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Coronavirus: Rien ne sera comme avant
Publié dans Le Quotidien d'Oran le 07 - 06 - 2020

  Consciemment ou non, nos comportements et nos attitudes ont subi une attaque telle qu'ils ont changé et qu'ils ne seront certainement plus comme avant. Nos comportements, même quand nous nous retrouvons seuls, sont dominés par la peur, la peur de l'inconnu, une peur diffuse qui nous fait douter de tout. Par le chamboulement à l'échelle planétaire qu'il a suscité, le Covid-19 marquera à jamais nos vies et peut-être même celles de la génération prochaine. Avant-hier, nous voulions entrer dans un ministère à Alger et, bien entendu, il y a une série de mesures auxquelles nous devions nous soumettre dont la prise de température. Un confrère qui m'accompagnait et avec lequel j'étais, quelques minutes auparavant, dans sa propre voiture s'est vu refuser l'entrée pour température élevée, atteignant presque 39°C.
La surprise passée par le fait qu'il ne soit pas entré, j'avais un peu le cœur qui battait la chamade, je le voyais déjà atteint par le virus et je me voyais aussi contaminé, juste parce qu'il avait un peu de température. Un deuxième essai puis un troisième, la température toujours aussi élevée, je décide de continuer seul. L'un des agents chargés de contrôler les entrées s'approcha alors de moi et me demanda, à voix basse, d'emmener mon ami faire des tests dès que nous serons rentrés. Ensuite, dès le seuil du bureau franchi, le responsable que je devais rencontrer me demanda comment allait mon confrère, opérant même un recul imperceptible par rapport à moi car je me trouvais avec quelqu'un qui pouvait être contaminé. Une suspicion presque polie, mais elle demeure une suspicion quand même, bien qu'elle soit mêlée de compassion, alors que la peur, insidieuse, est toujours là.
Dans la rue, quand quelqu'un tousse ou éternue, tous les regards se braquent sur lui et, sans en prendre conscience, nous essayons de nous en éloigner alors que le pauvre bougre essaie de cacher ce qui est devenue une tare mortelle et un risque, souvent inexistant, pour les autres qui se démarquent alors de lui et le mettent presqu'en quarantaine en pleine rue. Même quand des individus refusent de porter un masque de protection, par bravade ou par inconscience, ils reculent et se protègent dès qu'il y a quelqu'un près d'eux qui montre des signes se rapprochant d'une grippe, comme la toux, l'éternuement, des yeux larmoyants ou un air fatigué. Lorsque le commerçant nous rend la monnaie après un achat, nous prenons toujours les pièces ou les billets avec précaution, en essayant de les dépenser pour éviter de les mettre dans nos poches et de les ramener à la maison. Quant à se serrer les mains, à s'embrasser ou à se rapprocher des autres, il y a longtemps -en fait juste un peu plus de deux mois- que cette habitude est perdue.
A la maison, nous évitons de toucher à quoi que ce soit avant de nous laver les mains avec du savon ou avec un désinfectant, ceci après avoir essuyé nos chaussures sur un chiffon imbibé d'eau de Javel. Les sachets en plastique sont tenus juste avec deux doigts puis jetés une fois retirés les objets achetés, le lavage des mains étant toujours pratiqué pour éviter tout risque. Les visites familiales sont devenues très rares, chacun ayant peur de contaminer ceux à qui il rend visite ou qu'il soit contaminé par eux, l'histoire des porteurs sains étant entrée dans nos mœurs. Parfois, pour prendre un mouchoir dans notre poche afin de l'utiliser, on se souvient avoir mis quelques pièces de monnaie dans la même poche et si nous utilisons le mouchoir, nous le faisons avec réticence. Ce sont en fait de petits gestes de tous les jours, de tous les instants, pour nous-mêmes, avec nos familles, avec nos amis et nos collègues.
Il nous arrive de plaisanter ou de faire les frais d'une plaisanterie, comme le fait qu'on nous dise ‘tenez-vous loin, vous venez de la wilaya de Blida', comme chacun le sait la wilaya de Blida a été celle par qui le mal est arrivé. Les psychologues et les sociologues ont ici matière à recherche qui prendrait des années et des années et les citoyens devraient maintenant s'habituer à vivre pendant un certain temps avec cette peur d'être contaminés, même quand le virus sera entièrement vaincu et qu'il ne sera qu'un mauvais souvenir.


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