L'avocat du Front Polisario, M. Gilles Devers, a exhorté mercredi à Bruxelles la Commission européenne à s'engager dans "un processus constructif" en lançant des consultations directes avec le représentant légitime du peuple du Sahara occidental afin de se conformer aux décisions de sa Cour de justice (CJUE). "Je vous propose de vous engager dans un processus constructif", a-t-il lancé à l'adresse du représentant de la Commission, Vincent Piket lors d'une table ronde sur les implications des dernières décisions de la CJUE sur les relations UE-Maroc, organisée au Parlement européen. M. Gilles Devers a plaidé, ce titre, pour un "vrai dialogue" avec "le Mouvement de libération nationale, le Front Polisario, représentant légitime du peuple sahraoui", mettant en garde contre les tentatives de l'exécutif européen de contourner les décisions de sa propre Cour. La CJUE a rendu le 21 décembre 2016 une décision selon laquelle les accords d'association et de libéralisation UE-Maroc ne sont pas applicables au Sahara occidental, soulignant le statut "séparé" et "distinct" de ce territoire, classé depuis 1963 sur la liste des territoires non autonomes de l'ONU. Fin février, la même Cour a conclu que l'accord de pêche UE-Maroc n'est pas applicable au Sahara occidental et à ses eaux adjacentes. Selon la CJUE, l'inclusion du territoire du Sahara occidental dans le champ d'application de l'accord de pêche enfreindrait plusieurs règles de droit international général applicables dans les relations entre l'Union et le Royaume du Maroc, notamment le principe d'autodétermination. Mais cette décision de la plus haute juridiction européenne n'a pas empêché le Conseil de l'UE d'adopter le 16 avril dernier une proposition qui prévoit d'étendre l'actuel accord UE-Maroc de partenariat dans le secteur de la pêche au "territoire non autonome du Sahara occidental" sous certaines conditions. L'avocat du Front Polisario a appelé, dans ce contexte, les députés européens à rejeter le processus actuel de renégociation de l'accord de pêche UE-Maroc, menaçant la Commission européenne de nouvelles procédures judiciaires pour faire respecter les droits du peuple du Sahara occidental. "Si la Commission continue à s'obstiner, nous lancerons de nouvelles procédures devant les tribunaux", a-t-il averti, promettant à la Commission une "nouvelle défaite" devant les tribunaux européens après l'introduction d'un recours contre l'accord aérien UE-Maroc adopté en octobre dernier. Il a expliqué, il y a quelques semaines, qu'il envisageait d'introduire un "recours en carence" qui vise à faire condamner la Commission européenne pour ne pas avoir pris les mesures nécessaires afin de se conformer au droit européen après l'arrêt de la CJUE du 21 décembre 2016.
Le Front Polisario prêt à suspendre les procédures judiciaires sous conditions Toutefois, M. Gilles Devers a assuré que le Front Polisario est prêt à suspendre toutes les procédures judiciaires à la condition que la Commission engage des consultations directes avec le Front Polisario. De son côté, le chef de la division Maghreb au Service européen de l'action extérieure (SEAE), Vincent Piket a qualifié le contexte d' "extrêmement compliqué et délicat", affirmant que "le processus (de renégociation des accords UE-Maroc) a été incroyable d'un point de vue politique". Même si "aucun canal (de discussion) n'a été établi entre l'UE et ses Etats membres, d'une part, et le Front Polisario, d'autre part", selon ce responsable qui explique que "cette décision est politique", il a invité le Front Polisario à participer aux prochaines consultations. Vincent Piket a rappelé, dans ce contexte, que les décisions de la CJUE sont contraignantes pour l'UE et ses Etats membres, soulignant que "le droit prime sur les considérations politiques". Abondant dans le même sens, l'eurodéputé Florent Marcellesi a affirmé que "si la Commission européenne ne respecte pas le droit européen, ce sera au Parlement de le faire". Les accords conclus par la Commission européenne au nom de l'UE et ses Etats membres doivent, toujours, recevoir l'approbation formelle du Parlement européen. Un citoyen sahraoui présent à la rencontre a réfuté, par ailleurs, les allégations de la Commission européenne qui affirme avoir consulté les parties prenantes intéressées y compris la société civile dans le cadre du processus de renégociation des accords UE-Maroc. "89 associations représentant la société civile sahraouie ont annoncé qu'elles refusaient de participer au processus de consultation, jugeant celui-ci biaisé et renvoyant la Commission vers le représentant légal du Sahara occidental, le Front Polisario", a-t-il rappelé.