Changer de corps ou de tête, voilà un projet fou qui pourrait bientôt devenir réalisable. Un chirurgien italien, le Dr Sergio Canavero, affirme qu'il sera possible, d'ici deux ans, de greffer un corps entier sur une tête humaine. Le gros obstacle reste la fusion des deux moelles épinières. Science-fiction, horreur ou bientôt une réalité, ce n'est pas de la science-fiction, selon lui. Le fait de pouvoir assembler, comme dans le roman gothique de l'Anglaise Mary Shelley, différentes parties de corps humains pour donner vie à un nouvel être n'a cessé d'irriguer les rêves des savants fous. Après des expériences conduites sur les animaux dans les années 50 et 70, c'est maintenant un chirurgien italien qui reprend l'idée. Les travaux de ce docteur ont été publiés dans la très sérieuse revue scientifique New Scientist et seront présentés en juin prochain lors du congrès de l'Académie américaine de chirurgie neurologique. Dès le 18e siècle, le docteur français Julien César Le Gallois qui avait observé les corps guillotinés déclarait qu'une tête pouvait vivre « sans corps » à condition qu'elle soit correctement oxygénée. Aujourd'hui, le Dr Sergio Canavero présente une méthode pour greffer un corps humain à une tête. Partisan de la chirurgie pour prolonger la vie des malades dont les muscles et les nerfs sont dégénérescents ou dont les organes sont atteints de cancer, le chirurgien estime que les deux obstacles majeurs à une greffe d'un corps sur une tête peuvent désormais être surmontés. Il s'agit de la greffe de la moelle épinière, opération très délicate, et du phénomène de rejet engendré par le système immunitaire du corps greffé. « Si on peut reconnecter vaisseaux, muscles et nerfs sur une jambe ou un poignet, on peut le faire au niveau du cou » explique le Dr Canavero. Pour réussir cette greffe, le chirurgien explique que le corps du « donneur » doit être congelé, ainsi que la tête du « receveur ». Les deux cous sont ensuite tranchés et le corps du donneur est greffé sur la tête du receveur. Le polyéthylène glycol doit être utilisé pour fusionner les deux moelles épinières. Le patient est ensuite tenu en coma artificiel pendant trois ou quatre semaines alors que des électrodes, préalablement placées dans son corps, stimuleront la fusion des moelles. « Au réveil, le patient sera capable de bouger et de parler. Au bout d'un an de physiothérapie, il devrait pouvoir marcher », assure le médecin. D'importants risques Selon le Dr Canavero, une cinquantaine de personnes sont déjà candidates à cette greffe. Il s'agit d'individus « atteints de dystrophie musculaire, de tétraplégie ou encore des transsexuels ». Pourtant, cette opération qui est contestée par plusieurs scientifiques et médecins comporte de nombreux risques. Si le patient survit à l'opération, il sera tout de même confronté à d'importants risques de rejet du greffon. Certains organes du corps, comme le foie ou la rate, pourraient ne pas être reconnu par le nouveau cerveau. Le corps pourrait rejeter la tête. Ce projet soulève également de nombreuses interrogations éthiques. Certains craignent notamment des dérives dans l'utilisation de cette greffe. La question de la parentalité se pose aussi : si la patiente receveuse décide d'avoir un enfant, ce dernier aura les gênes du donneur.