La France doit indemniser les victimes algériennes des mines antipersonnel. C'est là une revendication proclamée solennellement et de manière unanime par les participants à la 10e édition du Forum de la mémoire qui s'est déroulée sous les auspices de l'association Machaâl Chahid dans la wilaya de Naâma. Crimes coloniaux : cas des mines antipersonnel», voici le thème qui a été choisi pour ce rendez-vous qui a drainé de nombreux participants dont on peut citer des représentants de l'ANP notamment le colonel Hocine Ghorabi, chargé du suivi de la Convention d'Ottawa au sein du ministère de la Défense (MDN), Abdelmadjid Chikhi, directeur général des Archives nationales, le wali de Naâma Hamidi Mohamed, des enseignants universitaires et beaucoup d'invalides de la guerre de la libération nationale. Tour à tour, tous ces intervenants ont condamné fermement le recours par l'armée coloniale à la dissémination d'une quantité énorme de mines antipersonnel, à la fois sur le territoire et de manière plus dense (une à quatre mines par mètre carré), le long des frontières avec le Maroc et la Tunisie. «Des espaces considérables du pays ont été ainsi plongés dans un climat délétère où les habitants allaient devoir composer, quotidiennement et durant des années après, avec ces engins de la mort et de la mutilation» a déclaré d'entrée le colonel Ghorabi au cours de sa communication.En langage de chiffres, cet officier supérieur de l'ANP a fait part d'une quantité de 11 millions de mines antipersonnel qui ont été désaminés par l'armée française dès 1956 jusqu'à l'indépendance. Au lendemain de la libération de l'Algérie du joug colonial, les conséquences engendrées par ces mines antipersonnel constituent un véritable désastre ne trouvant son explication que dans la rubrique des crimes contre l'humanité. En effet, les victimes algériennes qui ont rendu l'âme sinon restées mutilées à vie du fait de l'explosion de ces engins de guerre s'élève à plus de 3236 individus civils, selon les statistiques fournies par le colonel Ghorabi. Pendant la guerre de libération, ces mines ont provoqué la mort de 4000 Algériens dont la quasi-majorité se comptait parmi les combattants de la glorieuse ALN. Plus de 50 000 ha minés L'opération de nettoyage des terrains algériens des mines posées par l'armée coloniale, souvent à même le sol, a été la priorité que s'est fait sienne l'institution de l'ANP au lendemain de l'indépendance à ce jour. «Dans une première phase de déminage menée de 1963 à 1988, l'ANP a pu enlever et détruire près de 8 millions de mines et nettoyer plus de 50 000 ha de terrains pour les rendre à leur vocation initiale», ajoute le même intervenant relevant du ministère de la Défense nationale. Cette surface de territoire algérien a été confirmée par l'enseignant universitaire Zeghidi, autre intervenant lors de ce 10e Forum de la mémoire. Lors de sa communication, il mettra l'accent sur le fait que l'emplacement des mines antipersonnel décidé par André Morice, ministre de la Défense française de l'époque, avait notamment pour objectif de rendre impossible toute tentative de soutien au profit de l'ALN à partir de l'extérieur, plus particulièrement du Maroc et de la Tunisie. En cette même époque, l'achat des mines antipersonnel par l'ancienne force d'occupation revenait au prix de 3 dollars l'unité, tandis que le prix de destruction de ce même engin explosif aux conséquences mortelles se situe présentement entre 300 et 1000 dollars, explique l'enseignant Zeghida. Ce dernier n'omettra pas de responsabiliser le gouvernement français, à commencer par le président René Coty qui était aux commandes de ce pays durant la période de la colonisation de l'Algérie, de même que l'élite française et les mass média hexagonaux de l'époque qui se sont distingués par leur mutisme face à l'emplacement exagéré des mines antipersonnel sur le territoire algérien. En ce temps-là, la fabrication des mines constituait, selon Abdelmadjid Chikhi DG des Archives nationales, un marché juteux dont tirait profit le ministre de la Défense André Morice cité plus haut, étant donné que selon le même intervenant les manufactures dont disposait ce haut responsables français «excellaient» dans la sous-traitance dans les opérations d'acquisition des mines antipersonnel expédiées vers l'Algérie. CONVENTION D'OTTAWA ET ADHESION ACTIVE DE L'ALGERIE L'Algérie a ratifié en décembre 2001 la convention d'Ottawa portant sur l'interdiction de l'emploi, du stockage, de la production et du transfert des mines antipersonnel et leur destruction. Depuis l'entrée en vigueur de cette convention, l'Algérie s'est attelée, selon le colonel Ghourabi, «à remplir ses obligations qui lui incombaient et en toute transparence». C'est dans ce sillage d'ailleurs que le processus de déminage systématique a été de nouveau relancé à partir de novembre 2004, processus dont la mise en action a également rendu possible le lancement d'une série de campagnes de sensibilisation engagées dans les wilayas les plus affectées par ce fléau, à l'exemple de celle de Naâma qui vient d'abriter la 10e édition du Forum de la mémoire. Il le sera peut-être une fois que l'Etat français acceptera enfin de répondre favorablement à cette revendication somme toute légitime se rapportant à l'indemnisation des victimes algériennes tel que notifié dans le bilan final sanctionnant les travaux de ce forum qui eut ce mérite de faire la lumière une fois de plus sur les exactions commises par la France coloniale dans notre pays.