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La réforme impérative du système financier algérien, enjeux de pouvoir
Publié dans Réflexion le 29 - 11 - 2012

La dernière réunion entre le premier ministre et les opérateurs publics- privés a mis en relief une évidence que le système financier algérien appendice de la rente de Sonatrach a besoin d'être réformé. L'Algérie a peu de banques accompagnant les véritables investisseurs et pas de véritables bourse des valeurs, la bourse d'Alger étant en léthargie depuis 1996 : ni Sonatrach, ni Sonelgaz n'étant cotée en bourse. Plusieurs questions se posent concernant le système financier algérien, poumon du développement du pays et de la croissance future du pays. C'est un enjeu énorme de pouvoir, ce qui explique que les réformes structurelles annoncées depuis plus de 30 années soient souvent différée, les banques publiques en 2012 représentant plus de 90% du crédit octroyé. Malgré leur nombre les banques privées sont marginales. A partir de là, ne faut t-il pas parler de refondation du système financier algérien.
1.-L'analyse du système financier algérien ne peut être compris sans aborder la rente des hydrocarbures. Cependant le sujet ne touche pas seulement à l'économie des hydrocarbures, mais à l'économie en général et aux entreprises locales ou étrangères, qui avec le support du savoir constituent la vraie richesse des Nations. La crise économique mondiale actuelle ne s s'explique t- elle pas par la dominance de la sphère financière spéculative sur la sphère réelle et la distorsion entre les salaires en baisse et les rentes spéculatives en hausse supposant, avec la mondialisation et l'interdépendance accrue des économies la refonte du système économique mondial actuel? Concernant l'économie algérienne, après 50 années d'indépendance politique, elle est, en 2012, totalement rentière : 98% d'exportation d'hydrocarbures à l'état brut et semi brut et important plus de 70% des besoins des ménages et des entreprises comme j'ai eu à le démontrer dans la rubrique de Jeune Afrique. Tout est irrigué par la rente des hydrocarbures donnant ainsi des taux de croissance, de chômage et d'inflation fictifs. La richesse nationale créée puise sa source dans la relation du triptyque: stock physique (stock ressources naturelles d'hydrocarbures)-stock monétaire (transformation: richesse monétaire) - répartition (modalités et mécanismes de répartition: investissement-consommation-fonds de régulation). La société des hydrocarbures ne créait pas de richesses ou du moins très peu, elle transforme un stock physique en stock monétaire (champ de l'entreprise) ou contribue à avoir des réserves de change (193 milliards de dollars au 01septembre 2012) qui du fait de la faiblesse de capacité d'absorption sont placées à l'étranger (86%) y compris le dernier prêts de 5 milliards de dollars au FMI en octobre 2012 et les quotas portés récemment à environ 3 milliards de dollars à 193 milliards de dollars. Pour le gouverneur de la banque d'Algérie ces montants ont été placés à un taux fixe de 3% supposant un placement à moyen terme. Quel est le taux d'intérêt réel tenant compte de l'inflation mondiale de 2-3% pour déterminer le rendement de ces placements ? Bon nombre d'experts algériens se demandent alors pourquoi continuer à épuiser les réserves sachant qu'à ce rythme l'on ne dépassera pas 10/15 ans pour le pétrole et 25 ans pour le gaz conventionnel tenant compte de la forte consommation intérieure qui passera de 35 milliards de mètres cubes gazeux en 2011 à environ 70 milliards en 2016/2017 après les dernières décisions de doubler la capacité d'électricité à partir des turbines à gaz. Actuellement, face à cet épuisement inéluctable, un large débat est en cours en Algérie sur l'opportunité d'exploitation du gaz schistes dont les réserves sont estimées selon l'AIE à 6500 milliards de mètres cubes gazeux et ses effets sur l'environnement et sur rentabilité économique des gisements (voir note contribution à Jeune Afrique Paris -05 septembre 2012).


