjà inscrits.» Ses rappels : «à la fin 2017, le programme en cours totalisait plus de 13.500 milliards de DA» et ses aveux : «son exécution est toujours trop lente, il en résulte de coûteuses réévaluations ( ), le projet de Loi de finances, pour 2019 comporte un budget d'équipement doté de 2.600 milliards de DA, en autorisations de programmes, parmi lesquelles 500 milliards DA de réévaluations, soit 20% au total.» Aucun nouveau projet local jusqu'en 2021 Ouyahia exige qu'«il vous reviendra de vous en tenir à la réalisation du programme en cours, les mesures prises par les ministères bloquent toute nouvelle inscription jusqu'en 2021.» Par contre, tente-t-il de rassurer, «nous continuerons à dégeler des réalisations déjà entamées, selon les capacités financières disponibles.» Il demande aux autorités locales : «visitez vos hôpitaux, souvent il ne leur manque que quelques équipements ( ).» Et aussi, «aidez-nous à développer et à entretenir des réalisations locales peu coûteuses ( ).» Il leur rappelle que «nous avons tracé un cap dans cette direction en augmentant de 60 à 100 milliards de DA les programmes communaux de développement ( .).» Les «petits projets de développement local», dans les wilayas frontalières, des Hauts Plateaux et du Sud doivent, selon lui, bénéficier d' «une attention plus soutenue ( ).» Son 2ème axe «le développement hors-hydrocarbures ( ) qui doit être accéléré», décision prise de «décentraliser vers l'autorité des walis tout investissement de 10 milliards de DA.» Il évoquera, encore et toujours pour cela, la dotation des guichets locaux de l'ANDI de personnels nécessaires pour qu'ils soient réellement des guichets uniques.» Les 50 nouvelles zones industrielles, à travers les wilayas, avec une enveloppe budgétaire de 100 milliards de DA, verront le jour, selon lui, en 2019. L'accès aux avantages du code des investissements a été rétabli pour près de 30 activités économiques. Il annonce pour «avant la fin de cette année, un programme de mise à niveau de plus d'une centaine de zones d'expansion touristique, à travers toutes les wilayas.» Il assure que «le gouvernement a décidé d'avancer rapidement dans l'approfondissement de la décentralisation.» Premier acte à ses yeux «le mois dernier, le gouvernement a décidé de transférer, totalement, 14 domaines de décisions du niveau central, au niveau de la wilaya (l'urbanisme, conduite de l'investissement dans tous les secteurs.» Un million de naissances chaque année Dans son 3ème axe, il fait part de sa frayeur vis-à-vis «du défi de la croissance démographique» et affirme que «la population augmente, chaque année, d'un million de citoyens.» 2019 sera «une année difficile,» a-t-il dit. Il reconnaît à propos «des conditions de scolarisation correcte de nos enfants» que «nous avons été, quelque peu, dépassés du fait de l'augmentation de la demande (qui demeurera forte pour les années à venir), de l'effet des gels de construction des établissements scolaires, de la livraison de cités nouvelles sans écoles.» Il promet que «nous finaliserons le processus des constructions scolaires en 2019» après que leur gel a été, selon lui, «largement résorbé avec plus de 1.700 projets libérés.» Interdiction a été faite, rappelle-t-il, de livrer «des cités nouvelles sans établissements scolaires.» Autre recommandation, «dynamiser tous les programmes publics de soutien et d'encouragement à la création d'emploi, dans tous les secteurs (création de micro-entreprises, dans tous les créneaux d'activités, l'agriculture, ainsi que la mise en place de la délégation de service public qui apportera des solutions aux besoins locaux.» Il lancera «l'Algérien ira là où il a du pain à manger.» Il affirme à propos de l'habitat que «nous avons construit 4 millions de logements sur 20 ans, on a quasiment doublé le parc immobilier du pays, nous allons construire encore 1 million mais avec une nouvelle vision ( ), 68% de la population vivent dans le milieu urbain.» Il demande «ouvrez le domaine aux promoteurs immobiliers privés, au même titre que les organismes publics, avec un cahier des charges, des facilitations et un prix acceptable.» Il vient de se rendre compte, cependant, qu'«on a construit mais il faut que nos villes répondent aux exigences culturelles de notre pays.» Ouyahia dénonce «la guerre des gangs» Son 4ème et dernier axe, «l'amélioration du service public en direction des citoyens par l'efficacité de l'Administration locale, la sécurité publique ainsi que la communication.» Ouyahia promet à propos de «la numérisation de l'Administration», que «l'année 2019 connaîtra une interconnexion approfondie, entre le niveau central et le niveau local de nombreuses administrations et de nombreux secteurs.» A l'horizon 2021, Ouyahia pense que «l'Algérie aura parachevé «sa profonde mutation» en la matière ( ). Le Premier ministre pointera du doigt «la faiblesse de la Sécurité publique», dans les zones urbaines et dénonce «la guerre des gangs, dans les nouveaux quartiers et villes.» Il demande aux autorités locales «soyez aux premières lignes pour faire face à cette situation.» Il reconnaît que «le pays a le nombre qu'il faut de gendarmes et de policiers ( ), il s'est doté d'importantes forces de police et de gendarmerie, parfaitement formées pour contenir toutes tentatives de semer le trouble, dans les cités, les stades et sur la voie publique.» Il demande, alors, aux Autorités locales, «présentez aux jeunes quelque chose pour les sensibiliser autour de la vigilance et la loi.» Il avouera qu' «on ne peut plus continuer dans l'anarchie !» C'est au titre «de l'amélioration de la Sécurité publique» qu'il demande «au nombre incalculable d'associations locales que le pays soutient» d'être «mises à contribution dans la prévention des incidents et dérapages sur le terrain.» Ouyahia conclura son intervention en avouant encore que «la communication est une véritable lacune dans notre gouvernement, tant au niveau national qu'au niveau local.» Il estime que «cela s'aggrave de plus en plus avec le développement des réseaux sociaux.» Le redressement de cette lacune est, dit-il, un défi que nous veillerons à relever. Il évoquera «la rumeur et la manœuvre subversive» pour exiger que «dès qu'il y a une rumeur, il faut tout de suite la démentir ( ), les Autorités locales sont instruites pour communiquer davantage, utilisez les radios locales, dotez-vous de sites de vos services sur la toile.» Le Premier ministre fait savoir que «la place et le rôle des élus locaux seront consolidés par la prochaine révision des codes (communal et de wilaya).»