Nous vivons un pic de chaleur exceptionnel dans le Chélif actuellement. La région est, certes, connue pour son climat caniculaire en été, mais certaines saisons sont plus torrides que d'autres. Cette année, le phénomène frôle la catastrophe, la zone est déclarée orange en raison de la température qui dépasse les 50 degrés. Difficile aux gens qui ne sont pas habitués à l'extrême climat d'évoluer dans une fournaise intense comme celle qui couvre la région depuis quelques semaines. Scientifiquement, les vagues de chaleur qui frappent le Maghreb pendant l'été s'expliquent par les contre-courants aériens qui se retournent dans l'océan Atlantique, lesquels empêchent les vents frais venant des glaciers du nord de pénétrer dans le continent. Ils constituent, de ce fait, une barrière naturelle qui cadre l'Afrique à partir de l'ouest et oriente les vents steppiques et sahariens vers la Méditerranée. Ce mur atmosphérique protège également les côtes africaines d'éventuels ouragans en repoussant les grosses tempêtes vers l'Amérique et, plus bas, vers le cap de l'Afrique du sud. Le cas de la région du Chélif est typique du point de vue géographique. Cette partie centrale de l'Algérie est un couloir long de quelque 300 kilomètres et large d'une trentaine de kilomètres, cerné par les hauteurs de l'Ouarsenis au sud, par celles du Zakkar et de la chaîne du Dahra au nord. Sa forme creuse lui accorde, d'une part, la capacité d'absorber les chaleurs de la haute saison et les infiltrations des vents secs qui soufflent du sud, et, d'autre part, la possibilité de retenir ces vagues chaudes entre les murs des montagnes qui la quadrillent de toutes parts. En plus des chaleurs naturelles, les feux de forêts qui frappent le nord du pays et plusieurs parties du bassin méditerranéen amplifient la canicule qui perdure même pendant la nuit. Des milliers d'hectares de forêts brûlent chaque année, soit du fait de l'intensité des grandes chaleurs estivales, soit à cause de comportements humains inconscients ou bien d'actes de pyromanie carrément intentionnels. A ce dernier titre, des doigts accusateurs dénoncent les pratiques criminelles de certains exploitants des espaces forestiers à des fins lucratives. On parle, notamment, des marchands de charbon qui incendient délibérément des parcelles de bois, sachant que ces incendies échappent souvent au contrôle de leurs provocateurs et génèrent des foyers de feux impossibles à contenir. Les critiques dénonciatrices pointent également sur des fermiers qui décapent des terrains boisés avec le moyen du feu pour l'usage agricole : arboriculture, aviculture, apiculture et d'autres activités liées à l'exploitation des terres. Conséquemment, ces incendies de forêts sont un facteur direct de l'intensification des chaleurs qui peuvent atteindre un niveau invivable, pareil à celui que la population du Chélif supporte difficilement en ce moment. Plus loin, le dommage des incendies est visible dans la destruction de l'esthétique panoramique et aussi dans la déstabilisation du système écologique, aussi bien pour la flore brûlée que pour la faune harcelée et, par des périodes et des endroits, totalement exterminée. Il n'est donc pas surprenant de rencontrer des reptiles dangereux aux seuils des maisons, de croiser des sangliers dans la rue ou de ne plus voir certaines espèces d'animaux dont les territoires sont devenus de réels bûchers. Dans d'autres régions comme le Djurdjura, les habitants de plusieurs villages limitrophes aux forêts quittent chaque été leurs domiciles sous la menace des flammes. Ce sont généralement des hameaux montagneux difficiles d'accès pour les gros engins des secouristes. L'ampleur des incendies est parfois gigantesque, impossible à vaincre avec les moyens rudimentaires ou le matériel classique des éléments de la protection civile. Notons à ce sujet que l'Algérie ne dispose pas d'avions de type canadair capables d'arroser de larges espaces touchés par les feux. Par ailleurs, il est notable de remarquer que l'eau fait terriblement défaut au pays, en particulier à la région du Chélif, laquelle s'alimente en grande partie en eau de mer grâce à des stations de dessalement situées sur la côte. La rivière du Chélif a complètement perdu de sa manne hydraulique pour devenir un ru qui draine les eaux usées des agglomérations qui la bordent. Les nombreux affluents qui nourrissent cette rivière sèchent à leur tour pendant la saison chaude. Ce manque d'eau, un presque état de sécheresse, est aussi un vecteur qui contribue à accentuer le degré des fortes chaleurs. A Chlef, comme dans toutes les villes et villages de la région, les gens règlent leurs affaires pendant les premières heures du matin, il est impossible de circuler pendant la journée sous le soleil accablant de midi, avec le relent chaud qui se dégage des murs et de tous les objets exposés dans la nature. C'est la période des « Smayem », un terme qui désigne la tranche la plus chaude de l'été dans le calendrier local. La chaleur atteint son paroxysme pendant ces quelques jours brûlants qui peuvent s'étaler pour des semaines. A ce sujet, le site « Accuweather », un organisme international spécialisé dans la météorologie, prévoit un prolongement atypique du pic de température qui s'abat sur le Chélif. On informe que la chaleur peut s'étendre jusqu'au début du mois d'octobre de l'année en cours. Une période où le thermomètre ne descendra probablement pas au-dessous des 35 degrés, avec des phases incendiaires qui connaîtront des magnitudes record. Les Chélifiens n'ont de salut que de camper chez eux. Le seul moyen de défier cette situation d'enfermement est la climatisation artificielle. Les appareils de refroidissement tournent à longueur de jours dans tous les foyers. Les habitants s'attendent, comme à chaque année, à des factures de consommation d'énergie sérieusement salées. La canicule est une véritable catastrophe naturelle silencieuse. Le Chélif devrait être perçu comme une zone sinistrée à cause des dégâts physiques, moraux et financiers engendrés par cette calamité saisonnière. Les autorités devront prendre des mesures de soutien réelles pour réconforter le cadre social de la population qui subit les affres de cette crise cyclique.