2.- La vrai richesse ne peut apparaitre que dans le cadre de la transformation du stock de monnaie en stock de capital, et là est toute la problématique du développement. En 2011 les banques publiques ont plus de 50 milliards de dollars de surliquidités dont plus de 70% provenant de la Sonatrach via la BEA qu'elles n'arrivent pas à transformer en capital productif. C'est que cette transformation n'est pas dans le champ de l'entreprise mais se déplace dans le champ institutionnel (problème de la répartition). Dans cette relation, le système financier est-il- passif ou à l'inverse actif ? Un système, par définition, n'est jamais neutre, il porte toujours en lui un ou plusieurs enjeux. . Le système financier algérien porte en lui la substance de l'enjeu du fait qu'il cadre parfaitement la politique économique développée jusqu'à présent et son corollaire les sources et les modalités de son financement; du fait que l'on a une économie de nature publique au sens ou la totalité des activités ,quelques soient leur nature, se nourrissent de flux budgétaires c'est à dire que l'essence même du financement lié à la capacité réelle ou supposée du Trésor. Cela est confirmé par l'annonce par l'agence officielle APS le 25 novembre 2012 selon lequel le Trésor public algérien a enregistré un déficit de 2.022 milliards de DA à fin septembre 2012 contre un déficit de 1.163,3 milliards DA à la même date en 2011, traduit le peu d'efficacité de la dépense publique avec les risques d'accélération du processus inflationniste et donc la détérioration du pouvoir d'achat de la majorité des Algériens. Qu'il suffise d'analyser les lois de finances de l'année et des lois de finances complémentaires et les modalités de répartition du budget de l'Etat sur la période 2000-2013 qui met en relief le déficit budgétaire comprimé artificiellement par des dérapages –pour ne pas dire dévaluation du dinar algérien par rapport à la fois au dollar et à l'euro, gonflant la fiscalité hydrocarbures , les taxes douanières et le fonds de régulation des recettes, ces rubriqués étant calculées en dinars algériens. Cette masse monétaire déversée sans contreparties productives accentuent les tensions inflationnistes qui deviennent alarmants, détérioration du pouvoir d'achat de la majorité et tensions sociales, allant vers 8/9% en glissements annuel fin 2012, taux officiel, bien que comprimé artificiellement par des subventions transitoires, le prouvent si besoin est. On peut considérer que les conduits d'irrigation, les banques commerciales et d'investissement, opèrent non plus à partir d'une épargne puisée du marché, éventuellement un reliquat du travail, mais par les avances récurrentes (tirage: réescompte) auprès de la Banque d'Algérie pour les entreprise publiques qui sont ensuite refinancées par le Trésor public en la forme d'assainissement (rachat des engagements financiers des EPE auprès de la Banque d'Algérie, plus de 50 milliards de dollars entre 1991/2013 alors que plus de 70% de ces entreprises sont revenues à la case de départ montrant que le blocage ne réside as en le capital argent . Le blocage est d'ordre systémique comme le montre le rapport Doing Business 2013 mesurant la réglementation des affaires dans 185 économies mondiales, publié le 23 octobre 2012par la Banque mondiale et la Société financière internationale (SFI) où l 'Algérie est classée 152ème perdant 2 places par rapport à 2012. Sur les 19 pays de la région MENA (Middle East-North Africa / Moyen-Orient - Afrique du Nord), l'Algérie se classe à la dernière place pour le raccordement au réseau électrique, à la dernière place pour l'enregistrement des titres de propriété et toujours à la dernière place au niveau du payement des impôts, 170ème au niveau mondial avec 72% de taxation sur les bénéfices. Pour les facilités d'y faire des affaires, l'Algérie se classe au 152ème rang des 185 pays concernés. Selon le rapport du centre de prévisions internationales IHS Global Insight du 12 novembre 2012 l'Algérie va traverser, dès 2013 une période des plus difficiles et affrontera les effets, très redoutables, de la crise économique qui a secoué le monde et particulièrement le continent européen. En effet, les quatre années à venir seront marquées par la persistance d'un fort taux d'inflation, la poursuite de la dévaluation du dinar et de faible taux de croissance. Le rapport souligne la poursuite «d'une appréciation timide» du dinar face au dollar à court et moyen terme. Le taux de change passera de 79,73 DA/dollar à la fin de l'année en cours à 82,43 DA en 2013 en raison de «la baisse attendue des flux d'investissements étrangers, à la baisse des exportations et à la faiblesse continue de l'euro». Une dépréciation à 78,95 dinars aura lieu en 2015 puis 77,58 DA/dollar en 2016 impactant le secteur hors hydrocarbures». Contrairement aux prévisions du FMI, le taux de croissance va connaître un léger recul en 2013 à 2,2% après celui enregistré en 2012 à 2,4%. Cela résultera toujours selon e rapport d e la baisse de la valeur les exportations d'hydrocarbures passant de 75,8 MDS USD en 2012à 67,5 MDS USD en 2013, à 66,6 MDS USD en 2014, à 64,4 MDS USD en 2015 pour remonter à 67,9. Il en résultera que le taux de croissance sera de 3% en 2014, puis 3,5% en 2015 et 4,1% en 2016. Ainsi, le baril devrait glisser à 93 dollars en 2013 et atteindre un plus bas niveau à 85 dollars en 2015 avant de remonter légèrement pour frôler les 90 dollars à l'horizon2020. Comment dès lors respecter les engagements du Ministre des finances où le budget repose sur une dépense publique variant entre 105 et 115 dollars, et comme le fait remarquer le dernier rapport du FMI l'Algérie dépense sans compter cette rente éphémère. Ce rapport cité est d'autant plus alarmant qu'il a été rédigé avant celui de l'AIE qui annonce un profond bouleversement géostratégique énergétique où les USA deviendrait pour le pétrole le premier exportateur au monde avant l'Arabie Saoudite pour 2020 et pour le gaz avant la Russie horizon 2025/2030, sans compter, le développement du pétrole/gaz schistes devant s'étende à l'Asie dont la Chine, réduisant les marchés pour l'Algérie, les contrats algériens à moyen terme qui indexait le prix du gaz sur celui du pétrole, expirant entre 2013/2015.Et déjà de nombreux contractants poussent l'Algérie à la révision à la baisse des prix.


