Une seule phrase «dis-moi ce que tu importes, je te dirai qui tu es» aurait suffi à traiter du sujet, mais la plume quémande avec insistance d'en faire un peu plus. Ceux qui disent que l'oisiveté est mère de tous les vices, privent injustement la cupidité du droit à une maternité dont le moins qu'on puisse dire est qu'il n'est pas usurpé pour ce qui concerne l'auteur des 17 containers d'ordures ménagères, récemment découverts au port de Bejaïa. On sait, depuis l'empereur Romain Vespasien, que l'argent n'a pas d'odeur, « pécunia non olet » disait-il à son fils Titus, mais lui, au moins, ce fut dans un but de salubrité publique et pour renflouer les caisses de l'Etat, ce qui est l'opposé dans le cas présent. Il faut aimer l'argent par-dessus tout pour accepter de courir le risque de se souiller à ce point. D'après l'information donnée par la presse, il s'agirait d'un homme d'affaires, industriel de son état,qui les aurait importés.Pour quel usage ? Il faudra qu'il l'explique et il aura du mal à prouver que nous manquons d'ordures. Une chose est certaine, ce ne peut être un don d'une quelconque association de bienfaisance mais un « bien » payé en sonnante et trébuchante, soient des dinars Algériens convertis en devises fortes et transférées à l'étranger.Pauvre dinar, quel péché as-tu encore commis pour en être réduit à cela ? Mais il y a fort à parier que la conversion et le transfert ont été faits au taux officiel auprès de la Banque .Reste seulement à savoir, pour les exégètes,avec quelle jonglerie de la tarification douanière ce génie du mal a-t-il fait usage pour commander et réceptionner une telle « marchandise ». Probablement que cela constituera un cas d'école à enseigner dans les instituts de formation en douanes. Nul doute aussi que le lascar ira encaisser, s'il ne l'a déjà fait, tout ou partie de l'argent de la « transaction », là-bas auprès de ses compères. Ce n'est sans doute pas la première opération du genre et c'est comme cela que ce« capitaine » d'industrie,comme nombre de ses semblables, « honorent » les paradis fiscaux, vidant le pays de ses avoirs, investissant à l'étranger l'argent du peuple, légalement ou illégalement transféré, en autant de planques aménagées au cas où, ici,ç'en vient à tourner au vinaigre. L'abus de transfert est un moindre mal s'il résulte de l'acquisition de marchandises, utiles pour le pays, même payées plus chères que leurs prix réels sur le marché. Par la force de l'habitude on s'en accommode tant le bakchich est un sport national dans lequel l'Algérie enregistre ses meilleurs records et obtient le plus de médailles. Ce serait également un moindre mal s'il s'était agi de pierres, de sable, de machines obsolètes : même si ce n'est pas utile, c'est au moins propre.On aurait préféré à la limite que notre sbire se fasse prendre à l'aéroport avec une valise de 300 000 euros, ça aurait eu un côté Arsène Lupin. Mais nous inonder d'ordures !D'ordures ménagères, comme s'il n'y en avait pas assez qui jonchent nos trottoirs et polluent l'environnement. Des ordures ! Comme s'il n'y avait rien d'autre à embarquer. C'est tout ce que l'Algérie mérite ? Au-delà du motif relevant de la cupidité, c'est à croire que l'on a cherché exprès à avilir le pays, son Etat, son peuple, son drapeau, sa monnaie.Le plus revanchard OAS n'aurait pas fait mieux. Dans quelle échelle de valeur ce triste individu place-t-il tout cela pour n'avoir rien trouvé de mieux que d'échanger un élément de souveraineté contre un tasde saletés? Payer de la sorte, en retour, ce pays qui lui permet de n'être pas un apatride, de vivre à l'intérieur de frontières reconnues, de disposer de centaines de millions de dinars. Souiller la terre des ancêtres, il faut avoir une sacrée dose de reniement, un mépris qui confine à la haine de soi, de ses racines, de son amour propre pour en arriver à le monnayer à si vile prix. Même certains harkis ont encore un peu de respect pour cette terre et cherchent à le lui témoigner au crépuscule de leur vie. Le pire des ressentiments ne nait pas du fait de se faire dilapider sa pitance mais de voir que l'on a déféqué dans l'assiette. C'est le propre du singe selon la légende populaire et c'est aussi le sentiment du citoyen lambda dans cette affaire. Alors se pose la question lancinante d'essayer de comprendre ce qui se passe dans la tête de certains pour en arriver là, pour descendre si bas et barboter dans un tel caniveau ? On a beau chercher, il n'y a point de réponse profane. Fanon au secours ! Toi qui en sais tant sur les damnés et qui a tant aimé leur terre, aide nous à comprendre pourquoi ce mépris de la mère nourricière. Toi