On se croirait dans un vaste univers architectonie alors qu'on est seulement entre quatre murs peints de fausses perspectives et on pénètre dans une allée où on se heurte à une paroi verticale, on s'approche pour toucher au visage et celui-ci se dissout d'autant plus vite que se réduit la distance qui nous sépare. Et ce monde à double fond n'en présente pas moins un néant aussi convainquant que la réalité. Ainsi, de la plupart des études sur l'histoire des arabes et du Proche-Orient, nous gardons par exemple, de dire que l'Orient arabe est en guerre et que cette guerre n'a pas été voulue par lui. Nous continuons à nous bercer du conte que les progrès techniques mariés a la science des relations internationales ont aboli la guerre dont nous ne voulons entendre parler qu'au passé. Or, les massacre de l'Allemagne nazie oui, les autorités d'Israël et des Etats-Unis, non. Nous avons de notre époque un tel orgueil de l'évolution de l'humanité, une conception tellement optimiste, que l'institution de la guerre paraît incompatible avec notre vertu de surhommes. Aussi, prenons-nous pour vérité un charabia hautain où cabriolent des métaphysiques imbéciles. Alors qu'il suffit d'ouvrir son journal pour goûter nos tueries quotidiennes. Oui les lois de la stratégie sont demeurées ce qu'elles étaient du temps d'humler et d'Alexandre : implacables. Oui la conquête est toujours le désir lancinant des hommes même si les propagandes dévient l'attention vers des images moralisantes, même si les tueries, présentées comme des faits d'armes exorbitants, deviennent des moments esthétiques, elles n'en sont pas moins des tueries. A cet égard, le conflit israélo-arabe est un enseignement ayant donné libre cours à toutes les dialectiques subtilement combinées du surréalisme illusionniste. Sous les sept flambeaux de la charité et avec la bénédiction des moralistes de la société de consommation est conduite contre les arabes une expédition similaire aux croisades du XI° siècle, alors que notre époque, qui se prétend libérée du merveilleux et ne voit plus dans les religions que des mythologies politiques, devrait, en bonne logique, réprouver l'argumentation biblique d'un sionisme s'affirmant tout à la fois, et de façon discordante, l'apporte du plus réaliste des modernismes et le soldat du dieu invisible. Quant le sionisme a dit que ses colons partaient pour la quête charitable d'une Palestine pouilleuse, sans population, sans valeurs, on ne s'est pas demandé les raisons d'un tel appétit de sacrifice. Nous savons pourtant tous qu'on n'a jamais vu des gens se préoccuper d'aller rendre vie a une terre croupissant dans la misère, car c'est à la recherche de terres belles et bonnes qu'on a toujours couru et le rêve de l'émigrant a toujours été de faire fortune et non de bichonner des cailloux. Or, la propagande nous a convaincu que le sionisme faisait exception à la règle. Pour quoi ? le sionisme n'est-il donc pas de ce monde ? et puis comment se fait-il qu'ait germé le plan d'un « royaume d'Israël » enté sur le tronc d'un arbre généalogique depuis longtemps desséché ? Quand on sait que les trois civilisations, juive, islamique et chrétienne, sont inextricablement mêlées, comment admettre un instant, sans tomber dans le ridicule, qu'on puisse songer à les départager territorialement ? Elles sont le résultat d'un si total syncrétisme qu'il n'est même pas possible d'en déterminer l'origine dans l'espace. Aussi, des courants extrêmement profonds et issus de la nuit originelle ont baigné d'une même méditation la zone araméenne et sémitique, bordée au nord par l'Arménie, à l'est par le Zagros, au sud par le Yémen, à l'ouest par le désert Libyque. L'écran du temps qui nous sépare de ces époques créatrices est tellement opaque que bien malin serait le voyant qui y discernerait les frontières d'empires spirituels : égyptien, hébreu, philistin, hittite, sumérien et autres. Si quelques illuminés du 19° siècle ont établi la carte du royaume juif, personne n'est tombé à genoux devant leurs chimères et il a bien fallu que des politiciens et des états majors l'imposent sur le terrain à coup d'escadrilles, de canons et d'argent. La présence de cet armement et de ces banques ne serait-elle pas la meilleure