Annoncés il y a plus de deux ans, les mémoires de Chadli Bendjedid ne sont toujours pas sortis. Depuis sa conférence publique, fin novembre à El Tarf dans l'est du pays, dans laquelle il avait évoqué plusieurs dossiers gênants et sensibles, l'ancien président n'a plus parlé en public. Dans un premier temps, on avait pensé que le silence qui avait suivi la conférence d'El Tarf avait pour objectif de ne pas gêner la présidentielle de 2009. En fait, Chadli Bendjedid semble avoir été invité à garder le silence pour longtemps. Mais si Chadli Bendjedid ne s'est plus exprimé publiquement en Algérie, il a parlé à des chercheurs étrangers. Le quotidien Liberté rapporte dans son édition d'hier les propos inédits et parfois surprenants que l'ancien président de la République a tenus dans une longue interview réalisée par deux chercheurs japonais spécialistes de l'Algérie et publiée dans le journal Sophia Asian Studies. Parmi les sujets évoqués, les élections de 1991, le 5 octobre 1988 et la question amazighe.Concernant l'arrêt du processus électoral de 1991, Chadli Benjedid affirme ainsi: « il aurait fallu que nous respections le choix du peuple algérien et donner une chance au Front islamique du salut (FIS) de constituer son gouvernement ». Et il nie avoir été forcé de quitter le pouvoir, mais affirme avoir démissionné de son propre chef. « J'étais pour le processus démocratique (…) mais les membres du FLN ont eu peur et ils m'ont demandé d'annuler les résultats des élections et de les refaire. J'ai refusé par respect à la constitution et à la promesse que je m'étais donnée quand j'avais juré sur le Coran de respecter la volonté du peuple algérien. (…) Quelle aurait été la réaction de l'opinion nationale et internationale si je les avais annulées ? Ils auraient pensé que les réformes qu'avait réalisées Chadli n'étaient qu'une manœuvre pour rester au pouvoir et c'est pour cette raison que j'ai décidé de tout quitter. J'ai déposé ma démission par respect au peuple algérien (…) . J'ai démissionné de mon plein gré sans pression d'une quelconque partie », explique ainsi l'ex-président.Il s'exprime également sans ambages sur la question amazighe. « L'amazighité est une sorte de tradition et de langue de quelques tribus appartenant à des civilisations et cultures prè-islamiques et il reste encore peu de tribus qui tiennent encore à ces origines. (…) L'amazighité est une langue qui est dépassée par le temps et qui ne pourra pas se développer. (…) La langue amazigh a disparu », affirme-t-il. 5 Octobre 1988 -2010... 22 ans de lutte C'est dans la douleur que vivent les victimes d'Octobre 88. Le régime, pour se laver de ses crimes, a imposé, dans le but évident de faire taire toutes les demandes de justice, instaurant ainsi une tradition d'impunité. Les sacrifices de la jeunesse ont été dévoyés par des apprentis sorciers de la politique, pervertissant le sens des appels à l'ouverture démocratique pour mieux confisquer le pouvoir. Cependant, la date du 5 Octobre continue et continuera à être commémorée. Pour rappeler les aspirations au changement radical aussi bien politique que social, accompagner ceux qui restent meurtris dans leurs chairs et se recueillir à la mémoire de ceux ayant trouvé la mort lors de la répression qui a suivi les protestations populaires.22 années de combats immenses pour édifier une Algérie démocratique et sociale. 22 années à résister à un pouvoir chevillé dans des intérêts étroits, tournant le dos à toutes les aspirations des Algériens (es). Mais jamais les Algériens (es) n'ont renoncé à faire avancer les luttes liées à la question démocratique. Il faut entamer une nouvelle décennie avec optimisme, les nombreuses luttes syndicales, les soulèvements répétitifs des populations dans les quatre coins du pays autour de leurs problèmes quotidiens.La célébration du 5 Octobre doit être l'occasion de relancer le travail de rassemblement et de re-mobilisation afin d'édifier une alternative démocratique.A cette occasion, nous appelons les Algériens à se joindre à un dépôt de gerbe de fleurs organisé le mardi 5 octobre 2010 à la place des martyrs à Alger, à 13 heures, par l'association des victimes d'octobre (L'AVO), il sera suivi d'une lecture de textes de Mustapha Benfodil par Kader Farès Affak consacrés à rappeler ces évènements dramatiques.