Chaâbane le juilletiste mourant plie bagages. Ramdhane se prépare à aoûter de jeûne en chassant les estivants qui veulent bien l'observer chez eux. Et en accueillant les vieux cousins tourangeaux, perpignanais, et limougeauds d'ici là-bas chez nous. Les jeunes préfèrent jeûner là-bas, plutôt que loin de chez eux, et en prenant la mer.La vie est courte et les mois sont longs. Un portrait de Bouteflika au nord, un puits de la bénédiction au sud, un bidon d'huile à l'est, et un kilo de sucre à l'ouest, voilà les points cardinaux qui font le monde du pauvre Ramdhane, parfois smicard, souvent sans emploi, et quelquefois pensionnaire du filet social. Cela fait onze mois qu'il n'a pas mangé. Il attendait que la généreuse Kheira-l'Etat se ressouvienne de lui et de son couffin dont il vivra un mois durant. Cette année, ça a été décidé, Ramdhane recevra son couffin chez lui, et bien avant que les voyeurs de son croissant ne se réunissent. Encore une fois, le couffin de Ramdhane ne sera pas le chèque promis de Djamel Ould Abbès.C'est inscrit dans ses annales. Ramdhane sait ce qu'aucun maire Kaddour-la-misère n'ignore. S'il provient de la DAS, son couffin pèse deux APC. C'est la loi de l'appât électoral : diviser le couffin en autant de voix possibles, et au profit de la couleur de l'élu donneur, maitre-chanteur. S'il n'est pas avarié pour soulager le fournisseur-sociétaire de ses denrées normalement destinées à la décharge, son couffin risque le détournement en dinars liquides, ou en nature au profit des fellahs sans scrupule, des Mazda et des 4x4, qui osent manger le pauvre Ramdhane, et son couffin avec. Ramdhane risque aussi l'omission volontaire, égaré en dehors des listes orales des élus et leurs quotas de nécessiteux, vrais, faux, voire fictifs, à défendre. S'il n'a pas décroché un couffin, Ramdhane a droit à sa hrira quand même. La hrira de Mamiya Hriradjia, la bénévole qui sue et se tue pour les pauvres, le subside, les youyous, les applaudissements et le folklore à la demande des autorités, ou lors des cérémonies officielles, sera servie en ville, option tout venant, et à Sablettes, option baigneurs en déplacement, pauvres, et nécessiteux. Mamiya Hriradjia, tout comme Djam-ïya Ragassa, qui organise les défilés de mode pour sensibiliser contre la toxicomanie, elles seront toutes là en vue de la mise en évidence devant la presse et les autorités, avec la charité de leur maman Kheira-l'Etat. Eh oui ! Le couffin de Ramadan nourrit plus de catégories de ‘'pauvres'' malheureux que de denrées contenues. Il y a d'abord Ramdhane auquel il est normalement destiné, mais qui ne le reçoit pas forcément. Il y a également tout le peuple d'employés communaux, élus, retraités ou fonctionnaires en vigueur, et pourquoi pas décédés. N'oubliez pas le maire Kaddour-la-misère, ses adjoints et tous les membres de son cercle, qui ont entamé les élections de l'année prochaine. Les fournisseurs qui n'ont pas besoin de voix, mais qui doivent se comprendre s'ils veulent bien se débarrasser de leurs denrées avariées, moyennant grosses factures de la solidarité. Le couffin de Ramdhane c'est aussi l'aubaine de Mohsine dans sa quête d'un fauteuil de 30 briques en levant la main. Envoyer les papas-moudirs à la Mecque, et acheter un peuple pauvre ou appauvri avec une flute et un sachet de lait, c'est du sers-le de la barbe du peuple, et on ne saurait trouver meilleur marché.