qui a étudié Masock et lu le livre de Job, aide-nous à comprendre pourquoi le bon Dieu s'entête à nous doter de ce type d'énergumènes alors que nous lui bâtissons la plus grande mosquée d'Afrique? Importateur d'ordures ! Fouillons toutes les archives du monde, on ne trouvera nulle part ailleurs trace de ce genre d'abjection. Les pires criminels prennent des précautions pour éviter les éclaboussures, ont un respect pour la main qui les nourrit et parfois pour leur victime. Rares sont ceux qui iront cracher sur les tombes. N'y a-t-il donc chez nous aucune limite, aucune ligne rouge, aucune valeur, aucune sacralité dès lors qu'il y a de l'argent au bout?Quelle éducation, quelle morale, quel exemple pourrait donner cet importateur à sa progéniture, aux jeunes, à sa famille, à son entourage ? Comment affrontera-t-il le juge qui aura à traiter de son dossier ? Des ordures ménagères, de la putréfaction transportée par mer, débarquée dans nos ports connaissement à l'appui. Est-ce une façon de conjurer par la pestilence l'esprit maléfique de cette mer anthropophage qui engloutit nos enfants ?Demain ce sera le tour des airs, des compagnies aériennes qui seront sollicitées pour qu'elles vident les sanitaires de leurs avions en survolant notre espace aérien. C'est possible, il suffirait qu'il y ait au bout quelques billets. L'argent, voilà l'ordure ! Pour le cupide tout est comestible, il court après la satiété comme il court après la saleté, comme il court après son ombre sans jamais la rattraper et sans se rendre compte que ce qu'il gagne en fortune n'a d'égale que ce qu'il perd en humanité. Si cet importateur est croyant, ce qui est fort probable au vu de la dévotion régnante, vers quelle « qibla » s'orientera-t-il, de quelle contritionet combien de génuflexions se prélavera-t-il, de quelle Zaouïa sollicitera-t-il la rédemption ? Sans doute dira-t-il « tidjara halal », se fera-t-il laver les os à la Mecque ou fera-t-il un don pour l'édification d'une mosquée dans son douar. Non Monsieur le « capitaine » d'industrie, ça ne marche pas !Il y a là non seulement crime économique, atteinte à votre profession, mais aussi sacrilège envers le peuple et son créateur et vous êtes redevables autant envers la justice divine que celle des hommes. Quand on pense aux mesures drastiques de certains pays pour interdire l'entrée sur leur territoire de la moindre denrée alimentaire, on ne peut que frémir pour notre santé au vu du désordre régnant dans nos transactions avec l'extérieur. D'autres énergumènes,tout aussi méprisables, avec d'autres containers, ont pignon sur rue avec leurs complicités ici et là-bas.Dieu préserve nous et donne nous la force de ne pas succomber à leur clinquant et de faire face à leur complot satanique. Nous savons que 17 containers ne sont que la partie visible de l'iceberg. Nous savons aussi qu'ils n'auraient jamais été débarqués chez nous si nous ne leur avions préparé le débarcadère. Il est connu que plus un lieu est sale, moins on se retient pour le salir. Mais accepter de payer pour se faire salir, c'est trop, c'est trop !Aussi, leur découverte est peut-être un signe de ta part pour nous montrer que l'innommable est atteint et qu'il y a lieu de se retrousser les manches pour noyer dans leurs ordures tous ceux qui prennent pour dépotoir une terre irriguée par le sang de tant de martyrs ?Félicitons les services douaniers pour leur vigilance, eux qui ont mis à nu un tel trafic et souhaitons qu'ils auront autant de flair pour tous les autres. Il n'y a de pire calamité que la proximité d'individus sans foi ni loi. Le contexte politique, l'anomie en a fait naître plus d'un et malheur à tout pays qui les laisse proliférer sans réagir. Durant les années de braise de la guerre d'indépendance, l'auteur de ces lignes, alors enfant, se souvient de la fin tragique d'un pauvre militant, collecteur de fond pour le compte du FLN. Il avait piqué quelques sous dans la caisse pour ses besoins personnels, des besoins vitaux. Pour cela il a été pendu sans autre forme de procès. Justice expéditive certes, à n'admettre sous aucun prétexte de nos jours, mais à rappeler quand même pour avoir une idée du coût de certains acquis. Aujourd'hui, le code pénal punit celui qui détruit physiquement un seul billet de banque. Qu'en sera-t-il de celui qui en détruit des millions, dans une « transaction » scélérate,en contrepartie decontainers d'ordures qui plus est ? L'opinion générale a déjà sa petite idée, sa mémoire est inoxydable, elle saura se souvenir de tous ceux qui défèquent dans l'assiette. Quant au reste c'est au bras séculier de la justice qu'il appartiendra de trancher.