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Valeurs du travail et argent
Publié dans Réflexion le 25 - 10 - 2014

Depuis quelques années, on ne rencontre que des personnes qui parlent d'argent. C'est le seul prisme de leur existence, leur seule motivation, leur seule valeur. On se retrouve parfois désarçonné par tant de vide et surtout par la certitude qu'on est comme tout le monde qui ne peut penser que comme cela. Toute action humaine est jugée selon leur seule grille d'identification monolithique, l'argent.
Un acte gratuit, la volonté d'aider l'autre, de partager nous semble totalement étranger et même louche, cela cache une volonté de faire de l'argent, c'est forcé il y a un truc. Même les actes les plus anodins sont source de méfiance, aider une personne âgée à porter ses sacs trop lourds, tenir la porte à une personne pour la laisser entrer... Les gens sont sur la défensive, méfiants... les valeurs qu'on a reçu par notre éducation forte classique n'ont plus court ou elles sont perçues comme une duperie .On avait reçu des valeurs qui n'ont plus courts, aider l'autre était la plus belle récompense, où est passé l'esprit bienfaisant, l'honneur, la dignité ? Aujourd'hui, quand je regarde autour de moi, je ne vois plus beaucoup de personnes qui essayent d'être heureuses, de remplir leur vie par une activité intéressante, une passion même si elle n'est pas spécialement lucrative. Je reçois des conseils qui me disent mais pourquoi tu ne tournes pas, pourquoi tu ne fais pas que cela ? Parce que l'argent n'est pas un but, la liberté oui et on peut-être très libre avec peu d'argent. Je préfère passer une journée à bouquiner, à aider les autres que de me trouver ici et là pour me dire : super j'ai gagné tant de billets d'argent, mais j'ai rien fait de ma journée juste gagné de l'argent qui va s'accumuler sur un compte. Encore plus, encore plus... pourquoi ? Une nouvelle voiture ? Triste... J'ai essayé de comprendre pourquoi la société a ainsi évoluée, pourquoi elle est devenue plus cynique, plus dure et totalement tournée vers le veau d'or, pourquoi l'argent est le seul but d'une existence qui finira entre 4 planches. Je pense que c'est une conjonction de plusieurs facteurs : la crise économique a permis d'angoisser la classe moyenne par l'instauration d'une précarité économique et psychologique. Son emploi est une "chance", un bien précieux qu'il faut défendre, le préserver quitte à enfoncer ses collègues pour ne pas être le premier à partir à la charrette de licenciement. Pour bénéficier de cette chance (?), pour garder son travail, les employés ont tout accepté, augmentation des cadences, de la pression, heures supplémentaires non payées, déclassement... ce qui fait que de nos jours, le travail n'est plus un lieu de travail, mais de compétition, de pression, malheur à celui qui craque, qui n'atteint pas son objectif, qui semble fatigué...ou celui qui n'est pas dans le rang du directeur. Les gens finissent même parfois à s'identifier à leur emploi, ce qui provoque des désastres quand ils peuvent le perdre. Au delà, d'un revenu fixe, c'est carrément leur identité qu'ils perdent... Le dernier mois où quelqu'un a travaillé, celui –ci avait discuté avec un collègue qui partait à la retraite. Il le sentait mal, très mal, angoissé malgré ses sourires et jeux de mots classiques lors de la fête organisée pour son départ. Il s'est confié, il a tenté de le rassurer, 3 semaines après il est tombé malade puis décédait.... il n'avait aucun projet, aucune identité autre que son travail. L'image que nous renvoie les médias : pour être heureux, il faut consommer, on est bien plus heureux en Golf qu'en Peugeot, c'est une évidence qui ne souffre d'aucune contestation possible, sinon notre société s'écroule. Pour consommer, il faut de l'argent, pour avoir de l'argent, il faut un boulot, pour avoir un boulot il faut avaler des couleuvres, ce qui rend les gens plus agressifs car au boulot les gens doivent prendre sur eux, mais en dehors, ils peuvent agresser la personne qui hésite à tourner à gauche ou à droite en voiture. Cette violence interne est tellement contrôlée par le travail que quand un cadre est licencié, il peut se suicider (il culpabilise, s'il est licencié il est un nul...) alors qu'on pourrait s'attendre à ce qu'il prenne une arme blanche et qu'il fasse un carton sur son directeur. Même pas, il retourne la violence sur lui même et il se tue, cela nous montre la puissance culpabilisatrice du travail ... La société est beaucoup plus narcissique, le Moi devient le centre des discussions, il nous tends à disparaitre, l'individualisation progresse partout même au sein des couples (qui est pourtant la plus petite unité possible de deux êtres), chacun pouvant revendiquer un bonheur individuel au sein du couple, présenté comme normal et épanouissant, même si le couple peut en pâtir. J'ai envie, je fais, mon conjoint n'est plus terrible, je le jette. Les sites de rencontres et les réseaux sociaux en sont la quintessence, c'est le supermarché des rencontres, on consomme, mais on s'attache