A la zaouia alaouia de Mostaganem, la veillée du 27ème jour du Ramadan est plus qu'une tradition. C'est une observance capitale. Et à la joie qui se lit sur le visage de ce vieillard au dis recourbé s'appuyant sur sa canne, siégeant au premier rang, chantonnant au rythme de son éventail les madihs entonnés sur scène, on replonge dans ce qu'était l'Algérie mystique et pieuse jusqu'à la moelle. L'Algérie spirituelle. Le porte-à-porte du docteur Saïdane Hassane, cet affable et pieux pharmacien de Mostaganem, a rapporté gros. Ils étaient plus d'un millier à répondre à l'invitation. Le Centre Méditerranéen du Développement durable – Djenatou El Arif – sis à la Vallée des Jardins à l'entrée est de Mostaganem n'a jamais été aussi illuminé que ce mercredi où l'intellect a dominé pour éveiller l'être coincé entre le matériel devenu réalité et le spirituel qui résiste tant bien que mal à la brutalité du temporel terrestre. Et dès le contact avec le sol moelleux et verdoyant des lieux féériques, l'âme s'apaise et va au rythme de ces centaines de bougies qui se consument imperceptiblement pour éclairer le chemin menant vers l'esplanade verdoyante où les gerbes des jets d'eau caressent les tympans hantés par les bruits de la vie moderne. Et là, même les enfants s'étaient assagis pour le samaâa. Et vivement Mourad Kalim Bentounes, le « roi » de ce éden qui, surement fera parler de lui. Dès 23 heures, en présence de M. Mohamed Amine Houari, le chef de cabinet de M. le wali de Mostaganem et du maire M. Boukhari, et bien sûr de M. Sidi Adda Bentounès, le maître des cérémonies pour cette nuit, vu qu'il est le président de l'Association Cheikh al-Alâwî pour l'Education et la Culture Soufie organisatrice des festivités, Cheikh Belalia Bendehiba psalmodia quelques versets du saint Coran, avant d'entonner des louanges au Créateur et des madihs du prophète Mohamed, que la paix et le salut soient sur lui. Le mounchid à la voix perçante ne peut être mieux entouré ; le chœur qui l'accompagnait chantait et ses calmes invocations d'Allah secouaient les cœurs endormis. La chorale Nour El Mostafa de la zaouia alaouia, tout de blanc vêtue, forte d'une soixantaine de choristes dont une vingtaine de dames et de jeunes filles, fractionna son répertoire en deux. D'abord de leurs voix graves et moins graves, les mâles attaquèrent dans la pure tradition du samaâ soufi des incantations qui charmèrent le public en lequel il a été aperçu en larmes plus d'un amoureux de ce genre de mélodieuses complaintes qui glorifient et magnifient le Créateur ou honorent le prophète Mohamed, que la prière et le salut soient sur lui. Puis ce fut un nachid entonné par toute la chorale où les voix graves laissaient place de temps à autre à celles aigues des femmes ou s'entremêlaient parfois dans un enchevêtrement de crescendo et de diminuendo. Et puis, comme la zaouia alaouia a conquis du terrain, ce fut la psalmodie de sourate Elmoulk, la 67ème du Saint Coran, par un groupe d'enfants venus d'Europe. Enfin, selon Yehia un adepte de la confrérie et qui servit de présentateur pour l'occasion « tout le répertoire de la troupe ne prône qu'amour, paix et fraternité. » La veillée fut clôturée en apothéose avec le maître de la chanson andalouse, le professeur Cheikh Abdelkader Bendjelloul, plus connu sous Kaki. Au moins quatre noubas furent distillées par la magique mandole du maître dont les notes accompagnaient une qacida de Cheikh Chadouli suivie de poèmes où il est fait éloge à feu Cheikh Ahmad Ben Mustafâ al-Alâwi, le fondateur de la confrérie qui porte son nom. Cinq violons sur les seize instruments sur scène ont endolori et peiné les cœurs de ceux-là dont les âmes divaguaient et sont venus chercher refuge. Satisfaite de ce retour aux sources, le public quitta les lieux charmé et comblé les lieux non sans avoir passé par l'exposition sur le livre saint à travers les âges et le stand de don de sang dressé pour l'occasion.