Le ministre de la communication vient de donner le coup d'envoi d'une grande campagne de sensibilisation contre la violence routière qui sera lancée à travers les ondes de la radio nationale et les 48 autres stations régionales. La décision de lancer cette campagne, a dit Hamid Grine, vient répondre à l'impératif « de freiner l'hécatombe » qui s'abat sur nos routes, conférant aux chiffres sur les accidents routiers dans notre pays, de tristes records et portant aux finances publiques, un préjudice incommensurable. Il est vrai que le mal est profond et l'année 2016 s'annonce, déjà comme une année noire ! Un triste constat que l'année écoulée a largement renforcé en accusant des taux de mortalité record : plus de 4000 morts ! Loin d'être un problème algérien, les accidents de la route sont un véritable fléau planétaire. D'après l'OMS, ce sont près de 1,4 million de personnes qui trouvent la mort tous les ans sur les routes. L'insécurité routière est même devenue la 8ème cause de mortalité dans le monde. Elle est, surtout, la première cause de décès des jeunes de 15 à 21 ans et 1 enfant serait tué toutes les trois minutes. Les Nations-Unies ne sont pas restées sourdes face à ce macabre constat et ont lancé dès 2011 « une décennie d'actions pour la sécurité routière », avec l'objectif de préserver la vie de 5 millions de personnes sur les routes du monde entier, d'ici 2020. En Algérie, Hamid Grine, s'est, courageusement, saisi du problème, contrairement au ministre des transports, étrangement absent du débat. Il n'a pas, toutefois, fait référence aux objectifs tracés par les Nations-Unies, mais peu importe, dès lors ou l'intérêt est le même, à savoir préserver la vie humaine ! Va-t-il, pour autant, se contenter de faire jouer aux journalistes un rôle de commentateurs pour répéter, inlassablement, comme tous les spécialistes de la question, que l'augmentation des accidents est due à l'état des routes, à la défaillance des véhicules et à l'imprudence des conducteurs ? Où s'apprête-il alors, à mettre en œuvre un plan d'action qu'il aura, au préalable, soumis au gouvernement ? Sans empiéter pour autant dans le domaine de compétence de ses autres collègues ministres, sachant que la sécurité et la prévention routières ne peuvent trouver leur solution en dehors de la concertation et l'inter-sectorialité qui les caractérisent ? Il faut aussi le rappeler : le renforcement de la prévention routière, s'avère être une mission compliquée, puisque une telle politique implique la participation de différentes institutions sans compter les forces de police et de gendarmerie nationales, et également la société civile à travers quelques actions comme celle belle initiative lancée par Samir Khemici, représentant de l'association « Stop Agressivité Routière » qui a décidé d'entamer un périple de 2200 kms d'Alger à Béchar en 6 jours, au guidon d'un scooter 125 cm3 sans dépasser la vitesse de 70kms/heure : son objectif consiste à frapper les esprits des gens, réaliser un constat et aussi recueillir des témoignages utiles pour faire avancer la réflexion concernant la lutte contre la violence routière. Pour l'heure, Hamid Grine, agissant dans son périmètre d'intervention, a donné le top-départ, à partir de la wilaya d'Ain Defla, de la campagne de sensibilisation sur les risques liés à l'insécurité routière. Un directeur d'une station de radio destinée aux jeunes est intervenu sur les ondes au même moment pour dire que des spots vont inonder l'antenne pour appeler à la prudence et au respect du code de la route. Ce qui confère à l'action selon certains Algériens sceptiques, un sentiment de déjà vu et de déjà entendu ! Encore une campagne dont il ne restera que quelques spots qui auront tournés en boucle dans la routine de notre quotidien. A ce propos justement, une enquête a été menée en 1988 en France, sur les 15 années de campagnes précédentes de prévention routière. Elle a démontré que dans l'esprit des personnes interrogées, ces campagnes successives renvoient plus à « l'inéluctable qu'à la prévention » et que le problème est chez les autres ! Un spécialiste des politiques publiques de sécurité a même écrit, que le succès d'un slogan tel que « Boire ou conduire, il faut choisir » ne doit pas faire illusion sur son efficacité réelle pour changer les comportements. Même une personne qui a déjà subi un contrôle d'alcoolémie positif, aura, souvent, tendance à considérer qu'elle « elle maitrise sa résistance à l'école, qu'elle est un bon conducteur et que ces campagnes s'adressent aux autres ». Les années suivantes, les campagnes ont été retravaillées sous un angle différent pour impliquer davantage les usagers de la route. Les phrases-clés deviennent ainsi «Faisons la route ensemble», «Ensemble, on est sur la même route» et «Savoir conduire, c'est savoir vivre». L'année d'après, la campagne se disait avec des images choc, qui montrent frontalement les conséquences d'une conduite sous emprise de l'alcool. Les responsables ont, par la suite, préféré alterner et jouer de tous les registres, y compris l'humour, estimant comme dans d'autres pays où le taux de mémorisation de l'humour est bien supérieur à celui de la violence. Chez nous, la mort est présente sur nos routes à chaque virage. On perd la vie par fatalité. Par imprudence surtout. Le pays a un ennemi : le terrorisme routier ! Chaque année près de 4000 personnes meurent sur les routes et 60 000 autres sont blessées à diverses degrés. Avec des handicaps lourds. Le trésor public enregistre chaque année une perte sèche de 100 milliards de dinars. Constat terrible ! Les autorités donnent l'impression d'avoir intégré cette situation même si elles réaffirment, chaque année, leur volonté