Le marché monétaire européen donne des signes de normalisation. Les taux d'intérêt à moins d'un an se sont considérablement détendus depuis quelques mois. Le taux à trois mois dans la zone euro se situait, vendredi 2 octobre, à 0,75 % (contre 5,39 % au plus haut il y a un an), celui à un an à 1,23 % (contre 5,52 %). Preuve supplémentaire de cet apaisement: l'opération conduite, mercredi 30 septembre, par la Banque centrale européenne (BCE), qui offrait aux banques l'opportunité de se faire prêter pour des montants illimités d'argent au taux de 1 % sur un an - opération appelée LTRO, pour "long term refinancing operation" (opération de refinancement à long terme). Lors de la précédente et première en juin, les banques cherchaient des liquidités, se méfiaient trop les unes des autres pour s'accorder des prêts sur le marché interbancaire, et la BCE était un prêteur solide qui offrait des conditions de financement (1 % sur un an) alléchantes. Quelque 1 121 banques s'étaient fait prêter 442,24 milliards d'euros. Cette fois-ci, 589 établissements n'ont emprunté que 75,2 milliards d'euros. Cette faible demande de la part des banques est un signe qu'elles parviennent à se financer autrement qu'auprès de la BCE. Les observateurs faisaient aussi remarquer que les taux à un an ont beaucoup baissé depuis juin, ce qui rendait l'opération de mercredi moins séduisante que la précédente. Ils notaient que les banques avaient moins d'actifs financiers à apporter en garantie du prêt à la BCE. Une conséquence du fait qu'elles-mêmes avaient peu prêté dernièrement et que, les marchés refonctionnant un peu mieux, les actifs de leur bilan n'étaient pas gelés. Les résultats de l'opération de prêt à un an ont modifié la perception qu'avaient les opérateurs de la prochaine et dernière, qui aura lieu le 16 décembre. Avant, ils pensaient que la BCE y ajouterait une prime pour relever le taux du crédit, de manière à décourager les banques et les inciter à se prêter de l'argent entre elles. Là, au vu du faible intérêt des banques, ils se sont dit que la demande devrait s'éteindre toute seule. A la Société générale, on prévoit une demande de 15 milliards à 20 milliards d'euros en décembre. Les experts se disent aussi que la BCE n'augmentera probablement pas le taux de ses prêts à un an, pour ne pas donner le signal que dans un an elle aura relevé ses taux d'intérêt. BLOQUER DES TAUX BAS Mais rien n'est joué car, à la BCE, on se méfie. On se demande si les banques n'attendent pas le mois de décembre pour profiter de cette dernière chance de bloquer des taux bas sur un an. On craint aussi que les banques attendent décembre dans l'espoir que les prêts qui seront accordés ne dureront pas un an mais quelques semaines de plus, de manière à couvrir leur besoin de liquidité pour la fin 2009 mais aussi pour la fin 2010. Les analystes de Barclays Capital ont relevé les commentaires du président de la Bundesbank, la banque centrale allemande, Axel Weber, l'un des membres votant la politique monétaire de la BCE. "Parlant après le sommet Ecofin (jeudi 1er octobre) en Suède, il a été très faucon, écrivent les analystes, pointant le fait que la faible demande des banques lors de l'opération de prêt à un an montrait que le besoin de fonds "d'urgence" s'affaiblissait et que, par conséquent, le niveau des liquidités dans le système financier était probablement plus élevé que ce qui serait confortable." En clair, il serait peut-être temps de songer à réajuster la politique monétaire pour éviter cette surabondance de liquidités. Par ailleurs, sur le marché des changes, le yen a connu une semaine chaotique, liée aux déclarations du nouveau ministre japonais des finances, Hirohisa Fujii. Les investisseurs peinent à comprendre la position du gouvernement en matière de politique de change. Après avoir fortement progressé face à l'euro ces dernières semaines, le dollar est revenu à 1,4576 dollar pour un euro (un recul de 0,77 % sur la semaine). Mais son instabilité inquiète la sphère politico-monétaire. Les Etats-Unis ont enfin pris la défense du dollar, après y avoir été exhortés par Jean-Claude Trichet, le président de la BCE, et Jean-Claude Juncker, qui préside le forum des ministres des finances de la zone euro. Le secrétaire américain au Trésor, Timothy Geithner, a rappelé jeudi qu'"un dollar fort est très important pour ce pays".