Monsieur le ministre des Finances dit qu'il y a glissement à la baisse du dinar et non dévaluation. Quelle différence du fait que par le passé la nouvelle cotation du dinar est restée telle quelle avec dérapages successifs, sans aucune appréciation, étant passé de 25 DA un dollar vers les années 1990 à plus de 75 dollars actuellement ? 1- Cotation du dinar et impact sur le fonds de régulation et la fiscalité pétrolière Comment expliquer à la mi-janvier 2012 la distorsion cours vente au cours officiel existant un écart de plus de 40% avec le cours sur le marché parallèle, entre le dinar algérien (104,31 un euro), le cours du dirham marocain - (11,67 un euro) et la meilleure cotation du dinar tunisien (2,18 un euro) ? Or la monnaie est un rapport social traduisant la confiance ou pas entre l'Etat et les citoyens, étant un signe, moyen et non facteur de développement autant que les réserves de change. Toute dévaluation, pour une économie productive, dynamise les exportations, et toute réévaluation les freine. Qu'en est-il en Algérie ? Les réserves de l'Algérie ont été estimées à 56 milliards de dollars en 2005, 77,78 milliards en 2006, 110 milliards en 2007,138,35 milliards de dollars en 2008, 147,2 milliards en 2009, 157 milliards de dollars fin 2010 et, selon le FMI, l'Algérie clôture l'année 2011 avec 188,8 milliards de dollars, avec des projections de 210,8 milliards de dollars en 2012. Ces réserves de change permettent de sécuriser l'investissement et surtout d'éviter un dérapage plus important de la valeur du dinar par rapport aux devises. Il existe actuellement une corrélation d'environ 70% entre la valeur actuelle du dinar et ce stock de devises via la rente des hydrocarbures, sinon le dinar flotterait à plus de 300 dinars un euro. La Chine a des réserves de change qui sont passées de 819 milliards de USD en 2005 à 2 847 milliards de USD en 2010 et à 3 181 milliards de dollars au 1er janvier 2012 sont le fruit du travail des Chinois. En effet, se pose le problème de la cotation du dinar qui n'obéit pas toujours aux règles économiques, comme en témoigne récemment depuis décembre 2011 la cotation du dinar par rapport à l'euro et au dollar alors que le dollar a subi une appréciation de 10/15% par rapport à l'euro. Ces mesures ponctuelles récentes sans vision stratégique ont été édictées principalement pour freiner les importations suite à l'importante augmentation des salaires et ont des répercussions négatives tant pour les opérateurs qui s'approvisionnent en Europe que sur le pouvoir d'achat des citoyens. Comme par le passé au moment du dollar faible la dépréciation du dinar a répondu au souci de gonfler artificiellement le fonds de régulation des recettes et la fiscalité pétrolière variant entre 60/70% et donc de voiler l'importance du déficit budgétaire et l'inefficience de la dépense publique. Exemple, le fonds de régulation de un (1) dollar donne 100 dinars, pondéré par une dévaluation de 20% donne une valeur de 120 dinars calculé par le Trésor et la Banque d'Algérie dans leurs bilans annuels, et il en est de même pour la fiscalité pétrolière. Avec une dévaluation de 20%, cela abaisserait le montant de la fiscalité pétrolière. Ces artifices d'écritures biaisent donc tant le montant du fonds de régulation que les recettes de la fiscalité pétrolière. Face à ces dépenses, l'encours du Fonds de régulation des recettes, FRR, crédité du différentiel entre les produits de la fiscalité pétrolière budgétisée et les produits de la fiscalité pétrolière recouvrés géré par le Trésor, le prix de référence fixé par la loi de finances à 37 dollars, à ne pas confondre avec les fonds souverains qui sont des fonds d'investissement (le gouvernement algérien ayant écarté le recours à cette procédure), est passé de 4 280 milliards de DA, à fin décembre 2008, à 4 316 milliards de DA à fin décembre 2009, de 4 840 milliards de dinars à fin 2010, aurait atteint 5 500 milliards de DA (environ 75 milliards de dollars) à la fin 2011, selon le ministère des Finances. Pour plus de transparence, je préconise que les lois de finances se fondent sur le cours réel du marché des hydrocarbures, quitte à ce que l‘excédent soit versé dans un fonds de stabilisation. Actuellement la gestion du fonds de régulation est totalement opaque. 2 - Objectif stratégique : relancer la sphère réelle par une meilleure la gouvernance Pour un développement fiable, n'a y a-t-il pas lieu d'avoir une meilleure gestion de la dépense publique grâce à une meilleure gouvernance? Du point de vue du développement, il est clair que l'affectation des ressources pose la problématique de sa rationalité, l'Algérie dépensant deux fois plus pur avoir deux fois moins de résultat par rapport à des pays similaires, selon un rapport récent de l'OCDE concernant la région Mena. Où en est la politique industrielle où nous assistons à un dépérissement du tissu productif malgré l'accroissement de la dépense publique 200 milliards de dollars 2004/2009, 286 entre 2010/2013 mais 130 de restes à réaliser des projets 2004/2009 montant des surcoûts exorbitants. Ainsi, l'Algérie a connu entre 2007/2010 une croissance inférieure à 3%. La Banque mondiale dans son rapport sur les perspectives économiques mondiales 2012 en date du 17 janvier 2012 prévoit pour l'Algérie une croissance de 2,7% en 