peu car il y a toujours la possibilité de trouver mieux (plus riche, plus beau, plus intelligent, plus musclé...) car le vivier est sans cesse renouvelé comme les voitures, les écrans de télévisions... L'individualisme a formidablement progressé et l'idée que l'autre n'est pas un ami potentiel mais un danger potentiel de plus en plus marqué. Cet individualisme s'explique à mon avis par cette société de compétition, malheur aux vaincus, je tuerai pour garder mon emploi, mon salaire, mon argent, ma consommation et in fine mon identité dans une société marchande. On a alors l'effet matérialiste, l'important dans l'existence est l'argent qui permet d'acheter des biens de consommation, qui feront envie aux autres. On pourra alors jouir de sa supériorité consommatrice en vantant sa voiture, son dernier ordinateur ou même de son mouton de l'Aid en attendant de son interlocuteur une forme de reconnaissance sociale et de jalousie. Tout cela pour en arriver à quoi ? A un grand vide... n'exister que pour le regard de l'autre... et rêver d'un I phone 6 à 60 ans... Cette société me fait peur... À la question « Que vaut le travail ? » succède un cortège de réponses variées et discordantes. Cette interrogation semble faire ressurgir des polémiques issues d'appréciations éthiques, politiques, religieuses ou métaphysiques.
Ainsi l'évaluation du travail se trouve-t-elle d'emblée presque toujours perturbée par nos opinions et nos préjugés. Il semble cependant y avoir une constante selon laquelle le travail vaut toujours quelque chose, et même qu'il est ce par quoi toute chose peut en venir à prendre quelque valeur. Mais qu'en est-il alors du travail spontané accompli naturellement par l'animal ? Saisir précisément ce que ce travail animal peut valoir et quelle fonction naturelle il remplit devrait permettre de faire retour sur l'être humain. La valeur du travail, qu'il soit aliénant ou libérateur, mécanique ou poétique, ne se contente pas d'une approche philosophique, et on ne peut faire l'impasse sur son statut et sa portée économiques. Tout individu pose à son tour la question en partant de ses fondements les plus « classiques ». En montrant quels sont les principes directeurs qui ont servi à Adam Smith pour jeter les bases d'une double dimension de la valeur travail, il parvient à éclairer le devenir historico-économique de cette notion jusqu'à nos jours. Dans le travail, on ne se contente pas de produire des biens et de transformer la nature, on se transforme toujours soi-même, comme le confirment les sociologues. Empruntant initialement les pas de Hegel, puis ceux de la phénoménologie matérielle de Michel Henry, ces philosophes et sociologues nous invitent à relever ce qu'il peut y avoir d'essentiel pour la subjectivité et pour la personnalité. A maintes fois, le travail est critiqué non pour lui-même mais pour les intérêts qu'il sert, pour l'organisation sociale et économique qu'il produit et pour les inégalités et les injustices qu'il engendre. Dès lors aussi, le travail est présenté comme le remède miracle aux difficultés - y compris les plus extrêmes - d'insertion et d'intégration du corps social. Autant de problèmes qui par leur actualité tenace méritaient d'être abordés sous la diversité des angles philosophique, littéraire, économique et psycho-dynamique. Le travail est-il au fondement même du fait anthropologique ? Traduit-il l'exigence universelle de subvenir aux besoins primordiaux et de pallier la rareté, ou bien n'est-il qu'un épiphénomène historique et culturel relatif, dont les formes d'organisation souvent dévoyées doivent être rectifiées ? Le travail a-t-il en soi une valeur, ou ne la tient-il que des structures idéologiques et socio-économiques auxquelles il appartient historiquement et culturellement ? Autant de questions que l'histoire de la pensée - de la philosophie à l'économie politique en passant par la sociologie, la psychologie et la psychanalyse, l'ethnologie et le droit - s'est souvent posées. Le travail est une activité de modification et de transformation de la nature, qui vise à la production et plus rarement à la création. Il est une partie essentielle de l'agir humain, et c'est surtout comme telle qu'il retient toute l'attention de l'enseignement philosophique. C'est par excellence le processus répété et maîtrisé qui, par extension, peut être apparenté à la profession, au métier. Mais, d'un autre point de vue, le travail constitue le résultat lui-même de l'activité professionnelle, l'aboutissement du processus de transformation de la nature. C'est alors le moment où le travail atteint sa finalité et peut particulièrement faire l'objet de l'échange. Enfin, de façon générale, qu'il s'agisse de l'activité elle-même ou de son résultat, ils doivent porter la marque de la dépense de temps et d'énergie, de l'effort et de la peine. Même dans l'art où ces marques tendent à devenir imperceptibles, la difficile tension et le labeur sont pourtant requis. Que « l'art doive effacer l'art » présuppose au préalable l'activité patiente et tendue, l'effort de l'œil et de la main.
