Plus de 500 personnes ont péri dans des accidents de la circulation, durant la période allant du 1er mai au 30 juillet 2023, a indiqué, dans un communiqué, la Direction générale de la protection civile (DGPC). Et le carnage continue dans une totale indifférence ! En sa qualité de premier responsable du secteur, le ministre de l'Intérieur, des Collectivités locales et de l'Aménagement du territoire, Brahim Merad, a signalé, lors de son passage devant le Conseil de la nation, 30.977 accidents de la route en 2022 ayant fait 3.409 morts et plus de 30.977 blessés les imputant au « facteur humain à l'origine de 96,96% des accidents corporels, suivi par l'implication des chauffeurs des transports en commun qui a également vu une hausse, alors que l'implication des conducteurs de motocycles a connu une baisse, selon lui ». S'agissant des mesures prises pouvant limiter les dégâts humains et matériaux, le premier responsable du secteur a mis l'accent « sur le renforcement du cadre législatif et l'intensification du champ d'inspection et de surveillance, tout comme le contrôle technique des véhicules et du trafic routier ». Ce ne sont plus des accidents, mais un véritable terrorisme routier. En Algérie, on a plus de chance de mourir dans un accident de la route que du coronavirus ou tout autre virus. Des chiffres effarants qui témoignent de l'ampleur du drame répété et quotidien qui se déroule sur nos routes. Cet autre visage de l'incivisme a valu à l'Algérie d'être classée quatrième dans le classement établi par la Banque mondiale qui concerne le taux de mortalité pour 100.000 habitants à cause des accidents de la route. Ces statistiques concernent toutefois l'année 2019. Ce bilan annuel qui affiche des milliers de morts, sans compter le nombre effarant de blessés, ne semble pas atteindre la conscience des législateurs et autres responsables de la réglementation routière. Les mesures prévoyant par exemple l'obligation de la présence de deux conducteurs dans chaque bus, pour se relayer dans les grands trajets, comme également l'équipement des poids lourds d'un chronotachygraphe, communément appelé « mouchard » tardent à être mises en œuvre. Les pouvoirs publics, au lieu de briser cette spirale infernale des accidents de la route, se perdent en conjectures et placent le débat sur l'opportunité du permis de conduire à points. Pire, note un éditorialiste, on réfléchit sur la nécessité d'augmenter les tarifs de contrôle technique et de certaines vignettes, plaçant ainsi l'esprit mercantile avant la sécurité des usagers de la route. Certes, une nouvelle structure a été créée à l'initiative du gouvernement. C'est la Délégation nationale de prévention et de sécurité routière qui est missionnée pour explorer et faire faire introduire les solutions les plus appropriées pour mener une lutte continue et plus efficace contre la multiplication effarante des accidents de la route. En attendant, les statistiques sont mauvaises et la structure mise en place n'apporte rien de vraiment nouveau pour résorber le trop-plein des accidents routiers. Il y a les adeptes de la répression à outrance sur le bord des routes et ceux qui préconisent la sensibilisation. Il y a quelques années, le ministre de la Communication d'alors avait donné le coup d'envoi d'une grande campagne de sensibilisation contre la violence routière qui a été lancée à travers les ondes de la Radio nationale et les 48 autres stations régionales. La décision de lancer cette campagne, avait-il dit, vient répondre à l'impératif « de freiner l'hécatombe » qui s'abat sur nos routes, conférant aux chiffres sur les accidents routiers dans notre pays, de tristes records et portant aux finances publiques un préjudice incommensurable. Loin d'être, toutefois, un problème algérien, les accidents de la route sont un véritable fléau planétaire. D'après l'OMS, ce sont près de 1,4 million de personnes qui trouvent la mort tous les ans sur les routes. L'insécurité routière est même devenue la 8e cause de mortalité dans le monde. Elle est, surtout, la première cause de décès des jeunes de 15 à 21 ans et 1 enfant serait tué toutes les trois minutes. Les Nations unies ne sont pas restées sourdes face à ce macabre constat et ont lancé dès 2011 « une décennie d'actions pour la sécurité routière », avec l'objectif de préserver la vie de 5 millions de personnes sur les routes du monde entier. En Algérie, Hamid Grine en son temps, puisque c'est lui dont il s'agit, s'était courageusement saisi du problème, contrairement au ministre des Transports, étrangement absent du débat. Il n'avait pas, toutefois, fait référence aux objectifs tracés par les Nations unies, mais peu importe, dès lors où l'intérêt est le même, à savoir préserver la vie humaine ! 