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Témoignage: «J'étais un harrag»

Ce 23 octobre 2018, la vie de Omar, étudiant à l'université de Tlemcen, âgé alors de 24 ans, aurait pu basculer dans le drame et s'achever dans une dépêche publiée dans un journal. Il faut dire que le projet de partir en France, par n'importe quel moyen, lui trottait dans la tête depuis un certain temps déjà.
S'il avait pris toutes les dispositions pour mener sa périlleuse entreprise à bien, il se rend compte aujourd'hui qu'elle comportait de gros risques qu'il n'était pas possible de prévoir et de maîtriser à l'avance. «Partir, c'est devenu malheureusement le sport favori de nombre de jeunes Algériens. «El-harga», voilà ce qui reste à la jeunesse algérienne quand toutes les portes sont condamnées !», nous dit-il, comme on assène un coup de poing dans la figure. «J'y pensais jour et nuit, se souvient-il, c'était devenu quasiment une obsession. Lorsqu'on a pris la décision de tenter le coup avec un ami, on a commencé à planifier notre départ. On ne voulait pas avoir recours à un passeur, car on savait qu'il y avait beaucoup d'arnaques. On descendait une fois par semaine à Ghazaouet pour rencontrer des pêcheurs et se renseigner discrètement. Au fur et à mesure, un groupe de dix personnes s'est constitué, puisé dans notre entourage. Les préparatifs ont duré plus de 3 mois. Chacun de nous s'est débrouillé 10 millions de centimes. Avec cet argent, je suis monté à Alger et j'ai acheté un moteur 30 chevaux, à 49 millions de centimes, et un Zodiac pour la somme de 40 millions. Les 10 millions qui restaient devaient servir pour l'achat de l'essence, d'une boussole, de la nourriture et de tout ce qu'il fallait pour la traversée. Nous avons aussi loué un local à Tlemcen pour cacher tout le matériel. J'avais une application internet sur mon téléphone portable et je surveillais de très près la météo».
Après s'être renseignés, Omar et ses compagnons avaient décidé d'un commun accord de tenter de rejoindre Almeria et plus précisément la localité voisine de San José, sur la côte méditerranéenne espagnole. «Le jour J, vers 9 heures du matin, confie-t-il, j'ai appelé comme prévu un pêcheur qui devait nous accompagner pour conduire le Zodiac mais il n'a pas voulu décrocher. Nous sommes montés au marché du centre-ville pour acheter des dattes, du lait. On avait auparavant acheté une bâche de couleur noire pour nous couvrir une fois sur le Zodiac. Comme ça, de loin, on aurait aperçu seulement le pilote et on l'aurait pris pour un simple pêcheur. Vers 16 heures, celui qui devait nous conduire a enfin décroché le téléphone pour nous dire qu'il avait changé d'avis et qu'il ne voulait plus partir. Alors quelqu'un parmi notre groupe s'est proposé pour conduire le Zodiac et on lui a fait confiance. Que pouvait-on faire d'autre ? Quelques jours auparavant, on avait contacté trois taxis clandestins pour nous emmener au lieu de notre embarquement, sur une plage près de Rachgoun où nous avions fait plusieurs fois des repérages. Afin de ne pas éveiller les soupçons, nous avons décidé de nous séparer en trois groupes de trois ou quatre personnes ».
Au fur et à mesure, on versait l'essence dans le réservoir du Zodiac
Ce 23 octobre 2018, vers 21 heures, le premier groupe est parti de Tlemcen en direction de Rachgoun. «Il ne faisait pas très froid, se souvient Omar. On a chargé le Zodiac, qui n'était pas gonflé, dans un premier taxi. Ensuite, nous avons placé le moteur, les bidons d'essence, la nourriture, dans les autres voitures et nous avons tous pris la route. Une fois arrivés à la plage d'embarquement prévue, nous avons gonflé le Zodiac.
