Florian Lang, un français, la quarantaine, a été contaminé par le coronavirus. Tiré d'affaire, il raconte sa maladie et sa guérison grâce… à la chloroquine. En ce 9 mars, je venais de fêter mon anniversaire à Paris. Un dîner-surprise plein de vie, de bises, d'accolades et de poignées de main, une virée nocturne banale juste avant la grande extinction des feux. Le 10 mars, je prenais l'avion le lendemain pour Nice, lorsque la quinte de toux sèche et en rafale de mon voisin me fit basculer dans un état d'alerte maximale. Confiné dans cet espace pressurisé, cible docile assise sagement à moins d'un mètre du malade, je demandais immédiatement avant décollage à changer de place. Première alerte…Je pense avoir été contaminé vers le 10 mars, impossible de mettre le doigt sur le donateur anonyme qui me transmit malgré lui ce viatique infernal. Les premiers symptômes sonnent comme une allergie au pollen, des chatouillements et une irritation de la gorge, des frissons et de légers maux de tête. On devine un obstacle se dessiner devant soi, mais on peine à se projeter pour définir sa forme. Le 11 au soir, impossible de trouver les bras de Morphée, une pression s'installe sur mes tempes, je me sens oppressé par une toux sèche, en fin de souffle. Je suis très affaibli soudainement. Le 12-13 mars, 6 heures du matin, réveillé aux aurores : ces symptômes, ce souffle, ces céphalées étranges…, au fond de soi, on arrive rapidement à envisager l'ennemi. Je me rends dès 8 heures à l'hôpital et suis accueilli aux urgences pour une consultation. Tout semble normal, pas de queue, pas de précipitations, seule l'apparition soudaine d'un masque sur mon nez avant toute discussion dénote. Je patiente dans une salle, un médecin et son assistant arrivent rapidement. Température, tension, auscultation…, quelques minutes plus tard me voilà reparti avec le précieux sésame, une ordonnance : Doliprane, antibiotique. Impossible à ce stade de statuer, mais la présomption étant forte, on me conseille de m'isoler. Les deux jours suivants sont plus nets. Dans mon corps, la charge virale initiale cède la place à la charge de Blücher. La fièvre est constante, les maux de tête puissants, et une toux étrangement sèche prend le dessus sur ma respiration. Trois grammes de paracétamol disparaissent chaque jour pour former un rempart troyen incapable de stopper le siège. Soudain, le goût et l'odorat plient bagage, on perd rapidement le rythme de la mélodie qui se joue, ces symptômes, si communs, sonnent faux et n'ont rien d'habituel, dans ces mauvais jours. Le doute s'installe et l'isolement pèse. Le 14 mars, devant l'aggravation des symptômes, mon médecin me propose d'essayer un nouveau traitement associant chloroquine et azythromicine, n'ayant pas d'antécédents cardiaques ni médicaux, je suis apte pour basculer sur ce protocole. La fatigue prenait le dessus, j'étais harassé et épuisé. Je démarrais chaque matin ma journée sans forme, vidé par une nuit sans fond, le 15 mars, je dormais 17 heures d'un sommeil souffrant. Le début du traitement a fait renaître l'espoir en moi, là où une torpeur sourde s'installait et laissait présager un sombre destin sur les rives du Styx. Au bout de 48 heures, les signes d'avant-garde de la rémission sont apparus. Comme un rebond, l'énergie revient et les pensées noires se dissipent. Après le brouillard d'Austerlitz soudain par surprise apparaît la grande charge d'Eylau. Rapidement, les céphalées se sont estompées, la fièvre a disparu, et la toux, pierre angulaire de toutes mes inquiétudes, s'en est allée. Seuls le goût et l'odorat semblaient continuer à abriter un îlot de résistance. Au quatrième jour, j'arrête le Doliprane, l'appétit est revenu, l'énergie aussi, la joie de vivre reprend le dessus. L'amélioration est sans recul, on avance chaque heure vers le mieux. Je n'ai ressenti aucun effet secondaire tout au long du traitement, en dehors de l'inconfort causé par la prise d'antibiotiques. Le 20 mars, au 6e jour, j'embrasse le sol, libéré et sauf, je contacte mes proches pour les rassurer. On se sent guéri, mais l'on garde un goût amer en pensant à ceux qui souffrent et qui, comme nous, traversent des jours sombres dont le destin garde la durée en secret. Aujourd'hui, guéri, je prends conscience de la chance que j'ai eue. Chance d'être en bonne santé, chance d'être dans une ville où ce traitement est accessible, chance d'avoir été sauvé.Je voudrais par ce témoignage remercier l'ensemble des docteurs, personnels soignants, qui se battent de toute leur force et avec leur bon sens pour le bien de tous.