Après un blocage de six ans, les négociations entre le Maroc et le Front Polisario ont repris hier à Genève, lors d'une table ronde sur le Sahara occidental, sous la présidence de l'Envoyé personnel du secrétaire général de l'Onu pour le Sahara occidental, Horst Kohler. Le 31 octobre dernier, le Conseil de sécurité de l'Onu avait enjoint, dans sa résolution 2440, le Maroc et le Front Polisario de reprendre les négociations «sans préconditions et de bonne foi» en vue de parvenir à une solution politique juste, durable et mutuellement acceptable qui permette l'autodétermination du peuple du Sahara occidental. « Cette réunion sera la première du genre en six ans et se déroulera conformément à la résolution 2440 du Conseil de sécurité des Nations unies. Elle constituera un premier pas vers un processus de négociation renouvelé visant à parvenir à une solution juste, durable et mutuellement acceptable », a indiqué mardi soir une note d'information de l'Onu. L'Algérie et la Mauritanie ont été invitées en tant que pays voisins et observateurs, par l'Envoyé personnel du SG de l'Onu pour le Sahara occidental. Les travaux se déroulent en deux jours au palais des Nations. La délégation sahraouie est présidée par Khatri Addouh, et composée du coordinateur sahraoui avec la Mission des Nations unies pour l'organisation d'un référendum au Sahara occidental (MINURSO), M'hamed Khaddad, du représentant sahraoui auprès des Nations unies, Sidi Mohamed Omar, ainsi que la secrétaire générale de l'Union nationale des femmes sahraouies, Fatima Elmehdi, et le conseiller auprès du secrétariat national du Front Polisario, Mohamed Ali Zerouali. Quant à la délégation du Maroc, elle est conduite par le chef de sa diplomatie, Nasser Bourita, accompagné du directeur général des études et de la documentation (DGDE - service de renseignements), Mohamed Yassine Mansouri. Du côté algérien, la délégation est conduite par le ministre des Affaires étrangères, Abdelkader Messahel, accompagné du représentant permanent de l'Algérie auprès des Nations unies (New York), Sabri Boukadoum. Les Mauritaniens sont représentés par le ministre des Affaires étrangères et de la Coopération, Ismaïl Ould Cheikh Ahmed, et des cadres de son ministère. Lors d'un entretien avec Horst Köhler, Abdelkader Messahel a assuré de l'engagement de l'Algérie pour le bon déroulement de la table ronde sur le conflit du Sahara occidental. «M. Messahel a assuré Köhler de l'engagement de l'Algérie, en sa qualité de pays voisin, à contribuer au bon déroulement de la table ronde de Genève pour relancer le processus de négociations entre les deux parties en conflit, le royaume du Maroc et le Front Polisario». Messahel a réitéré le soutien de l'Algérie aux efforts de l'Envoyé personnel qui lui a été exprimé par le président Bouteflika, à l'occasion de l'audience qu'il lui a accordée le 23 octobre 2017, en vue de parvenir à un règlement du conflit du Sahara occidental conformément à la légalité internationale et aux résolutions pertinentes des Nations unies, a-t-on ajouté. Rejet de l'accord aérien UE-Maroc Sur un autre plan, le Tribunal de l'Union européenne (UE), saisi par le Front Polisario, juge que l'accord sur l'aviation civile conclu en janvier 2018, entre l'Union européenne et le Maroc, est sans application au territoire du Sahara occidental et à son espace aérien, une décision «largement saluée» par le Front Polisario, selon un document transmis hier à l'APS. «Le Tribunal de l'UE, saisi par le Front Polisario, a jugé vendredi dernier dans une ordonnance, que l'accord sur l'aviation civile conclu en janvier 2018, entre l'UE et le Maroc, est sans application au territoire du Sahara occidental et à son espace aérien», a-t-on précisé dans le verdict. Pour le juge européen, il y a lieu de comprendre la notion de territoire du Maroc comme «renvoyant à l'espace géographique sur lequel le royaume du Maroc exerce la plénitude des compétences reconnues aux entités souveraines par le droit international, à l'exclusion de tout autre territoire tel celui du Sahara occidental». Le Tribunal a ajouté que l'inclusion du territoire du Sahara occidental enfreindrait «le principe d'autodétermination rappelé à l'article premier de la charte des Nations unies et le principe de l'effet relatif des traités». De même, l'ordonnance a souligné «avec une grande précision» que l'UE «ne saurait valablement partager une intention du royaume du Maroc d'inclure le territoire en question dans la chambre d'application de l'accord». Le Polisario s'est félicité d'avoir engagé ce recours qui, après les arrêts de 2016 et 2018, permet de «dégager un édifice complet de souveraineté: la terre, la mer et l'espace aérien, alors que, a-t-il souligné, le pouvoir politique européen s'égare dans des manœuvres de contournement du droit, la juridiction européenne, pour une troisième fois, statue de manière explicite sur la question de souveraineté». Pour sa part, le député européen, Florent Marcellesi, s'est félicité de la décision du Tribunal de l'Union européenne (UE). «Je me félicite d'une nouvelle victoire majeure pour le peuple sahraoui devant le Tribunal de l'Union européenne et d'une nouvelle condamnation de la Commission par la plus haute juridiction de l'UE», a souligné Florent Marcellesi, rappelant que «le groupe des Verts au Parlement européen avait dénoncé, maintes fois, l'application illégale de l'accord aérien UE-Maroc aux territoires sahraouis occupés». L'eurodéputé a soutenu, en outre, que «la décision du Tribunal européen aura des conséquences immédiates pour les transporteurs et les passagers de l'UE, notamment des îles Canaries, qui ne disposent d'aucune base légale pour effectuer des vols à destination et en provenance du Sahara occidental», affirmant que «le comportement irresponsable de la Commission a mis la vie de l'UE en danger». «Les Verts saisiront immédiatement la Commission pour avoir des éclaircissements sur les conséquences de cette décision. Nous espérons également que cela permettra enfin à l'UE de prendre conscience de l'illégalité des accords proposés dans les domaines de la pêche et de l'agriculture qu'elle tente de faire adopter par le Parlement, mais qui subiront le même sort que celui de l'accord aérien s'ils seront adoptés», a soutenu le parlementaire.