Les héros sont souvent des gens simples. Ni mythes ni légendes. Avant tout, des hommes et des femmes. Zighoud Youcef, Larbi Benmhidi, Benboulaid , Benyahia Belkacem,Amirouche,Didouche ,Hassiba Benbouali, et plusieurs d'autres sont des principaux dirigeants de la guerre d'indépendance Son nom restera à jamais lié au 20 août 1955, une date que la plupart des historiens, épris de libre histoire, considèrent qu'elle a marqué le véritable début de la guerre de libération et le jour où la France a perdu virtuellement l'Algérie. Pourtant, sur le tournant historique que fut le 20 août 1955 et sur le chef de la future Wilaya II (Nord-Constantinois), peu d'études spécifiques. Sauf, côté algérien, panégyriques et «ennoiement» dans le sacré intangible. Et, souvent, du point de vue français, déni, occultation, approximations, mensonges ou fantasmes, généralement le fait d'activistes de la mémoire pied-noire et des partisans de l'Algérie française. Le personnage et l'itinéraire militant de Zighoud Youcef, dont le nom veut dire «yeux verts émeraude à reflets irisés», sont peu connus. Coresponsables de l'opération politique et militaire de grande envergure que fut le 20 août 1955, ses proches compagnons de l'ancienne «zone Smendou», devenue ensuite Wilaya II, les ont peu ou prou éclairés. A l'exception du colonel Salah Boubnider (Sawt el Arab, alors chef de la Nahia d'El Khroub), qui en a témoigné dans un entretien au journal El Watan du 17 juin 2004, Lakhdar Bentobal, son adjoint, Ammar Benaouda (Nahia Annaba), Mahdjoub El Aïfa (Nahia Aïn Abid), Rabah Beloucif, dit Si Rabah El Oumma (Nahia Oued Zenati), Boudjeriou Messaoud (Constantine-ville), Abdelmadjid Kahlerras (Nahia Smendou), Ali Kafi (Nahia Sidi Dris), Zighed Smaïn, surnommé l'Allemand, et Tallaa Amor (Nahia Skikda), Zadi Cherif et Bakhouche Abdesselam (Nahia Guelma), Chettaïbi Ammar (Nahia Collo) et Derradji Larbi, dit «Sten» (Nahia El Harrouch), n'ont pas laissé de témoignages. Ceux qui sont encore vivants ne se sont guère montrés plus loquaces. Chef d'orchestre sec, ancien forgeron du Condé Smendou», est un homme simple qui succède à Didouche Mourad, chef historique du FLN-ALN, tombé au champ d'honneur à Oued Boukerker, au cours de l'attaque d'un poste militaire dans la localité de Smendou. A 27 ans, Zighoud Youcef devient alors le commandant de la zone II qui recoupera plus tard le Nord-Constantinois. Rien donc ou presque sur la vie de ce grand militant de la cause nationale, né le 18 février 1921, à Condé Smendou, à mi-chemin entre Constantine et El Harrouch. Issu d'une famille modeste, à l'image de centaines de milliers d'Algériens de l'époque, et à l'image de la plupart de leurs enfants, il fréquente l'école coranique avant de s'engager dans les SMA (Scouts musulmans algériens). Orphelin de père, il déserte vite l'école communale avec le niveau du certificat d'études primaires. On ignore à ce jour si l'élève Zighoud a décroché ou non son CEP. L'école du scoutisme musulman le mènera après à militer dans les rangs du PPA-MTLD dont il sera un élu, en 1947, aux élections locales. Il sera alors vice-président du conseil municipal jusqu'en 1949. L'édile était aussi un militant clandestin. Un membre actif de l'OS, l'Organisation secrète dont il mettra en place les structures dans sa région. Cet activisme clandestin lui vaudra d'être arrêté, en 1950, après «l'affaire de Tébessa» qui conduira au démantèlement de l'OS. Zighoud Youcef est alors emprisonné à Annaba en compagnie notamment de Mostefa Benaouda. De cet ancien couvent transformé en prison, il s'évadera en avril 1951, en compagnie de trois autres militants du PPA-MTLD, Slimane Barkat, Ammar Benaouda et Abdelbaki Bekkouche (témoignage de Salah Boubnider). Cette évasion, Zighoud Youcef et ses trois compagnons la doivent notamment à leur résolution de militants déterminés mais aussi à l'habileté de forgeron du futur héros du 20 août 1955. Pour prendre la clé des champs, Zighoud Youcef confectionne à l'aide d'un ouvre-boîte métallique des passe-partout avec lesquels il crochète les serrures des portes des cellules. Presque un jeu d'enfant. Mais le hasard y sera aussi pour quelque chose : comme le plafond du couvent communiquait directement avec celui du tribunal qui le jouxtait, les trois hardis «pensionnaires» ne se feront donc pas prier pour aller vérifier que l'herbe était assurément bien plus verte ailleurs ! Selon son codétenu, Salah Boubnider, Zighoud Youcef, avant de se faire la belle, s'était d'abord excusé auprès des autres détenus de ne pouvoir les associer à leur audacieuse équipée. Il avait alors argué du principe de précaution militant et de la nécessité de réunir toutes les conditions de réussite nécessaires à l'évasion de trois représentants de l'élite militante du PPA-MTLD. Du bon usage de l'égoïsme révolutionnaire ! «Lorsque les gardiens vous interrogeront, mettez tout sur notre dos, de toutes les façons nous ne serons plus là», a dit Zighoud Youcef à ses autres compagnons d'incarcération. Dans un éclair de génie lucide, le futur chef de la zone II brûlera tous les dossiers du tribunal. Selon le professeur Mahfoud Bennoune, officier de la Wilaya II, ce geste audacieux permettra l'acquittement de beaucoup de militants qui seront jugés plus tard, les dossiers de l'accusation ayant été totalement détruits. A suivre