Nous étions seulement trois à le faire, les autres étaient cachés dans les buissons pour ne pas attirer l'attention. Vers minuit 30, on a mis la petite embarcation à l'eau, on a chargé tout le matériel puis on est montés à notre tour et on a commencé à avancer vers le large. Dix personnes entassées sur un Zodiac, nous étions serrés comme des sardines ! Tout le monde se taisait. On essayait de ne pas avoir peur. On fermait les yeux mais personne ne songeait à dormir. On surveillait chaque fois le GPS pour ne pas nous perdre. La mer heureusement était calme. C'est seulement lorsque la lumière de l'aube a pointé à l'horizon que la tension à bord a un peu diminué. Vers 9 heures du matin, ce 24 octobre, après environ 8 heures de navigation en mer, on s'est sentis soudain moins stressés car on était sûrs que notre Zodiac avait quitté les eaux territoriales algériennes. À un moment, on a croisé un bateau mais il a continué sa route sans nous voir. Au fur et à mesure, on versait l'essence dans le réservoir du Zodiac, en redoutant la panne. Nous avions emporté avec nous 5 bidons de 30 litres chacun. Ce n'est que vers 16 heures qu'on a vu enfin, au loin, comme un mirage. On a continué à avancer jusqu'à ce que la terre espagnole soit parfaitement visible. Et vers 20 heures, nous avons accosté, comme prévu, sur la plage de Calaraja, près de San José, pas loin d'Almeria. On a marché un moment puis on a escaladé un petit mont, on s'est arrêtés et on a dormi environ 1 heure. Puis on a emprunté une sorte de piste durant deux heures avant de rejoindre une route où on a marché environ 10 kilomètres. Il était 22 heures - 22 heures 30. De temps en temps, des voitures passaient sans faire attention à nous. Au début, on marchait tous les dix, regroupés. Puis on s'est séparés par petits groupes de trois ou quatre personnes. Sur notre chemin, on a vu un petit pont, on s'est cachés sur le talus pour nous changer. On avait ramené avec nous, sur le Zodiac, des vêtements neufs. A un moment, on a croisé une voiture de police avec des policiers en civil. Ils nous ont contrôlés, on n'avait aucun papier d'identité. Ils nous ont retenu environ un quart d'heure puis ils nous ont laissés partir. Vers 6 heures du matin, on a vu un bar ouvert, on est rentrés. On a commandé du café, des croissants. On avait un peu d'argent qu'on avait ramené pour les premières dépenses en Espagne, entre 400 et 500 euros chacun. Ensuite, on a repris la route. Il y avait des plaques qui indiquait les différentes directions. On devait être à une vingtaine de kilomètres d'Almeria. Enfin, on a trouvé un arrêt de bus, on a attendu un moment puis on a pris l'autobus qui nous a déposés au centre-ville d'Almeria. La première chose qu'on a faite, c'est d'acheter des puces pour appeler la famille en Algérie ».
Omar se souvient encore de ce premier appel téléphonique à sa mère qu'il n'avait pas prévenue de son départ et qui était presque morte d'inquiétude. Il a cherché désespérément les mots pour la rassurer mais ils n'ont pas pu calmer ses pleurs. « Dès notre arrivée à Almeria, quelqu'un du groupe a contacté une connaissance à lui, qui vit habituellement à Alicante et qui se trouvait par hasard, ce jour-là, à Almeria. Il lui a fixé un rendez-vous. Nous nous sommes rencontrés et il nous a proposé de nous emmener, moi, son ami et un autre du groupe, à Alicante. Les autres voulaient partir à Barcelone. On est restés, les trois, une dizaine de jours à Alicante dans un petit studio que nous a loué un Algérien. Mais comme l'Espagne n'était pas notre destination finale, on a décidé de rejoindre au plus tôt la France. On a pris un bus d'Alicante jusqu'à Bilbao. Dans cette ville, on a croisé un autre Algérien qui nous a emmenés jusqu'à Nîmes. Il nous a fallu 12 jours pour faire le trajet Algérie - France. Ensuite, un de mes deux compagnons de voyage a appelé une connaissance à Marseille qui est venue nous récupérer à Nîmes et nous a conduits à Marseille. Nous avions eu de la chance. Tout n'était pas préparé à l'avance. Nous avions dû nous débrouiller ».
