Avec les tensions au niveau du Sud et dans bon nombre de wilayas, les autorités sont désemparées, assistant impuissant à des tensions sociales de plus en plus vives. Les évènements au Sud ne doivent pas être pris à la légère au moment où nous assistons à une profonde reconfiguration géostratégique notamment au Sahel. 1.-Eviter de donner un taux de chômage sont biaisé Pour l'ONS et le ministre du Travail, le taux de chômage s'établirait à moins de 10% entre 2011/2012, le miracle algérien, la moitié de l'Espagne. Sachant que la demande additionnelle est entre 300.000/350.000 emplois par an , cela supposer donc qu'elle ait été abordée qui s'ajoute au stock de chômage existant. Que nos responsables visitent les wilayas d'Algérie pour vérifier leurs données. Il existe une loi économique valable pour tout pays : le taux d'emploi est fonction du taux de croissance et des structures des taux de productivité, la crise mondiale actuelle étant une crise de la sphère réelle. Comment avec un taux de croissance selon les rapports internationaux de 3⁄4 % entre 2010/2012 peut-on avoir créé autant d'emplois ? Or, un taux de croissance, se calcule par rapport à la période précédente, un taux de croissance élevé à la période T1, en référence à un taux de croissance faible en référence à la période TO donne globalement un taux de croissance faible. Selon les institutions, le rapport du FMI 2011, le produit intérieur brut l'Algérie est de 158,97 milliards en 2010, 183,4 milliards de dollars en 2011 et de 188,6 milliards de dollars en 2012. Or, il y a lieu de souligner la faiblesse de la production et de la productivité du fait que 97/98% des exportations sont le résultat des hydrocarbures à l'état brut et semi brut, les 2.3% hors hydrocarbures fluctuant depuis plus de 20 ans pour un montant dérisoire entre 900 millions de dollars et 1,5 milliard de dollars. La création d'emplois en Algérie a été le résultat d'une dépense publique mal ciblée d'un montant de 500 milliards de dollars entre 2004/2013 avec des surcoûts, la mauvaise gestion. En fait, le pays dépense deux fois plus pour avoir deux fois moins de résultats par rapport aux pays similaires du niveau du bassin méditerranéen selon une récente étude pour la région MENA. Des calculs précis que je peux mettre à la disposition des lecteurs, montrent clairement que sur les 6% de croissance hors hydrocarbures officiellement 80% l'ont été par la dépense publique via les hydrocarbures et que les entreprises évoluant dans le cadre des valeurs internationales contribuent à moins de 20% du produit intérieur brut. Pour preuve l'Algérie exporte 98% en hydrocarbures brut et semi-brut et importe plus de 70% de ses besoins. Toujours dans ce cadre, 70% de la dépense publique ont été absorbés par les infrastructures (dont BTPH) qui ne sont qu'un moyen, l'entreprise et le savoir étant dévalorisés. Après la fin des chantiers que deviendront ces milliers de travailleurs en espérant une non-chute brutale du cours des hydrocarbures due à la crise mondiale ? Pour preuve, le poste services est passé de 2 milliards de dollars en 2002 à plus de 12 milliards de dollars entre 2011/2012 avec ce paradoxe fuite des cerveaux algériens et appel à l'assistance étrangère. A-t-on tenu compte des sureffectifs dans les administrations et entreprises publiques, la productivité du travail en Algérie selon les rapports de l'OCDE étant une des plus faibles au niveau du bassin méditerranéen. Il s'agit de ventiler les emplois à valeur ajoutée, des emplois non productifs ou faiblement productif (le commerce de détail connaît une implosion selon le dernier recensement du registre de commerce), des temporaires qui constituent le plus gros des effectifs. Dans ce cadre, quelle est la structuration des effectifs recrutés par niveau de qualification, la ressource humaine étant une richesse bien plus importante que toutes les richesses d'hydrocarbures ? Enfin quelle est la part de l'emploi informel en distinguant les emplois à valeur ajoutée et de la sphère informelle marchande spéculative dominante. Invoquer des données qui ne correspondent pas à la réalité surtout à l'ère d'internet où le monde est devenu une maison de verre, favorise tant le divorce Etat/citoyens que le discrédit de l'Algérie au niveau international. C'est que corrigé, le taux de chômage et le taux de croissance officiel sont des taux artificiels irrigués par la rente des hydrocarbures avec des salaires sans contreparties productives pour calmer le front social. Le taux officiel redressé par les sureffectifs, les emplois fictifs temporaires, donnerait un taux de chômage entre 20/25%. 2.