Dès lors, la poussée du vivant en général dans ses processus de persévérance dans l'être, de génération et de croissance, l'action de l'animal en quête de nourriture ou d'abri ne constituent-elles pas du travail ? Devrons-nous distinguer entre travail animal et travail humain, et si oui sur quels critères nous appuyer ? Concrètement aussi, quelle est la valeur spécifique du travail et quelle différence essentielle la sépare des valeurs qu'on a coutume d'accorder au jeu ou au bricolage ? Car, hormis la notion moralisatrice de la contrainte externe pour ne rien dire de l'obligation morale, qu'est-ce qui différencie l'enfant qui joue dans sa chambre de celui qui y fait ses devoirs ? Par ailleurs, qu'est-ce qui distingue l'apprenti menuisier ou le peintre du week end de l'artisan réputé et de l'artiste consacré...?
Nous sommes donc conduits à dégager trois principes directeurs :
Premièrement, l'écart, concrètement inévitable, entre professionnalisme et amateurisme, spécialiste et généraliste. La plupart du temps, c'est le degré d'acharnement et de répétition qui garantit celui de maîtrise, et qui semble creuser l'essentiel de la différence. Deuxièmement, le but, qui est indirectement lucratif (salaire) dans le cas du travail, par opposition à celui qui est directement non lucratif mais néanmoins avantageux (satisfaction, plaisir, liberté) en ce qui concerne le jeu, l'art ou le bricolage. Troisièmement, la part de souplesse laissée au choix du moment ainsi qu'à celui du rythme d'exécution, qui est beaucoup plus importante dans le cas des activités libres que représentent le bricolage, le jeu ou les loisirs en général que dans le cas du travail. Toutes choses étant égales par ailleurs, l'expression d'une autorité externe apparaît toujours tôt ou tard et peu ou prou dans le travail, et contribue à rigidifier considérablement les calendriers de l'activité professionnelle ainsi que ses rythmes. Qu'advient-il, dans ces conditions, de la valeur du travail aujourd'hui, et quel est exactement son « coût », économique, social, médical, psychologique, et même moral et métaphysique ? Conformément à la double perspective, coûteuse et enrichissante à la fois, du travail, qu'aiment à souligner nos hommes politiques et religieux, demandons-nous quelle part de liberté et d'authenticité nous aurons à gagner en travaillant, contre quelle proportion de renoncement et d'effort. Nous nous trouvons finalement conduits à nous demander si les multiples questionnements sur la valeur du travail n'ont pas pour fondement préalable la certitude que le travail doit divorcer d'avec toute forme de négativité, dont, bien entendu, l'asservissement et l'abrutissement sous quelque forme que ce soit.
Toutes les mises en perspective problématiques et critiques de la valeur du travail procéderaient génériquement d'une nécessité de repenser la nature humaine, ses principales croyances et ses valeurs fondamentales. Sur ce problème de la valeur du travail, deux éthiques semblent s'affronter irréductiblement, l'une - du devoir et de la loi -, démocratique et laborieuse, l'autre - du plaisir -, individuelle et aristocratique. Pourtant, cette opposition qui entraîne les principaux grands clivages idéologiques et politiques que nous connaissons peut et doit finir par être dépassée. Que reste-t-il des valeurs réelles du travail pour les transmettre à nos enfants ?


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