Dans un long entretien accordé à deux chercheurs japonais et publié dans le n°27 du The Journal of Sophia Asian Studies (2009), Chadli Bendjedid fait tout simplement dans le révisionnisme de l'histoire. En particulier sur la question identitaire qui a toujours suscité un débat houleux depuis l'indépendance et bien avant. Fidèle à ses positions anti-amazighs, Chadli Bendjedid s'improvise anthropologue et linguiste à la fois pour nier, sans aucun argument, l'identité amazigh de l'Algérie et même de l'Afrique du Nord. Il piétine même la Constitution qui confirme l'amazighité comme une des composantes de l'identité nationale. «La langue amazigh est une sorte de tradition et de langue de quelques tribus qui appartiennent à des civilisations et cultures ayant existé avant l'islam. Il y a encore quelques tribus, dont le nombre est extrêmement réduit, qui sont encore attachées à leurs origines et dont il est difficile de retracer leur appartenance amazigh. Tamazight est une sorte de langue locale et de civilisation liée spirituellement à l'Islam (…) qui n'est pas imposé en Afrique du Nord par la force du sabre. Mais il a été embrassé par les Algériens car il est la religion qui a apporté la justice sociale», déclare-t-il en prouvant son ignorance des grands ouvrages d'Ibn Khaldoun sur l'histoire des Berbères. A une question sur l'identité de l'Algérie, celui qui a réprimé dans le sang les manifestations d'avril 1980 campe aussi sur ses positions. «Il n'y a pas une identité spécifique à l'Algérie à part l'identité arabe et musulmane. Nous appartenons à une société arabo-musulmane (…) et nous resterons attachés aux valeurs de cette société et à cette civilisation», assène-t-il. «Vous voulez dire que la langue amazigh ne constitue pas une composante importante de la personnalité algérienne ?», interrogent les deux chercheurs japonais. «Oui !», rétorque Chadli, comme pour dire qu'il ne reconnaît pas la Constitution algérienne qui stipule que «la langue amazigh est une langue nationale» et que «l'identité algérienne est constituée de trois composantes : l'amazighité, l'arabité et l'islamité». Poursuivant, il tente même de réduire l'existence de la langue amazigh. «Son existence (la langue amazigh) est très réduite. Son utilisation est très limitée dans certaines tribus, mais le reste des Algériens parlent l'arabe (…) car il est la langue d'une civilisation. La langue amazigh est très limitée et elle n'est qu'un mélange du français et de l'arabe», estime-t-il. Selon lui, les services français ont utilisé ce facteur pour exercer des pressions sur l'Algérie. La preuve ? «L'enseignement de tamazight dans les universités françaises», lance-t-il, omettant de signaler que lui, en tant que président de la République, n'a rien fait pour développer cette langue. Pis encore, à son époque, ses propres concitoyens ont été tués et emprisonnés pour avoir réclamé leur identité. Chadli Bendjedid tente aussi d'effacer l'existence de tamazight dans les pays du Maghreb. Interrogé également sur l'arrêt du processus électoral en 1992, Chadli affirme qu'il était contre et que le gouvernement devait céder le pouvoir au FIS : «Oui. C'est vrai. Si le pouvoir avait accepté les résultats des élections, on ne serait pas arrivé à cette dangereuse situation. J'ai voulu que le peuple algérien assume ses responsabilités d'avoir choisi ses représentants en toute liberté. Il aurait fallu que nous respections le choix du peuple algérien et donner une chance au FIS de constituer son gouvernement.» «J'étais pour le processus démocratique et comme le peuple avait choisi l'autre camp, nous devions leur donner le pouvoir et la possibilité de gérer le pays (…) mais des membres du FLN ont eu peur et m'ont demandé d'annuler les résultats des élections», ajoute-t-il. Concernant sa démission, l'ex-président soutient qu'il n'a pas été poussé vers la porte : «Celui qui prétend qu'il y a eu un coup d'Etat se trompe, parce que j'ai démissionné de mon plein gré sans pression d'une quelconque partie.» Chadli Bendjedid charge aussi l'appareil du FLN, qu'il accuse d'être à l'origine des événements d'Octobre 1988. «Ils étaient contre les réformes que j'ai entreprises», explique-t-il.