De fausses cartes d'identité française entre 100 et 500 euros
A Marseille, Omar est resté presque 4 mois, à vivoter, à apprivoiser sa nouvelle vie, à prendre ses marques : « Au début, raconte-t-il, j'étais chez la famille puis j'ai rejoint un de mes compagnons de « harga » dans un petit studio qu'il avait loué dans un quartier à forte population arabe. J'ai immédiatement commencé à faire des petits boulots sur les marchés, je vendais des cigarettes de contrebande, j'aidais les « beznassa » algériens à mettre leurs marchandises dans les cabas, avant leur départ au port. Une fois la police m'a contrôlé. Ils m'ont emmené au commissariat. Ils m'ont fait subir un interrogatoire de midi à 18 heures, mais comme je n'étais pas fiché, ils m'ont relâché. J'ai refusé de leur révéler ma véritable nationalité. Ils savaient très bien que je leur mentais mais aussi qu'ils ne pouvaient pas m'expulser à l'aveuglette. Puis j'ai décidé de monter à Paris, chez ma tante. J'ai été bien accueilli. Un ami à moi, avec qui j'étais en contact, m'a proposé dès mon arrivée un travail au noir dans un chantier, chez un entrepreneur turc. Personne ne m'a demandé une pièce d'identité pour m'embaucher. À Paris, il y a beaucoup d'Arabes, de Turcs, et certains ne veulent pas déclarer leurs ouvriers à cause des impôts. Parfois, des immigrés clandestins achètent une fausse carte d'identité française pour pouvoir trouver du travail plus facilement. Cela coûte entre 100 et 500 euros. Au chantier, j'étais payé 50 euros la journée. Cela me faisait entre 800 et 1200 euros mensuellement, selon le nombre de journées de travail que j'effectuais. C'était très dur, très physique. Le soir, j'étais crevé».
Omar, qui appelait sa mère presque chaque jour depuis son départ, se faisait de plus en plus de soucis pour elle, surtout que, entre-temps, son père est décédé brutalement. «Je n'ai pas assisté à son enterrement, se souvient-il, le désespoir plein les yeux. C'était des moments très difficiles mais il fallait faire un choix. J'ai décidé de revenir en Algérie. Mais avant, j'ai voulu visiter la Suisse, je ne sais pas pourquoi. J'ai traversé la frontière à pied, entre Annemasse et Genève. Il n'y avait aucun contrôle. Je suis allé dans une auberge. J'ai contacté des associations d'aide aux réfugiés. Je me suis baladé. C'était le mois de juin. Puis un matin, je suis rentré dans un commissariat à Genève, j'ai expliqué ma situation, j'ai dit que je voulais retourner chez moi. Ils m'ont renvoyé vers un service spécialisé. Ils ont dû certainement faire une enquête. J'ai présenté mon passeport algérien qu'une connaissance m'avait ramené de Tlemcen jusqu'à Paris. Après quelques jours, ils m'ont mis dans un avion. C'était eux qui ont payé le billet retour Genève - Alger. A la police, à Alger, on m'a contrôlé. J'ai tout expliqué, on m'a laissé rentrer. Il n'y avait rien de marqué sur mon passeport, je n'étais pas refoulé, c'était un retour volontaire ».
Lorsque je l'ai quitté, je crois que Omar était assailli de doutes : regrette-t-il aujourd'hui d'être retourné volontairement en Algérie, après plus de huit mois passés en Europe ? En septembre dernier, il s'est réinscrit à l'université, a repris ses études. Pour subvenir à ses besoins, il fait, en parallèle, du commerce informel sur une table posée en plein milieu d'une rue commerçante au centre-ville de Tlemcen. « J'ai eu de la chance, j'ai pris un énorme risque, j'aurais pu mourir noyé, reconnaît-il volontiers. Je n'encourage personne à faire ce que j'ai fait. Mais maintenant je ne sais pas par quel bout commencer pour construire ma vie, trouver un travail stable, avoir un appartement, me marier ? Certains des jeunes qui font avec moi du commerce informel sont des diplômés, ont un Master. J'espère que notre pays sera clément avec nous ».


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