Le nouveau coronavirus du Covid-19 se reproduit à une vitesse fulgurante et produit trois fois plus d'agents pathogènes que le virus à l'origine de l'épidémie de SRAS de 2003. Il arrive pourtant à passer incognito auprès du système immunitaire, ce qui explique pourquoi des personnes à très haute charge virale demeurent asymptomatiques. En 2003, il avait fallu six mois pour contenir l'épidémie de SRAS, majoritairement cantonnée à la Chine et à quelques pays asiatiques. Celle-ci avait affecté au total 8.098 personnes dans le monde et causé 774 décès. En moins de trois mois, le nouveau coronavirus SARS-CoV-2 a, lui, déjà touché plus 2,4 millions de personnes dans 193 pays avec 165.000 morts. Et ce, malgré un taux de mortalité bien inférieur (entre 0,25 % et 5 % selon les estimations contre 10 % pour le SRAS). Une des explications possibles à cette flambée réside peut-être dans l'efficacité redoutable du nouveau virus, rapporte une étude publiée dans la revue Clinical Infectious Diseases par un éminent virologue de l'université Hong Kong, Yuen Kwok-yung. Le chercheur et son équipe ont mené une procédure inédite pour comparer les deux virus, en infectant des échantillons de tissus pulmonaires donnés par des patients. Les résultats ont de quoi faire frémir. « Dans certains cas, le SARS-CoV-2 se réplique jusqu'à 100 fois en 48 heures, contre 10 à 20 fois avec le SARS-CoV », rapporte Chu Hin, un assistant du professeur et coauteur de l'étude, dans le South China Morning Post. Non seulement le virus infecte beaucoup plus vite les cellules, mais il produit aussi 3,2 fois plus de particules virales en 48 heures, indique le chercheur. Du coup, alors que la charge virale maximale dans les sécrétions nasales est observée au bout de 10 jours chez les patients avec un SARS-CoV, ceux atteints du SARS-CoV-2 atteignent cette charge virale maximale beaucoup plus rapidement.Pourtant, malgré l'importante charge virale induite par le SARS-CoV-2 dans l'organisme, ce dernier semble réagir avec un gros retard à l'allumage. « Le virus agit comme un ninja, sa réplication entraînant une plus faible inflammation et production d'interférons », explique Jasper Chan Fok-woo, autre coauteur de l'étude. Or, ce sont justement les interférons, des molécules de la famille des cytokines, qui participent à l'efficacité de la réponse immunitaire. « Alors que le SARS-CoV active 11 marqueurs de gènes pro-inflammatoires sur les 13 types possibles, le SARS-CoV-2 en active seulement 5 », indique l'étude. Cette faible réponse immunitaire explique pourquoi le virus parvient à se développer si rapidement et aussi la légèreté voire l'absence de symptômes chez de nombreux patients, qui possèdent sans le savoir une très forte charge virale et sont donc susceptibles de propager la maladie insidieusement.Mais comment fait le virus pour ainsi passer incognito dans l'organisme ? Les chercheurs n'en sont sur ce point qu'aux hypothèses. « Si le SARS-CoV-2 de 2019 et celui de 2003 se fixent et pénètrent dans les cellules hôtesvia l'ACE2 [le récepteur auquel s'accroche la protéine virale], le mécanisme par lequel le premier surmonte la réponse immunitaire et supprime la production d'interférons ainsi que des cytokines pro-inflammatoires pour atteindre un degré plus élevé de réplication virale est encore insaisissable », avouent les auteurs. Le SARS-CoV-2 pourrait contenir des protéines antagonistes de l'interféron différentes ou s'exprimant plus fortement.Tout cela explique en partie pourquoi la plupart des patients du nouveau coronavirus sont bien plus contagieux et beaucoup plus tôt qu'avec le SRAS de 2003, ce qui rend la maladie plus difficile à détecter. Cela complique aussi le traitement, puisque l'on dispose de moins de 48 heures pour administrer des antiviraux capables de limiter la réplication du virus, contre une période de 7 à 10 jours avec le SRAS.De plus, les médicaments anti-inflammatoires qui limitent la trop forte réaction immunitaire, plutôt efficaces dans le cas du SRAS, sont complètement inutiles au début de l'infection par le SARS-CoV-2 puisque ce dernier possède son propre mécanisme d'autolimitation inflammatoire. En revanche, les produits type bêta-interféron [des cytokines médiatrices de l'activité antivirale] pourraient avoir une utilité, indique Yuen Kwok-yung au South China Morning Post. Cette étude, limitée à un faible nombre d'échantillons, ne représente pas à elle seule la variété des réponses immunitaires induites par le SARS-CoV-2. Mais elle met en exergue toute la difficulté à laquelle nous sommes actuellement confrontés pour combattre le virus et sa diffusion.