1. S'était-il juste contenté de faire jouer aux journalistes un rôle de commentateurs pour répéter, inlassablement, comme tous les spécialistes de la question, que l'augmentation des accidents est due à l'état des routes, à la défaillance des véhicules et à l'imprudence des conducteurs ? 2. Ou s'apprêtait-il alors à mettre en œuvre un plan d'action qu'il avait au préalable soumis au gouvernement ? 3. Avec le risque d'empiéter dans le domaine de compétence de ses autres collègues ministres, sachant que la sécurité et la prévention routières ne peuvent trouver leur solution en dehors de la concertation et l'inter-sectorialité qui les caractérisent ? Autant de questions restées sans réponses ! Le renforcement de la prévention routière s'avère être une mission compliquée, puisqu'une telle politique implique la participation de différentes institutions sans compter les forces de police et de gendarmerie nationales, et également la société civile. Les spots publicitaires ont inondé l'antenne pour appeler à la prudence et au respect du code de la route; ce qui a conféré à l'opération, selon certains Algériens sceptiques, un sentiment de déjà-vu et de déjà entendu ! Encore une campagne dont il n'est resté que quelques messages qui auront tourné en boucle dans la routine de notre quotidien. A ce propos justement, une enquête a été menée en 1988 en France, sur les 15 années de campagnes précédentes de prévention routière. Elle a démontré que dans l'esprit des personnes interrogées, ces campagnes successives renvoient plus à « l'inéluctable qu'à la prévention » et que le problème est chez les autres ! Un spécialiste des politiques publiques de sécurité a même écrit que le succès d'un slogan tel que « Boire ou conduire, il faut choisir » ne doit pas faire illusion sur son efficacité réelle pour changer les comportements. Même une personne qui a déjà subi un contrôle d'alcoolémie positif, aura, souvent, tendance à considérer qu'elle « maîtrise sa résistance à l'alcool, qu'elle est un bon conducteur et que ces campagnes s'adressent aux autres ». Les années suivantes, les campagnes ont été retravaillées sous un angle différent pour impliquer davantage les usagers de la route. Les phrases-clés deviennent ainsi «Faisons la route ensemble», «Ensemble, on est sur la même route» et «Savoir conduire, c'est savoir vivre». L'année d'après, la campagne se disait avec des images choc, qui montrent frontalement les conséquences d'une conduite sous emprise de l'alcool. Les responsables ont, par la suite, préféré alterner et jouer de tous les registres, y compris l'humour, estimant comme dans d'autres pays où le taux de mémorisation de l'humour est bien supérieur à celui de la violence. Chez nous, la mort est présente sur nos routes à chaque virage. On perd la vie par fatalité. Par imprudence surtout ! Donc, chaque année, des personnes meurent sur les routes et des milliers d'autres sont blessées à divers degrés. Avec des handicaps lourds. Le Trésor public enregistre chaque exercice une perte sèche de 100 milliards de dinars. Constat terrible ! Les autorités donnent l'impression d'avoir intégré cette situation même si elles réaffirment, chaque année, leur volonté d'éradiquer le phénomène. La réalité des chiffres reste implacable. Les automobilistes sont livrés à eux-mêmes. La route, c'est une jungle goudronnée où certains chauffards se permettent des pointes de vitesse à plus de 200 km/heure ! L'heure n'est plus au constat et certains doutent encore de l'efficacité des campagnes de sensibilisation qui se répètent sans infléchir pour autant la courbe des victimes. Certains experts estiment que « le rôle des médias est nécessaire et la radio a tous les attributs de proximité et de rapidité pour être l'acteur de cette campagne qui aura l'avantage et le mérite d'accompagner les conducteurs algériens sur les routes et les autoroutes, en diffusant au quotidien des messages de sagesse, de retenue, de respect du code de la route et surtout de la vie humaine». Ils affirment toutefois que «si le rôle des médias est nécessaire, il y va s'en dire qu'à elle toute seule, la communication n'arrêtera pas, à coup de spots publicitaires, les accidents de la