-Eviter l'illusion de créer des emplois par décret Concernant l'aspect macro-économique global, l'aisance financière artificielle grâce aux hydrocarbures (600 milliards de dollars de recettes en devises entre 2000 et 2012 selon les bilans de Sonatrach) qui a permis d'éponger une fraction importante de la dette publique intérieure et extérieure voile les contreperformances au niveau de la sphère réelle. Il existe une loi universelle : le taux d'emploi est fonction du taux de croissance et des structures des taux de productivité relevant d'entreprises compétitives et l'on ne crée pas des emplois par des décisions administratives. Que deviendront les 1,5 million d'étudiants sortis des universités en 2015 ? Dès lors se pose cette question stratégique : cette faiblesse du dépérissement du tissu productif en Algérie n'explique-t-elle pas que le taux de croissance n'est pas proportionn el à la dépense publique et dans ce cadre il est impossible économiquement, comme prévu, de créer entre 2009/2014, 200.000 PME/PME et trois millions d'emplois. Paradoxe l'Andi n'avait-elle pas annoncé entre 2007/2012 officiellement, un flux d'investissement direct étranger supérieur à 30 milliards de dollars par an qui s'est avéré être une extrapolation hasardeuse ? Le peu de performance de l'économie algérienne est confirmée par la dominance des entreprises unipersonnelles à responsabilité limitée (Eurl) 48,84%) suivies des sociétés à responsabilité limitée (Sarl) 41,96%). Fait plus grave, l'ONS confirme certaines enquêtes au niveau de l'ANDI et l'Ansej où les dépôts de bilan dépassent 40/50% ces cinq dernières années, c'est-à-dire d'entreprises radiées du répertoire des entreprises pour cessation d'activités après avoir bénéficié des avantages accordés et les nombreux litiges auprès des banques de non remboursement l'attestent. Sachant que déjà de nombreuses PMI/PME qui constituent plus de 90% du tissu productif algérien sont en difficultés (bureaucratie, système financier sclérosé, foncier, concurrence de la sphère informelle produit de la bureaucratie qui contrôle 40% de la masse monétaire en circulation), il convient de se demander si ces jeunes promoteurs ont la qualification et surtout l'expérience nécessaire pour manager les projets, à l'instar de ce qui se passe partout dans le monde, diriger une entreprise dans un cadre concurrentiel afin d'avoir des prix /coûts compétitifs. Le risque n'est-il pas d'assister à un gaspillage des ressources financières en fait de la rente des hydrocarbures et à terme au recours au trésor à l'instar de l'assainissement des entreprises publiques qui ont couté au trésor plus de 50 milliards de dollars entre 1971/2012 et à une nouvelle recapitalisation des banques ? La trajectoire raisonnable, en attendant une véritable relance des segments hors hydrocarbures, n'aurait-elle pas été l'investissement le plus sur dans l'acquisition du savoir faire par une formation additionnelle et des stages pour les préparer sérieusement à l'insertion dans la vie active durablement ? D'une manière générale, les résultats des organismes chargés de l'emploi (ANDI, l'ANSEJ, le CNAC) en référence aux projets réalisés et non en intention représentant environ 30%, sont mitigés malgré les nombreux avantages accordés. Or, avant de lancer dans une opération aventureuse, un bilan serein implique de répondre à certaines questions et ce d'une manière précise et quantifiée : quel est le bilan de l'ANDI, CNAC, ANSEJ depuis leur existence dans la réalisation effective de ces projets et non de dossiers déposés ? Quel le statut juridique ? Quel est le temps imparti pour les projets réalisés entre le moment du dépôt et la réalisation effective le principal défi du XXIème siècle étant la maîtrise du temps ? Pour les projets réalisés combien ont fait faillite selon les règles du code de commerce ? Quelle est la part en devises et en dinars des projets réalisés afin de dresser la balance devise ? Quel est le niveau d'endettement bancaire des projets réalisés avec le montant des créances douteuses ? Quelle est la ventilation des crédits bancaires par projets ? Quel est le montant exact des avantages fiscaux accordés tant pour les projets que ceux réalisés ? Quelle est la ventilation des postes de travail avec le niveau de qualification des projets et ceux créés ? Quelle est la contribution à la valeur ajoutée réelle du pays des projets réalisés. Ces projets s'insèrent-ils dans le cadre des valeurs internationales dans la mesure avec la mondialisation, malgré la crise, nous sommes dans une économie ouverte du fait des engagements internationaux de l'Algérie ? 3.