Au RND, il semblerait que la décantation est en train de prendre de court tous les militants et les cadres d'un parti, seconde force politique du pays selon les dernières élections législatives, qui a soutenu des pieds et des mains la candidature du président Bouteflika à un 5ème mandat. Et toutes les candidatures du président sortant depuis 1999. Et, moins de 48 heures après un appel du SG du parti Ahmed Ouyahia aux militants pour faciliter le processus de transition proposé par le chef de l'Etat comme sortie de crise, le porte-parole du RND Seddik Chihab se fend de déclarations qui ont fait l'effet d'une bombe au sein du sérail. Pour lui, non seulement le pays est gouverné par «des forces anticonstitutionnelles», mais que la candidature du président est «une erreur». «Nous nous sommes trompés» sur cette candidature du président Bouteflika, a expliqué Seddik Chihab dans un entretien diffusé mardi soir par El Bilad TV, au cours duquel il a reconnu que «nous avons manqué de perspicacité». Pour lui, cette candidature pour un 5ème mandat est «une erreur. Proposer la candidature du président Bouteflika dans l'état où il était, est un manque de perspicacité de notre part», et, «bien évidemment, c'est une aventure». «Nous n'avions pas eu le courage de dénoncer avec force tout ce qui s'opposait à nous», ajoute-t-il. «Nous ne sommes pas parmi ceux qui étaient convaincus de cette candidature alors qu'il était dans cet état», poursuit Seddik Chihab, qui reconnaît que le RND s'était trompé en soutenant la candidature de Bouteflika pour un 5ème mandat. «Oui, nous n'avons pas eu le courage nécessaire pour exprimer tout ce que nous pensions de cette candidature», a-t-il reconnu, avant de souligner, sur le manque de courage politique du parti pour refuser de cautionner cette candidature, que «le discours est une chose, les convictions en sont une autre». Plus grave, il estime que «l'Alliance présidentielle est responsable, mais en partie, de la crise actuelle», car, «nous n'avions pas été perspicaces, nous n'avions pas eu le courage pour dire comment présenter la candidature du président, avec tout notre respect pour sa personne, son militantisme, ses sacrifices, sa stature». Et, très vite, il se reprend pour affirmer qu' «il y avait un climat, une atmosphère et un entourage qui nous ont poussés dans cette direction». «Tout ce qui est décidé vient du président», a-t-il affirmé par ailleurs, avant de souligner que «pour savoir qui décide réellement, faites venir quelqu'un de la présidence qui sait». «Le RND n'est pas au courant de ces détails. Nous sommes un parti discipliné, et nous avons des engagements pris avec le président de la République pour le soutenir, mais encore une fois, nous ne connaissons pas ces détails», affirme encore le porte-parole du RND. En outre, il a souligné au cours du même entretien que le pays a été dirigé ces dernières années par des «forces non constitutionnelles». «Il y a des forces qui sont gênées par les partis. Il s'agit de forces non structurées», a-t-il dit, avant d'affirmer que ce sont «des forces non constitutionnelles, non organisées, et qui sont partout». «L'Algérie, a-t-il précisé, a été dirigée par ces forces durant au moins ces cinq, six ou sept dernières années». Le N°2 du RND estime en outre que «ces forces sont gênées par la présence des partis politiques, de l'opposition et du pouvoir», avant de s'interroger : «pensez-vous qu'il est possible de faire la démocratie sans les partis» ? Hier mercredi, le RND a répondu, dans une réaction aux propos de son porte-parole à El Bilad TV, que «le débat était parfois provocateur et orienté, ce qui a conduit notre collègue à réagir et parfois à s'éloigner des positions connues du RND». RND, droit dans ses bottes Le communiqué du RND précise que «devant les interrogations de nombre de nos militants face à cet incident, le RND réaffirme que la position du parti a été exprimée dans la lettre d'Ahmed Ouyahia du 17 mars concernant la lecture du parti de la situation du pays ou concernant l'appréciation du parti et sa fidélité au président de la République, notamment par rapport aux dernières lettres». Le SG du parti avait, dimanche, dans un message, appelé ses militants à prendre part au processus mis en place par le président Bouteflika, c'est-à-dire la poursuite du 4ème mandat et la mise en place d'un gouvernement de transition devant organiser une conférence nationale inclusive qui ouvrira la voie à une élection présidentielle et une nouvelle Constitution. « Le RND, au cours de sa participation aux consultations pour la formation d'un gouvernement de transition, va convaincre tout le monde de la nécessité d'accepter toutes les concessions, notamment convaincre les citoyens de la crédibilité du processus de transition démocratique proposée par le président Bouteflika», a préconisé Ouyahia. En plus clair, le processus que défend toujours le SG du RND, en dépit du refus des Algériens d'y adhérer ou de s'y reconnaître, est la poursuite du 4ème mandat, pour l'organisation d'une conférence nationale, qui doit en toute souveraineté procéder à la révision de la Constitution, préparer une nouvelle loi électorale et créer une instance indépendante pour l'organisation des élections présidentielles. Ahmed Ouyahia, a, dans le même message, prévenu les militants du RND qu'ils doivent travailler pour convaincre les Algériens de la «crédibilité» du processus de transition proposé par le président sortant. Il a également reconnu que «les circonstances que traverse actuellement notre pays sont préoccupantes, que ce soit à l'échelle de notre famille politique ou en tant que citoyens», avant de saluer « les demandes pacifiques» du peuple algérien, et qu'elles doivent être entendues «dans les plus brefs délais, afin d'éviter à l'Algérie tout dérapage». Mais, à travers son message à ses militants, il confirme qu'il reste toujours fidèle à la stratégie du président Bouteflika, mais veut en même temps convaincre l'opposition, si ce n'est le peuple algérien, à accepter ce ravalement de façade proposé par le pouvoir pour participer au processus prévu pour contourner l'écueil du 5ème mandat. Les aveux de Seddik Chihab sur le manque de courage politique qui a manqué aux cadres du parti pour ne pas soutenir un 5ème mandat désavouent dès lors toutes les démarches que va entreprendre dans un proche avenir le RND, et son secrétaire général. Après la démission du gouvernement, il ne reste comme porte de sortie honorable pour Ouyahia, que de démissionner, cette fois, du parti, après ces aveux du N°2 du RND mettant à mal et décrédibilisent la feuille de route du président Bouteflika qu'est en train de défendre auprès des capitales occidentales le vice-Premier ministre et ministre des Affaires étrangères Ramtane Lamamra.