d'éradiquer le phénomène. La réalité des chiffres reste implacable. Les automobilistes sont livrés à eux-mêmes. La route, c'est une jungle goudronnée où certains chauffards se permettent des pointes de vitesse à plus de 200kms/heure ! L'heure n'est plus au constat et certains doutent encore de l'efficacité des campagnes de sensibilisation qui se répètent sans infléchir pour autant la courbe des victimes. A cette question, Hamid Grine, estime que « le rôle des médias est nécessaire et la radio a tous les attributs de proximité et de rapidité pour être l'acteur de cette campagne qui aura l'avantage et le mérite d'accompagner les conducteur algériens sur les routes et les autoroutes, en diffusant au quotidien, durant toute l'année 2016, des messages de sagesse, de retenue, de respect du code de la route et surtout de la vie humaine ». Le ministre de la communication semble avoir tiré son épingle du jeu, en affirmant que «si le rôle des médias est nécessaire, il y va s'en dire qu'à elle toute seule, la communication n'arrêtera pas, à coup de spots publicitaires, les accidents de la route». C'est à ce moment précis qu'on a évoqué la mise en place d'une « Délégation Nationale pour la Sécurité Routière » ; elle sera placée sous l'autorité du premier ministre et le suivi de ses missions sera confié au ministère de l'intérieur et des collectivités locales, a affirmé à partir de Tamanrasset où il était en visite, Noureddine Bedoui. Et aux observateurs de se poser la question de savoir « si l'on est en face d'un simple effet d'annonce ou s'il s'agit d'une réelle volonté du gouvernement d'en finir avec la violence routière ? ». S'agissant de l'organisme proposé par Noureddine Bedoui, il faut dire qu'il ne s'agit pas d'une trouvaille algérienne dès lors où la délégation proposée s'inspire de ce qui existe déjà par ailleurs, en France, et qui est dénommée : « Délégation à la Prévention et la Sécurité Routières » ; cette instance est rattachée au ministère de l'intérieur donnant ainsi la priorité au volet répressif de la sécurité routière, car ledit ministère est l'un des acteurs historiques majeurs de la sécurité routière et les récentes réformes administratives ont renforcé ses responsabilités en la matière. Avec le rattachement de la gendarmerie nationale au ministère de l'intérieur, il a autorité directe sur les deux forces chargées de faire respecter les règles de la sécurité routière : police et gendarmerie. Ce rapprochement lui permet de renforcer la cohérence de la lutte contre l'insécurité routière qu'il mène sur le terrain. En comparaison, comme chacun le sait, si la police nationale relève de l'autorité du ministre de l'intérieur et des collectivités locales, la gendarmerie ou « Darak El Watani » comme elle est appelée officiellement, relève de la tutelle du ministère de la défense nationale. Toute la différence est là ! A moins de mettre en place un ministère chargé de la sécurité publique comme il se murmure dans quelques salons de la Capitale, ce qui permettra au ministre ainsi désigné de « coiffer » l'ensemble des forces intervenant sur les routes. On n'en est pas là pour l'instant ! Décider aussi de mettre en place une Délégation Nationale pour la Sécurité Routière tout en ayant sous la main un « Centre National de la Prévention et de la Sécurité Routières » mais également un « Observatoire National Interministériel de Sécurité Routière », fait quelque part désordre ! En Algérie, l'on retient tout de même la bonne volonté des autorités qui semblent, cette fois-ci, avoir intégré cette question de la violence routière, question cruciale au demeurant, qui a amené de par le monde, des hommes d'Etat à s'en saisir dès leur investiture. Jacques Chirac, par exemple, qui, peu après sa réélection en 2002, a inscrit dans son programme « la sécurité routière » comme l'un des trois chantiers prioritaires de son nouveau quinquennat avec deux autres thèmes plus consensuels : « la lutte contre le cancer » et « l'insertion des handicapés » ! Et son premier ministre d'alors, Jean Pierre Raffarin, avait affirmé, pour sa part, « qu'on ne peut plus parler de l'insécurité routière avec des mots qui montent, mais avec les vrais mots, les mots de violence, de délinquance, les mots, quelquefois, d'assassinats » ! De ce qui précède, on ne doit plus, désormais, se contenter d'une campagne ponctuelle et se dire qu'on a fait le boulot ! L'action de sensibilisation aux dangers de la route qui est entreprise, aujourd'hui, à partir d'Ain Defla à l'initiative du ministre de la communication, doit se prolonger dans le temps. Pour devenir, par exemple, un « thème d'action et de communication privilégié » pour les walis ! Elle doit aussi donner naissance à un « continuum éducatif » qui doit être mis en place et enseigné à l'école primaire en passant par le collège et le lycée ! Tout ceci pour dire que tout le monde est concerné par la violence routière. Y compris les animaux ! En effet, en Grande Bretagne, le gouvernement britannique a lancé une campagne de prévention routière insolite, mettant en scène des animaux de la ferme. Pour réaliser cette campagne originale, l'agence de pub AMV BBDO a collaboré avec des éleveurs locaux. Des messages comme : « slow down » ont été peints, en rouge, sur les toisons des moutons afin d'attirer l'attention des conducteurs. D'autres messages ont été inscrits sur des convois agricoles, des vaches ou encore des chevaux. Le ministre en charge de la sécurité routière, Andrew Jones, a déclaré : « on ne sait pas encore si cette campagne permettra de réduire le nombre d'accidents sur nos routes, mais avec plus de 100 000 vues sur You tube, notre initiative a rencontré un franc succès chez les internautes ! ».