- Solution à l'emploi durable : approfondir les réformes politiques et économiques L'Algérie est une économie totalement rentière n'ayant pas préparé encore l'après hydrocarbures après 50 années d'indépendance politique alors que la population passera dans 25/30 ans de 37 millions en 2013 à 50 millions sans hydrocarbures horizon 2030 sans hydrocarbures. La découverte de réserves physiquement n'ayant aucun sens, pouvant découvrir des milliers de gisements non rentables, le niveau des réserves se calcule en fonction du couple cout intérieur, vecteur prix international, des énergies substituables en corrélation avec les mutations mondiales énergétiques et du rythme des exportations et de la consommation intérieure. C'est que la majorité des observateurs nationaux et internationaux convergent vers ce constat : la réforme globale source de croissance durable en Algérie est en panne. Le constat est que durant cette période de transition difficile d'une économie étatisée à une économie de marché concurrentielle et l'Etat de droit est que les réformes sont timidement entamées malgré des discours que contredisent journellement les pratiques sociales. Les banques, lieu de distribution de la rente, continuent de fonctionner comme des guichets administratifs, et du fait des enjeux des réformes souvent différées s'attaquant plus aux aspects techniques qu'organisationnels, alors qu'elles sont le moteur des réformes, la privatisation et le partenariat comme moyens d'investissement et de valeur ajoutée piétinent faute de cohérence et de transparence ; la facture alimentaire est élevée malgré le fameux programme agricole (PNDA) dont il conviendra de faire le bilan du fait de plusieurs milliards de dollars de dépenses, sans oublier la bureaucratie et la corruption qui continuent de sévir. Dans le prolongement d'un audit que j'ai eu à diriger, une étude récente du FEMISE (2012) réseau euro-méditerranéen montre clairement que les dispositifs en matière d'emplois du gouvernement algérien ont eu peu de résultats tangibles, "de la poudre au yeux pour abaisser artificiellement le taux de chômage". Comme conséquence de ces résultats mitigés et de l'incohérence et du manque de visibilité de la politique socio-économique, pratique de plusieurs décennies et non seulement de la période actuelle, nous assistons à des tensions à travers toutes les wilayas contre la hogra, la corruption, la mal vie, d'une jeunesse dont le slogan "nous sommes déjà morts" ce qui traduit l'impasse du système économique basée sur la distribution de la rente, à générer une croissance hors hydrocarbures, seule condition pour faire face à ce malaise social. Aussi, s'agit-il d'éviter le monologue et élargir le débat à tous les segments de la société. La tentation, par la fuite en avant, serait grande d'imposer aux organismes chargés de l'investissement et l'emploi qu'ils agréent un maximum de projets avec de nombreux avantages financiers et fiscaux, tout en demandant à des administrations et entreprises publiques déjà en sureffectifs de recruter. Ces éventuelles instructions, sans une vision globale du développement du pays, d'emplois à valeur ajoutée, ne s'assimileraient-elles pas à un replâtrage pour calmer le front social toujours grâce à la rente des hydrocarbures, la vocation de Sonatrach n'étant pas de créer des empois pouvant l'assimiler à une banque. Car ces mesures appliquées ne feront que conduire certaines entreprises déjà en difficultés à la faillite. Par ailleurs, avec cette injection massive de la monnaie sans contreparties productives concernant tant ces projets que les dernières augmentations des salaires qui touchent tous les secteurs, ne faut-il s'attendre à une inflation accélérée, déjà forte en 2012, près de 9% ayant doublé par rapport à 2011. Cela risque de conduire le pays dans une spirale infernale de hausse des prix avec pour conséquence à la fois la hausse des taux d'intérêts des banques freinant le véritable investissement et la détérioration du pouvoir d'achat de la majorité des Algériens. Une vision stratégique collant tant aux nouvelles mutations sociales internes qu'aux mutations mondiales, s'impose si l'on veut éviter à terme une implosion sociale aux conséquences désastreuses pour le pays. Aussi, sans vision stratégique, les dernières mesures décidées par le gouvernement ne feront que différer les tensions sociales. Ainsi s'impose une révision profonde de l'actuelle politique socio économique où selon l'expression de la directrice du FMI , l'Algérie dépense sans compter vivant de l'illusion de la rente éphémère. Du fait que la crise multidimensionnelle que traverse la société algérienne est systémique, cela dépasse le cadre strictement économique, renvoyant à des aspects politiques impliquant une gouvernance renouvelée et donc la refondation de l'Etat se fondant sur des institutions crédibles et non d'organes bureaucratiques créés sous la pression de la conjoncture. Cela implique par une réelle décentralisation (à ne pas confondre avec le régionalisme néfaste) et une lutte concrète contre la corruption qui a des effets dévastateurs auprès de l'opinion nationale et internationale, traduisant par là un Etat de non droit et une gouvernance centrale et locale mitigée.