2012 et de 2,9% en 2013 (contre 3% en 2011). Comment, avec une dépense publique de 200 milliards de dollars entre 2007/2009 et une prévision de 280 milliards de dollars entre 2010/2013 dont 130 de restes à réaliser des projets 2004/2009, soit plus de 480 milliards de dollars obtient-on une croissance si dérisoire devant normalement atteindre, selon les normes internationales, un taux de croissance supérieur à 10% en termes réels ? Qu'en sera-t-il des restes à réaliser pour les nouveaux projets inscrits à la fois faute de capacités d'absorption et d'une gestion défectueuse ? Et se pose cette question le gonflement de la facture des importations malgré le passage du Remdoc au Crédoc a été clôturé fin 2011 à plus 46 milliards de dollars auquel il faut ajouter 11/12 milliards de dollars de services, soit une sortie de devises de 57/58 milliards de dollars. Exemple la facture du médicament est passée de 1 milliard de dollars en 2006/2007 à 2 milliards en 2012 ; la facture d'importation de blé est clôturée fin 2011 à 2,5 milliards de dollars net pour l'ensemble de la facture alimentaire, elle est estimée en 2011 à 9 milliards de dollars, et extrapolée à plus de 14 milliards de dollars horizon 2015 en cas de léthargie du tissu économique. Paradoxalement l'Algérie est importatrice de gasoil et d'essence super sans plomb pour plusieurs centaines de millions de dollars. L'économie algérienne est en plein syndrome hollandais, exportant des hydrocarbures brut et semi-brut (98%) et important 70/75% des besoins des entreprises publiques et privées (taux d'intégration ne dépassant pas 15%) et des ménages. Face à cette aisance financière de conjoncture pas due au travail et à l'intelligence, le FMI, dans ses rapports 2010/2011, constate une relative stabilisation macroéconomique tout en soulignant que cela est dû à la rente des hydrocarbures, et la Compagnie française d'assurance du commerce extérieur (Coface) qui a tenu le 16 janvier 2012 son 16e colloque maintient la note A4 de l'Algérie concernant l'évaluation du risque commercial mais classe à B l'environnement des affaires en Algérie. Cette dernière note reflet de la panne des réformes est corroborée tant par le rapport du 17 janvier 2012 de la Banque mondiale qui constate une détérioration de l'environnement des affaires, que le rapport de janvier 2012 de Héritage Fondation et le Wall Street Journal sur l'indice des libertés économiques où l'Algérie arrive à la 140e place, le15e sur 17 parmi les pays de l'Afrique du Nord et du Moyen- Orient. Ainsi l'économie est sous perfusion de la rente des hydrocarbures, existant des liens dialectiques entre la logique rentière et l'extension et la sphère informelle, entre le niveau des réserves de change et l'évolution du cours des hydrocarbures déterminés essentiellement par des facteurs externes. Il y a urgence d'une transparence dans la gestion des réserves de change pour éviter les pratiques occultes posant la problématique de la démocratisation de la gestion des hydrocarbures, une transparence dans la gestion du système financier, lieu de distribution de cette rente, afin de lutter efficacement contre la corruption, les lois et la création d'institutions bureaucratiques inefficientes étant contredits par les pratiques sociales. Ainsi, pour l'Algérie, la cellule de traitement du renseignement financier (CTRF) a reçu 5 000 déclarations de soupçons de blanchiment d'argent depuis 2005. Répondant aux sénateurs le ministre des Finances a indiqué le 20 janvier 2012 que la CTRF, qui travaille à travers l'échange d'informations avec les cellules étrangères dans le cadre de la réciprocité, a reçu 11 déclarations de soupçons en 2005, 36 en 2006, 66 en 2007, 135 en 2008 et 328 en 2009 avant que ces déclarations ne s'élèvent à 3 302 en 2010 et 1 398 en 2011. Les mesures de politique monétaire et financière doivent s'inscrire dans une démarche cohérente de la réforme globale et au sein de grands espaces, d'où l'importance de l'intégration maghrébine avec pour soubassement la résolution de la distorsion des taux de change. Toute injection de monnaies sans contreparties productives accélère la détérioration du dinar dont la valeur en Algérie tient pour beaucoup à la rente des hydrocarbures. L'Algérie a besoin d'une planification stratégique qui colle aux nouvelles mutations mondiales. Ces mutations conditionneront ou pas un développement durable hors hydrocarbures, sachant que l'Algérie ayant actuellement 36 millions d'habitants sera dans 25 ans (50 millions) sans hydrocarbures – entendu en termes de rentabilité financière posant la problématique de la transition d'une économie de rente à une économie productive entrant dans le cadre des avantages comparatifs mondiaux. Dans ce cadre, il existe un lien dialectique entre développement et démocratie tenant compte des anthropologies culturelles supposant de profonds réaménagements des structures du pouvoir algérien. Et comme fondement la moralité, si l'on veut éviter ce cycle de la décadence, cette société anomique mise en relief par le grand sociologue maghrébin Ibn Khaldoun. L'Economie, comme nous l‘ont enseigné les classiques, est avant tout politique. Espérons pour l'Algérie un avenir meilleur. L'Algérie sera ce que ses dirigeants et les segments actifs de la société voudront qu'elles soient.