Attraper le bandit, tel est le mot d'ordre des éléments de la police judiciaire (PJ) de la Sûreté de wilaya de Sétif et de la Brigade mobile de la police judiciaire (BMPJ). Un service de trente policiers qui patrouillent chaque nuit en ville. Une même envie de lutter contre la délinquance les unit, pour le meilleur et pour le pire. Dans la nuit de jeudi à vendredi, notre journal a suivi le chef de la brigade, M. Boudjellal et son équipe. Course-poursuite, interpellations, sécurisation, vérification d'identité... Bienvenue dans le quotidien de ces flics de la rue et de la nuit. 19h00. Les policiers prennent leur service. Au garde-à-vous, les 30 fonctionnaires en faction cette nuit-là reçoivent leurs ordres de mission. Ce soir, cinq voitures couvriront la ville de Sétif. Leur attirail se compose uniquement d'un pistolet automatique (PA) et d'une paire de menottes. 19h15. Crochet par le foyer du commissariat, avant de prendre la route, les policiers boivent un café. Une sorte de petit- déjeuner à l'envers puisque ces hommes commencent une “journée” de travail qui les emmènera jusqu'à 7h du matin. Les hommes se préparent à sillonner Sétif et ses nombreuses cités. Leur mot d'ordre : “Attraper le bandit”. Leur méthode : “Battre le terrain”. Leur plaisir : “Etre plus malin que les petits malins”. Les policiers savent bien qu'on les repère facilement à bord des Nissan. Pas gênant : “Au moins, les malfaisants savent qu'on est là et qu'on ne les lâche pas.” 19h30. Les policiers roulent vers la vaste forêt de Zenadia, un immense terrain boisé qui s'étend sur plusieurs hectares jouxtant la RN9 en direction de Béjaïa. A l'intérieur des bois, les éléments de la PJ font leur première rencontre. Un groupe de personnes était en train de consommer des boissons alcoolisée. A la vue des Nissan, les consommateurs, au nombre d'une vingtaine, dont quatre femmes tentent de s'échapper, mais seront vite rattrapés et interpellés. “La patronne” des lieux, C. S., âgée d'une quarantaine d'années, fut arrêtée pour vente de boissons alcoolisées sans autorisation et création de lieu de débauche. Une somme de 6 000 DA , fruit de la vente, ainsi que des dizaines de bouteilles seront ainsi saisies. Les contrevenants ont été immédiatement emmenés au commissariat et remis à l'officier de permanence pour les procédures d'usage. 20h30. La patrouille redescend vers le centre, avec une prédilection pour les cités des 500-Logements, fiefs des dealers et des voleurs, des 1006- Logements et des nouveaux lotissements, ainsi que le marché de voitures et la zone d'activité. Cette dernière est réputée être un véritable bar à ciel ouvert. L'ambiance semble assez paisible, mais il faut avoir l'œil sur tout. A plusieurs reprises, Boudjellal visite les parkings. Chaque policier observe les voitures une à une, veillant à ce qu'il n'y ait pas un crâne louche qui dépasse les appuie-tête. “Il faut être aux aguets. La délinquance n'est pas un produit de supermarché, ça ne se trouve pas au bout d'un rayon.” Outre les séances d'entretien, chaque élément de la police judiciaire a des prédispositions en fonction desquelles peuvent se constituer les équipes de patrouille : “Certains ont l'œil plus aguerri, d'autres courent plus vite ; d'autres encore manient mieux la procédure”, dira le responsable du groupe. 22h30. Cité de la gare, les Nissan s'arrêtent à hauteur d'une voiture d'où jaillissent des sons de musique assourdissants et tonitruants. Maâmer le chauffeur de la Nissan ouvre sa fenêtre et interpelle le jeune pilote de cesser son vacarme. Le ton est sympathique mais ferme. Le garçon s'arrête immédiatement de remuer la tête au rythme de sa musique dont il baisse amplement le volume. Il redémarre doucement, sous la seule musique de son moteur... 23h30. La nuit ne fait que commencer, et déjà les policiers ont réussi de belles prises. Au total, une trentaine de personnes, dont une dizaine de femmes, ont été arrêtées pour subir des examens de situation pour les uns et constitution de dossier pénal pour d'autres ivresse sur la voie publique, conduite en état d'ébriété, vente de boissons alcoolisées sans autorisation, création de lieu de débauche et prostitution, consommation de stupéfiants, et snif de colle... 01h00. Dans le quartier des 1014, une Golf accélère à la vue des véhicules banalisés. Elle roule à vive allure vers la cité Dallas. Les Nissan s'élancent à la poursuite du véhicule, gyrophares allumés. Le conducteur de la Golf comprend qu'il vaut mieux s'arrêter. Il stoppe sa course. Les policiers procèdent à une fouille attentive des jeunes et du véhicule. Rien de compromettant. Les papiers sont en règle. Le chef de brigade recommande au conducteur de lâcher un peu le pied et laisse les jeunes repartir (beaucoup plus doucement). La prévention compte pour une part importante dans le travail de la police judiciaire. Toutefois, et même si les infractions routières ne constituent pas la cible prioritaire de ces policiers, chacun d'entre eux peut à tout moment verbaliser un véhicule s'il juge dangereuse telle ou telle conduite. 02h00. Retour au commissariat où les policiers font une pause. Pour eux la nuit blanche n'est pas un événement. C'est leur boulot. Dans les bureaux de la PJ, Boudjellal établit un rapport de cette première partie de la nuit, qu'il complétera au retour de la deuxième partie pour le remettre ensuite au commissaire. Dans ce rapport, il décrit le parcours qui a été suivi et les différentes interpellations qui ont émaillé la soirée. Leurs destinations sont nombreuses et variées. Elles procèdent soit de leur initiative, soit d'un appel radio. 04h00. La ville est calme, mais les hommes continuent de traquer le bandit, s'infiltrant dans les moindres recoins, dans les parkings les plus reculés. Comme il n'y a plus guère de monde à cette heure avancée de la nuit, les policiers se racontent quelques anecdotes mémorables. “Si chaque policier écrivait ce à quoi il se trouve confronté tous les jours, on remplirait des bibliothèques entières d'épisodes absolument uniques.” 07h00. Fin de service pour la brigade. Une nuit qui s'achève, une journée débute pour la relève. En dépit de manque flagrant d'effectifs et de moyens (2 000 policiers uniquement pour 1 million 500 mille habitants, alors que les normes sont de 1 policier pour 300 habitants), les services de la police judiciaire et de la BMPJ assurent un travail remarquable et une omniprésence sur le terrain en vue de sécuriser les quatre coins de la wilaya. Que faut-il retenir de cette nuit passée avec les hommes de la police judiciaire ? Qu'ils sont volontaires, courageux, dissuasifs. Que le dialogue reste leur arme principale et qu'ils savent rassurer la population non seulement par leur présence mais par leur discours quand ils s'adressent à une victime. Ce sont des hommes de la nuit qui méritaient bien ce coup de projecteur. Imed Sellami