route». S'agissant de la « Délégation nationale de prévention et de sécurité routière », il faut dire qu'il ne s'agit pas d'une trouvaille algérienne dès lors où la délégation proposée s'inspire de ce qui existe déjà par ailleurs, en France, et qui est dénommée : « Délégation à la prévention et la sécurité routières », à la différence que cette instance donne la priorité au volet répressif de la sécurité routière, car le ministère de l'Intérieur français est l'un des acteurs historiques majeurs de la sécurité routière et les récentes réformes administratives ont renforcé ses responsabilités en la matière : avec le rattachement de la Gendarmerie nationale au ministère de l'Intérieur, il a autorité directe sur les deux forces chargées de faire respecter les règles de la sécurité routière : police et gendarmerie. Ce rapprochement lui permet de renforcer la cohérence de la lutte contre l'insécurité routière qu'il mène sur le terrain. En comparaison, comme chacun le sait, si la police nationale relève de l'autorité du ministre de l'Intérieur et des Collectivités locales, la gendarmerie ou « Darak El Watani » comme elle est appelée officiellement, relève de la tutelle du ministère de la Défense nationale. En Algérie, l'on retient tout de même la bonne volonté des autorités qui semblent, cette fois-ci, avoir intégré cette question de la violence routière, question cruciale au demeurant, qui a amené de par le monde, des hommes d'Etat à s'en saisir dès leur investiture. Jacques Chirac, par exemple, qui, peu après sa réélection en 2002, a inscrit dans son programme « la sécurité routière » comme l'un des trois chantiers prioritaires de son nouveau quinquennat avec deux autres thèmes plus consensuels : « la lutte contre le cancer » et « l'insertion des handicapés » ! Et son Premier ministre d'alors, Jean Pierre Raffarin, avait affirmé, pour sa part, « qu'on ne peut plus parler de l'insécurité routière avec des mots qui montent, mais avec les vrais mots, les mots de violence, de délinquance, les mots, quelquefois, d'assassinats » ! De ce qui précède, on ne doit plus, désormais, se contenter d'une campagne ponctuelle et se dire qu'on a fait le boulot ! L'action de sensibilisation aux dangers de la route doit se prolonger dans le temps : 1. Pour devenir, par exemple, un « thème d'action et de communication privilégié » pour les walis et les maires ! 2. Elle doit aussi donner naissance à un « continuum éducatif» qui doit être mis en place et enseigné à l'école primaire en passant par le collège et le lycée ! Tout ceci pour dire que tout le monde est concerné par la violence routière. Y compris les animaux ! En effet, en Grande-Bretagne, le gouvernement britannique a lancé une campagne de prévention routière insolite, mettant en scène des animaux de la ferme. Pour réaliser cette campagne originale, l'agence de pub AMV BBDO a collaboré avec des éleveurs locaux : Des messages comme : « slow down » ont été peints, en rouge, sur les toisons des moutons afin d'attirer l'attention des conducteurs. D'autres messages ont été inscrits sur des convois agricoles, des vaches ou encore des chevaux. Le ministre en charge de la Sécurité routière, Andrew Jones, a déclaré : « On ne sait pas encore si cette campagne permettra de réduire le nombre d'accidents sur nos routes, mais avec plus de 100.000 vues sur Youtube, notre initiative a rencontré un franc succès chez les internautes ! ». L'insécurité routière, une préoccupation majeure du Président Lors d'une réunion du Conseil des ministres en 2022, il avait souligné que les accidents de la route exigeaient «une solution coercitive» compte tenu des proportions qu'a prises ce phénomène «récemment», préconisant l'application «des peines les plus lourdes pour les cas de non-respect avéré du code de la route, une infraction qualifiée de crime, ainsi que le contrôle technique des véhicules de transport chaque trois mois». Le Président avait, par la même occasion, mis l'accent sur «le renforcement du contrôle sur les sociétés de transport par bus, à travers l'impérative rotation des conducteurs pour les longs trajets et le retrait du registre du commerce aux sociétés contrevenantes, outre l'application des peines les plus lourdes à l'encontre des parties impliquées dans la délivrance de permis de conduire aux candidats non qualifiés». Des recommandations à même de nous faire quitter le podium, aussi infâme que dramatique, des «champions du monde des accidents de la route » !