Le film, Mon colonel, adapté du roman de Francis Zamponi, tourné à Sétif l'été dernier, a été projeté en avant-première dans la soirée de samedi dernier à la salle de la maison de la Culture en présence du réalisateur du film Lorent Herbier, de l'acteur principal Robinson Stevenin ainsi que du monde du cinéma algérien et d'une forte présence du public sétifien que Costa-Gavras n'a pas manqué, d'ailleurs, de saluer avec beaucoup d'émotion. La projection de Mon colonel est considérée avant tout comme un événement vu la pauvreté, depuis quelques années, du paysage cinématographique algérien. En outre, il a suscité de la part du public des avis mitigés, partagés entre satisfaction et réserve. Pour certains, Mon colonel constitue un moment intense dans le cadre du rapprochement entre les peuples des deux rives de la Méditerranée, d'autant que ce film prend position contre la loi du 23 février portant l'éloge de la politique de colonisation française en Algérie. Pour d'autres, ce film qui retrace la guerre d'Algérie manque de perspicacité et d'attrait. Il occulte d'ailleurs la responsabilité de la politique FLN durant la guerre de libération. « On tente de blâmer le politique à travers le militaire », estime un homme de théâtre. Car seul le personnage du colonel incarnait l'image de la répression française en Algérie et le civil ne fait figure qu'à travers le portrait du président François Mitterrand à l'époque où les faits sont racontés. « Nous allons rendre la justice nous-mêmes et en public », s'exclame à un moment du film le colonel comme pour conforter cette thèse. Pour Djamel Azizi, réalisateur algérien en France, l'organisation politique algérienne n'est guère présente dans les péripéties du film. « Le FLN aurait pu générer l'effet escompté et donner plus de lucidité aux vérités historiques », soutient-il. Une critique vite relevée, au cours des débats, par Costa-Gavras qui assure que le film est un huis clos entre deux personnages, celui du colonel et du jeune lieutenant français et dans le monde du premier, l'autre n'existe pas. « On disait que la Méditerranée séparait la France et l'Algérie comme la Seine sépare la France, telle était la thèse de Mitterrand qui était convaincu que l'Algérie était française », a relevé le réalisateur dans son intervention. Mais le personnage du jeune militaire Rossi pris dans la tourmente de la répression française représentait une métaphore du peuple français contre la machine de l'Etat colonial dans un film où les faits remontent à 1993 en France. Les faits sont révélés à travers une technique de flash-back qui déclenche le récit par l'assassinat du colonel par le père du personnage principal, le jeune militaire porté disparu en Algérie. Le va-et-vient entre le passé et le présent fait ressortir les horreurs de la guerre et les atrocités de la torture perpétrées par l'armée française. Un thème privilégié par le précurseur du film politique français avec Z des années 1970, qui considère que Mon colonel constitue le « premier film de l'histoire française post-coloniale » et aussi une œuvre artistique qui met sur le devant de la scène un débat franco-français sur le passé colonial de la France. Une intention « courageuse » que personne dans la salle n'a manqué de relever. Après l'assassinat du colonel, c'est l'armée qui mène l'enquête tout au long du déroulement des péripéties du récit, mais là aussi, le personnage de la jeune lieutenant Cécile intervient pour incarner à la fin du film l'évolution de l'image de l'armée française. Un comportement qui traduit la sensibilité et l'émotion humaines, identique à celui du jeune militaire Rossi qui s'opposait à la « légitimité » et à la « légalité » des actes de l'armée française dans sa guerre en Algérie. Enfin, on nous signale que la première sortie de Mon colonel à Montpellier,il y a quelques jours de cela, a été couronnée d'un « franc succès », projeté devant 2 000 spectateurs, explique le réalisateur Costa-Gavras. Une impression dictée sans nul doute par les orientations du film dans le cadre des relations futures entre la France et l'Algérie et inscrites en droite ligne en direction de la signature du traité d'amitié entre les deux pays. A. B. La Tribune