3. En ce qui concerne le tissu économique algérien la dernière enquête du gouvernement algérien (2012) montre que 83% du tissu économique est constitué de petits commerce et de services et qu'existe un dépérissement du tissu productif dont l'industrie y compris Sonatrach représente moins de 5% du produit intérieur brut. Pour la majorité des entreprises privées dont plus de 80% ont une organisation familiale, elles sont peu ouvertes au management stratégique. Il en existe certes mais ce sont des exceptions. Sans vouloir les stigmatiser, une analyse rapide de leur structure du capital et de leur structure de financement montre à l'évidence qu'elles sont dans des positions d'endettement vis-à-vis du système financier, Cevital et trois à quatre grands groupes ayant des surliquidités, étant une exception. La majorité des entreprises que ce soit pour leur investissement ou leur exploitation courante, sont entièrement dépendantes de "monnaie hydrocarbure". Les entreprises algériennes d'une manière générale ne peuvent être compétitives et encore moins innovantes du simple fait qu'elles disposent de peu de savoir faire. Grâce à un faisceau de relations pour les « futées » d'entre elles, elles arrivent dans le cadre de relations de clientèles à s'insérer dans un marché captif notamment dans l'importation et le BTPH dont le programme de la dépense publique -environ 500 milliards de dollars (dont une grande partie en devises) entre 2004/2013 -est constitué d'infrastructures à 70% encore que pose la norme qualité. Une simple observation du champ le prouve aisément. Cela s'explique parle fait que la nature de la richesse, les modalités de sa formation et les mécanismes de sa répartition forment la trame du système économique algérien et ne se réfèrent pas aux lois d'une économie de marché. L'Algérie est en perpétuelle transition depuis 1986, date de la chute de 75% des recettes des hydrocarbures, n'étant ni dans une économie administrée, ni dans une véritable économie de marché concurrentielle. Et on peut montrer à travers l'histoire économique de l'Algérie, entre 1963-2012, paradoxalement, plus les recettes des hydrocarbures augmentent plus les réformes sont bloquées alors que l'aisance financière aurait permis les ajustements sociaux douloureux des réformes, et plus les recettes diminuent plus on tente des réformes de conjoncture mais non des réformes structurelles. Et parallèlement, se tisse des liens dialectiques entre la logique rentière et l'extension de la sphère informelle, ( avec des monopoleurs informels), produit des dysfonctionnements des appareils de l'Etat et de la bureaucratie qui contrôlent 40% de la masse monétaire en circulation et plus de 65% des segments des produits de première nécessité : marché des fruits et légumes, du poisson, de la viande rouge et blanche et à travers les importations le textile et le cuir. C'est un système économique construit sur un ensemble de réseaux portés par des intérêts financiers individuels à court terme, développant ensuite à moyen terme des stratégies d'enracinement bloquant les réformes pour préserver des intérêts acquis, pas forcément porteur de croissance mais pour le partage de la rente. Et come le montre les surcouts exorbitants de certains projets variant entre 10 à plus de 40%. Les erreurs de management quotidien sont couvertes grâce au transfert financier qui transite par le système financier et qui irrigue le système économique par le « siphonage des hydrocarbures.

En conclusion, la rente des hydrocarbures peut être une bénédiction bien utilisée au sein d'une politique socio-économique cohérente, évitant les instabilités juridiques perpétuelles, produit de rapports de forces contradictoires pour le partage de la rente, et ce tenant compte des nouvelles mutations mondiales (la Re-mondialisation), de la protection de l'environnement, la place de l'Algérie étant dans le Maghreb, pont entre l'Europe et l'Afrique. Elle peut être en cas d'un Etat de non droit et d'une mauvaise gouvernance, dépenser sans compter grâce à une richesse virtuelle que sont les hydrocarbures qu'il s'agit de transformer en richesse réelle, une malédiction. Non autonomisée, la rente conduit au syndrome hollandais avec les risques d'une corruption socialisée, le frein aux réformes structurelles pouvant entraîner une grave dérive politique, économique et sociale de l'Algérie qui peut mieux faire du fait de ses importantes potentialités.


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