L'Etat et le gouvernement algériens disposent-ils de moyens juridiques et techniques pour protéger l'opinion publique des tentatives de manipulation, notamment en cette période cruciale, à deux mois de l'élection présidentielle ? Car faut-il le mentionner, la propagation de fausses informations s'est accentuée, ces derniers temps, notamment après l'annonce de la candidature du Président Abdelaziz Bouteflika. Des informations annonçant sa mort, d'autres faisant état de manifestations populaires contre le cinquième mandat, ont même poussé certaines institutions de l'Etat et certains représentants du gouvernement à lancer des mises en garde face à ces «fakes News» et ce genre d'intox. La ministre des TIC, Imen Houda Feraoun a accusé, samedi dernier, en marge d'une cérémonie officielle, des « parties intérieures et extérieures » de chercher à semer le chaos à travers les réseaux sociaux. Elle avait mis en garde les utilisateurs de ces réseaux contre ce qu'elle a appelé « un plan de destruction sournois visant à attiser le feu de la «fitna» que le président de la République a réussi à éteindre ». Le ministre des Affaires religieuses, Mohamed Aïssa, a estimé samedi dernier, lors d'une conférence de presse tenue, à Dar El-Imam, que certains sites constituaient une menace pour l'Algérie, arborant le fait qu'ils soient gérés, depuis l'étranger. Et à travers un communiqué qui a été rendu public le 13 février dernier, les services de la direction générale de la Sûreté nationale (DGSN) ont mis en garde, les utilisateurs des réseaux sociaux contre des messages qui lui sont attribués. Les services de la DGSN ont appelé les utilisateurs des réseaux sociaux à « traiter, avec prudence, les informations erronées attribuées, à tort, au corps de la police, relayées sur des plates-formes électroniques, et faisant l'apologie de slogans tendancieux portant le logo de la Sûreté nationale ». Ils ont, ainsi, annoncé l'ouverture d'une enquête pour identifier et poursuivre en justice les auteurs de ces fausses informations. L'expert en TI et ancien conseiller au ministère des PTIC, M. Younes Graf a affirmé au «Quotidien d'Oran», que techniquement il est difficile de détecter, rapidement, les «fake news», car la technique robotisée n'existe pas. Il a précisé qu'il existe en fait, des systèmes qui ont été créés récemment, une sorte de machine «Learning» pouvant détecter automatiquement les «fake news», permettant d'analyser les sources de publication en fonction du nombre d'informations fausses, déjà publiées. Mais, selon l'expert, le problème ne réside pas dans la détection, seulement, de ces fausses informations mais comment empêcher leur propagation. Pour cela , il faut « du temps pour faire des investigations et des hommes professionnels ayant des connaissances dans le domaine pour pouvoir débusquer la source de ces fausses informations, afin d'agir à temps». Notre interlocuteur souligne qu'il y a deux entreprises dans le monde qui sont spécialisées dans la lutte contre les « fake news », une entreprise américaine et une autre européenne (française) qui font des investigations dans ce sens. « En Algérie, affirme-t-il, nous ne disposons pas de moyens de lutte technique, d'où la nécessité de sensibiliser davantage l'opinion publique et les utilisateurs des réseaux sociaux contre les fausses informations et l'influence de l'intox ». Le Dr Mohamed Hadir, directeur des études à l'Ecole nationale supérieure du journalisme et des sciences de l'information (ENSJSI) a mis en garde les institutions de l'Etat et les services de sécurité contre les « fake news », en marge d'un séminaire organisé par la DGSN, le 22 mai 2018. Il a avait indiqué que ces « intox » seront utilisées et relayées en force sur les réseaux sociaux lors de l'élection présidentielle. Car, avait-il expliqué, les « fake news » sont souvent diffusées dans des situations de crise et lors de rendez-vous électoraux. Il a cité, à titre d'exemple, les fausses informations qui se sont invitées dans la présidentielle américaine où elles ont entaché le déroulement de la campagne présidentielle, en pesant sur l'élection de Donald Trump. Il a affirmé que même la Chancelière allemande Angela Merkel a fait l'objet d'informations négatives et trompeuses sur sa personne lors de la campagne pour sa réélection. Le Dr Hadir a reconnu qu'il est difficile de faire barrage aux informations manipulées ou erronées sur le Web, parce qu'elles sont diffusées dans un laps de temps court qui ne dépasse pas les 10 heures, alors que les informations classiques sont partagées après 60 heures. Et de souligner que le système de partage sur les réseaux sociaux affaiblit les mécanismes de dissuasion. Pour lui, il faut renforcer le rôle des chargés de la Communication, dans toutes les institutions, il faut, également, permettre l'accès à l'information et surtout sensibiliser la population sur leur façon de consommer « les informations ». Il a cité, à ce titre, l'Association des consommateurs des informations qui a été créée au Canada.