Il y a quelque temps, le 1er mai 2022, le ministre russe des affaires étrangères, Serguei Lavrov, soulevait une polémique en faisant remarquer que «cela ne voulait absolument rien dire» que d'affirmer que «le président Zelensky ne pouvait être nazi puisque il est juif». Il est bon de s'arrêter sur cette polémique, non pas évidemment pour la question de savoir si le président Zelensky peut être accusé de nazisme ou non, mais sur cet axiome qu'»un juif ne peut être nazi», qui est révélateur, chez certains, d'une certaine idée de l'identité juive. En refusant ce postulat, le propos de Lavrov est indéniablement logique. À contrario, cela voudrait dire en effet que le chrétien , le musulman, et tous les non juifs pourraient donc être nazis mais pas le juif. En vertu de quoi ? De l'appartenance ? Dans d'autres peuples, on pourrait tourner le dos à son appartenance, au besoin la trahir, mais pas le juif ? Un musulman pourrait être islamophobe, un arabe arabophobe, un dirigeant arabe ou un palestinien collaborer avec Israël, un colonisé servir le colonisateur, trahir sa patrie, sa nation, sa communauté, comme il y en a eu et il y en a hélas de multiples exemples, mais pas le juif. Le juif serait-il «naturellement» antinazi ? Le juif serait donc le seul à avoir une sorte de «pureté», qui le préserve de ce type de comportements. C'est d'évidence un argument essentialiste, qui donnerait à l'identité juive une essence que n'auraient pas les autres, et donc une définition raciale. Or c'est exactement cela, le racisme, qui constitue la base de l'idéologie nazie. Ou alors l'argument serait que le juif serait «naturellement» anti nazi du fait qu'il a souffert du nazisme. Certes la shoah reste unique dans l'Histoire contemporaine, mais d'autres pays et d'autres peuples ont souffert des atrocités nazies, les tsiganes, les russes. L'armée française, au sortir de la résistance à l'Allemagne, tuait 45000 algériens le 8 mai 1945, et reproduisait les techniques nazis, tortures, massacres de masse, fours à chaux. Tout cela se passait sous la présidence du Charles de Gaulle, résistant français s'il en est. L'Histoire n'est pas simple. Combien d'anciens résistants français, comme le général Bigeard et d'autres ont été parmi les plus féroces tortionnaires contre les résistants algériens pendant la guerre algérienne d'indépendance.. C'est donc avant tout une affaire d'idéologie et de système comme on le verra. Dans l'histoire générale du monde, il y a eu d'autres génocides, autant, si ce n'est plus, terribles, comme celui des amérindiens aux Etats Unis. Le côté sombre de l'être humain, le côte tragique, cruel, amoral de l' Histoire n'épargne personne. Combien de dirigeants, dans tous les pays, ont été les bourreaux de leur propre peuple. Et lorsque Lavrov va jusqu'au bout de sa logique et dit qu' «il peut se tromper mais Hitler avait aussi du sang juif», il ne dit en fait que cela, c'est-à-dire que ce n'est pas la généalogie qui détermine une idéologie et le fait d'être allemand la propension à être nazi. Certes, il est normal que de tels propos sur l'ascendance d'Hitler, choquent tant leur enjeu émotionnel, passionnel, historique est grand. Cependant, du point de vue de la stricte logique, le problème reste le même. Le nazisme n'est pas une question « de sang», d'origine. C'est une idéologie .Elle peut contaminer partout, sous des formes et des variantes culturelles diverses. Le nazisme a proclamé la suprématie de l'homme allemand, l'empire britannique celle de « l'Homme anglais». L'idéologie du suprématisme blanc est très répandue encore actuellement aux Etats Unis, en France et dans d'autres pays occidentaux. La néo nazisme apparait dans des attitudes, des actes, des positions, des politiques. On les retrouve indéniablement dans les pratiques et l'idéologie des bataillons d'Azov, qui sont pourtant traités en héros par le pouvoir ukrainien. Le fait que le président Zelensky soit juif et qu'il les soutienne si fort ne peut en aucun cas leur servir d'onction et leur donner une respectabilité. Qu'il soit juif «ne veut (donc) absolument rien dire». Israël et le néonazisme Dans le même sens, prenons le cas d'Israël. Peut-on parler de pratiques néonazies à son sujet ? Pour cela, il faut avoir recours à des critères objectifs : Elle a établi un régime d'apartheid concernant les palestiniens. La région de Gaza est, depuis des décennies, un ghetto au même titre que l'était celui de Varsovie pendant l'occupation allemande, avec régulièrement des massacres organisés. De tels traitements inhumains, entrepris systématiquement, méthodiquement sur le long terme n'ont-ils pas un caractère nazi. En Israël, la torture des palestiniens est légitimée par la loi. ce qui n'existe dans aucun pays. Le mot nazi n'a-t-il pas ici, en l'occurrence, toute sa place. C'est donc les traits du nazisme qu'il faut décrire: racisme, suprématisme, violence barbare, répression de groupes humains entiers etc. et les comparer aux pratiques développées et justifiées en Israël par le sionisme, au nom de la défense des juifs. L'Assemblée générale de l'ONU a, d'ailleurs elle-même fait ce diagnostic. En novembre 1975, elle a décrété que « le sionisme est une forme de racisme et de discrimination raciale » ( résolution 3379 ). Bien que cette résolution ait été abrogée le 16 décembre 1991, sous la pression des Etats Unis, elle n'en reste pas néanmoins une référence morale en de nombreuse occasions. Le sionisme a fait beaucoup de tort à la communauté juive et c'est pourquoi des juifs toujours plus nombreux dans le monde, s'en éloignent, et notamment, actuellement, aux Etats-Unis. Le sionisme est probablement le plus grand problème historique de la communauté juive. Il n'a rien résolu. Il a causé, depuis maintenant 74 ans , des guerres incessantes, un océan ininterrompu de larmes, de sang et de destruction. Dans une communauté juive qui a toujours eu soif d'universalité, le sionisme a introduit le poison de l'orgueil, du suprématisme, de l'esprit de supériorité et d'un singularisme extrême, qui font que souvent, le mot nazi vient aux lèvres lorsqu'on parle de sionisme et d'Israël. Il ne sert alors à rien de s'en indigner.