preuve, s'il en est besoin, que ce ne sont point des hordes célestes qui combattent les arabes à des fins divines, mais des états majors au regard froid et à des fins non théologales ? il n'est pas possible à un esprit droit de ne pas s'en rendre compte. Mais n'avons plus l'esprit droit. Il serait tellement simple, convenons-en pour échapper aux enchevêtrements et aux bifurcations d'avoir le courage d'affirmer qu'il n'y a rien de nouveau sous le soleil et qu'Israël ayant fait la guerre (et continue) a pour lui des droits du conquérant et du vainqueur. Et, pareille attitude n'aurait rien de déshonorant. Les cimes comme les gouffres de l'histoire sont suffisamment grands pour tout le monde. Mieux vaut réhabiliter les droits de la guerre, dire qu'on fait le mal par dessein et non par dévotion, que d'embarquer l'opinion de l'occident dans la nef des fous. Aux constantes arbitraires de la propagande mieux vaut opposer les constantes naturelles de la compétition internationale et il serait meilleur de mettre l'accent sur le principal que sur le fortuit afin de ne plus confondre fornication avec la fortune et mariage avec le siècle. Une citation de Lénine aux révolutionnaires de Bakou en 1920 : « vous viendrez a bout de l'Occident par l'Orient ». cet appel n'est pas tombé dans les oreilles des sourds (Alexandre, César et Bonaparte y avaient du reste déjà songé) et tous les états majors en ont fait leur profit, les américains notamment, portés par leur victoire à ambitionner, l'empire des mers, atlantique, méditerranée et pacifique. Ils ont donc déployé une stratégie d'envergure dont Israël n'est qu'un élément et dont la technique avouée est d'installer un système de guerre derrière le paravent fleuri des cantiques. De telles floralies sont présentées par des gens d'armes en civil et les plus belles roses ont des pétales du fulmicoton. La parole et la diplomatie, les salons et les livres, le cinéma et le disque sont au service de l'épée. Ainsi, il n'est pas une seule démarche du sionisme qu'il ne faille juger par référence non pas à un ordre moral mais aux lois de la géométrie pluridimensionnelle d'une stratégie conçue tout en haut de l'échelle. Cherchez les chefs de la guerre en méditerranée et vous détiendrez les secrets d'Israël, car tout autre analyse du conflit prêterait a rire, comme une tentative a peser des ombres a la seule vrai question, qui vaille d'y réfléchir : où débouche la guerre conduite par les organisations ogarchiques mondiales contre les peuples et les société nationales ? Est-il possible de fonder une politique sur la mise en boîte sous vide des hommes et des choses sur la négation des originalités nationales du temps, des espaces et de l'humanité réelle ? Est-il possible qu'Israël, qui est un rêve armé, mais un rêve tout de même, l'emporte sur la civilisation arabe, réalité permanente, que vaut la guerre ? Depuis fort longtemps les peuples ont répondu qu'elle ne vaut rien quand elle n'est pas menée par eux et pour eux. Libre aux doctrinaires d'ordonner à leur guise le destin des familles, de les soustraire, de les diviser, de les déplacer. La résistance des nations à cette en carte imaginaire est sereine parce qu'elle est l'histoire et pour une autre raison tout aussi simple et bonne qu'il y a plus de chose sur la terre et dans le ciel que dans la cervelle du plus prophétique des stratèges. La défaite de la nature ne saurait être que provisoire. Aussi, ne serons-nous pas de ceux qui s'offrent a jouer a pile ou face la victoire des peuples arabes ou celle des oligarchgies oppressives. Ce serait douter de l'évidence de la prééminence de l'infini sur le fini. Aux normes étangs clos des dogmes, les nations ne cessent d'opposer leur vague qui ne se tait jamais dans un océan toujours ouvert car l'aptitude de régénération des nations est sans limite. Comme dirait André Breton, elle font valoir que l'hiver, avec toutes ses rigueurs et ses souillures, ne peut jamais être tendu que pour transitoire. Enfin, plus que tout autre, la guerre du Moyen Orient sera inexorable car plus encore qu'une guerre de libération, elle est essentiellement une guerre entre deux types de civilisation. Et les certitudes sur lesquelles elle débouche sont des énigmes.