Lorsqu'on visite Tafessra, le village berbère des Béni Snous à environ 35 kilomètres au sud du chef-lieu de la wilaya de Tlemcen, on est tout de suite frappé par la toponymie de cette contrée relevant d'El Fahs, et par l'architecture des constructions figée dans le passé et aux allures de musée à ciel ouvert. Anciennement Tafessra s'appelait Estazil. Il faut rappeler que les habitants des villages de Béni-Snous partagent à ce jour les coutumes liées au « maoussim » des labours et fêtent tous les ans, à l'instar de tous les Algériens, Yennayer en grande pompe surtout le fameux spectacle « Ayred ». Tafessra, fut une ville très active en raison des minerais de métallurgie. Il y a quelque temps, on rencontrait des scories de fer témoins de ce travail de façonnage du métal et de la fabrication d'outils agraires notamment. Selon l'ex-chef de la circonscription archéologique et directeur du musée de Tlemcen, Brahim Chennoufi, « la mosquée de Tafessra serait la première dans cette aire culturelle berbère, compte tenu des inscriptions coufiques qui rappellent le coufique ancien ... Toutefois, il parait que les décors de plâtre sur le mur faisant face au mihrab font remonter cet ouvrage à une époque avant l'évènement de l'Islam dans cette contrée. Et que cet édifice aurait été d'abord un temple païen. Par ailleurs, l'occupation du site remonte à la période préhistorique. En effet, la fouille archéologique que nous avions menée en 2019 et 2020 au niveau de la grotte Ghar El H'mam, a livré du matériel lithique de l'épipaléolithique correspondant à l'ibéromaurusien. La fouille était sous l'égide du CNRPH dirigée par Sam Youcef et à laquelle j'avais moi-même pris part. Ainsi, des ossements d'animaux disparus exhumés mais dont certains vivent en savane d'Afrique ». S'agissant de l'époque médiévale, Brahim Chennoufi a précisé que «l'habitat vernaculaire est assez particulier et se distingue par le génie local en matière d'adaptation des matériaux et de la distribution de l'espace. Les maisons en moellons et en terre sont toutes munies d'un kherbiche, une grotte en sous-sol, pour stocker les grains et qui servent aussi d'étable. Les mosquées aussi en sont dotées et sont réservées à l'apprentissage du Coran ». Brahim Chennoufi a ajouté que « les romains ont pénétré la région sans trop la soumettre. Puisque on retrouve sur le mont situé entre Tafessra et Tleta des vestiges notamment une tour de contrôle. Les romains cherchaient l'eau et pour ce faire ils réalisèrent le barrage au niveau de Sidi Madjahed sur la Tafna à l'endroit d'un éperon. Pour ce qui est de l'outillage et armatures lithiques préhistoriques datant de 14.000 ans avant la renaissance découverts dans la grotte fouillée, ce sont en gros des lamelles et des grattoirs entre autres et sur les couches supérieures de la poterie néolithique ». Il faut rendre dans ce cadre un grand hommage à l'anthropologue Brahim Chennoufi, qui a grandement contribué au renforcement de l'intérêt porté à l'exploration des sites préhistoriques et aux monuments culturels de la wilaya et par ricochet les découvertes importantes qui sont venues enrichir les inventaires des musées au plan national et international. Il faut aussi souligner que l'association culturelle «Essanoucia» de protection du patrimoine de Beni-Snous (présidée par Abdelhamid Bourek) œuvre à enrichir, protéger et à mettre en valeur le riche patrimoine préhistorique de Beni-Snous où beaucoup de travail attend les chercheurs et anthropologues. Cette association multiplie ses actions au profit des différentes franges de la société pour leur faire découvrir cette région qui recèle d'impressionnantes falaises et flancs de montagnes aux tons ocre, suspendus au-dessus d'oueds tortueux et de vergers qui s'étagent en cascades verdoyantes ainsi que les incontournables et les lieux les plus insolites du village de Tafessra.